Tu l'avais prévenu. S'il y a une chose qu'on ne peut pas te retirer c'est que tu es le genre d'homme qui ne parle jamais dans le vide. Quand tu passes la porte de l'appartement cet après-midi là, tu sais exactement dans quoi tu t'engages. Mais tu n'exprimes ni peur, ni regret, ni remord. Tu l'avais prévenu. Et tu savais que ton fait d'armes accomplit, tu aurais gagné. Tout gagné. Mais qu'Ezra ne vienne pas t'accuser ou t'en vouloir. C'est après tout lui qui t'a forcé la main.

Tu te diriges vers l'arène. Tu n'as pas de combat aujourd'hui, mais tu sais qu'elle, en a un. Aphrodite sur tes talons tu traverses les allées d'un pas rapide (tu ne sais pas marcher lentement). Au loin tu entends les clameurs des demi-dieux venus assistés au spectacle. C'est moins peuplé que lorsque toi, tu combats. Tu te satisfais de le constater, signe quelques autographes à des demi-dieux postés devant l'entrée de service pour choper les combat à la sortie des jeux et tu rentres. Tu as acquis une certaine patience depuis quelques semaines. Alyss combat, tu attends qu'elle termine suis de loin sa performance (médiocre de ton humble avis) sur les moniteurs du vestiaire et lorsqu'enfin elle termine, tu es si peu intéressé que tu ne saurais dire si c'est elle qui a gagné. Tu l’accueilles, calé contre l'encadrement de la porte des douches.

— Pas mal, Alyss.

Tu hausses les épaules, te décales presque gentleman pour la laisser accéder à son casier.

— On t'as pas vue au mariage.

On. Toujours on. Pour bien appuyé qu'avec Ezra il n'est plus que question d'un "on" vous englobant lui et toi.

— Ça l'a blessé, tu sais.

Le casque écrasé contre ton torse, tu la suis du regard. Ton sourire ne te quitte pas, enfant terrible et imperturbable. Le casque tourne autour de ton doigt, tu ne prends pas sa colère au sérieux, entre vous tout n'est qu'un fabuleux et électrisant jeu.

— T'es belle quand t'es en colère, Nielsen.

Elle s'approche et toi tu le regardes. Tu en t'opposes pas à ses gestes, ne lui refuse aucun de ses pas. Qu'elle glisse ses doigts dans les tiens, glisse l'anneau hors d'atteinte. Lorsqu'elle y observe ton image tout ce qu'elle voit c'est un visage de roi. Mais le roi cette fois-ci ne sourit plus.

— Ça vaudra le coup.

Tu poses une main sur l'anneau entre ses doigts et les enveloppes dans ta paume.

— Tu me détestes. Je te dégoûte.

Tu baisses sa main, caresses sa peau abîmée des combats sous tes doigts.

— Mais moi, c'est drôle comme je ne te déteste pas.

Tu glisses ton visage proche de sien, instaures entre vous une proximité qui ne devrait pas exister.

— Ezra te manque, pourquoi t'es comme ça, Alyss ?

— Tu mens.

Tu esquisses un sourire, presque doux, presque compatissant. Et cette humanité dans tes traits, ce semblant de raison et d'empathie, tu serais terrifié si tu rendais compte que tu n'avais pas à les forcer pour qu'ils naissent. Tu vas la briser, tu vas punir Ezra et l'achever. Mais tu réalises en l'ayant près de toi que tu ne détestes pas Alyss. Tu détestes Précieux. Tu détestes tous ces autres que tu ne connais pas et qui connaissent Ezra. Mais Alyss ? C'est particulier. Cette fille, tu l'as, au final, toujours sincèrement aimé.

— Tu mens mais tu fais la fière. On fonctionne pareil.

Tu ne réduis pas la distance, bien au contraire. Quand elle force vos souffles à se mêler, toi tu avances la tête, glisse sous la confidence.

— Tu préfères crever que de le montrer mais au fond de toi tu hurles.

Et lorsqu'elle glisse à ton oreille tu glisses tes doigts contre sa nuque pour maintenir son oreille à porté de tes lèvres.

— Si tu tapes aussi fort dans l'arène c'est pour extérioriser, t'es sur le point d'imploser, ma belle.

Tu laisses l'anneau se glisser dans ta paume, tu sens son poids contre ta peau.

— Avec Ezra, c'est toujours la misère et tu le sais.

Tu laisses ta tête appuyer contre l'encadrement de la porte, la jauges du regard, ta petite blonde favorite.

— Il est tellement désespéré qu'on l'aime qu'il est incapable de voir qu'il a déjà tout l'amour dont il a besoin. C'est dur de l'aimer, tu sais ça mieux que personne.

Tu presses sa main dans la tienne.

— On est dans la même galère toi et moi.

Tu la regardes de longues secondes.

— Nan, vraiment y a rien à faire, je ne te déteste pas.

T'as de la compassion pour elle. C'est fou. Lorsqu'elle demande s'il est là, t'as presque envie de la prendre dans tes bras, donner l'accolade, une tape sur l'épaule. Parce qu'évidemment qu'il n'est pas là. Ezra n'est jamais-là pour ceux qui l'aiment.

— Non.

Et t'es même pas moqueur, même pas méchant (pour une fois). Juste cru, juste vrai. Non, il n'est pas là. Et visiblement la réponse ne lui convient pas. Elle fond sur toi pour te plaquer contre le mur le plus proche. Tu hausses un sourcil.

— Pourquoi tu n'arrives pas à envisager que je puisse vraiment compatir ?

Peut-être parce que c'est à faux et à moitié vrai.

— T'es pas croyable. T'es plus un sujet de conversation entre nous depuis longtemps.

Tu prends son poignet, secoues la tête.

— Tu sais comment il est. Tu sais qu'il fuit ce qu'il aime comme la peste, c'est plus fort que lui. Il fuit, puis il sabote, encore et encore, pour final finir par revenir se faire ramasser à la petite cuillère.

Tu n'as pas vraiment à forcer pour décoller ton dos du mur. Toujours son poignet en otage, c'est à ton tour de la faire reculer.

— Sincèrement j'ai de la peine pour nous, pour toi. Aimer un gars pareil, on est bêtes, hein ?

Tu glisses sa main jusqu'à ton cœur.

— Tu vas pas bien Alyss, dit pas le contraire, je vais pas bien aussi.

Tu fronces les sourcils. T'es totalement conscient de ce que tu fais. Parfois, le coup de poker c'était d'être honnête.

— Je veux lui faire mal. Je veux lui faire mal comme il me fait mal. Je me suis dit que tu serais partante pour me suivre. Je sais que t'as envie de lui faire mal aussi.

— Non, je l'ai épousé parce que lui, je n'aime pas le partager.

Ta respiration se fait plus forte. Tu n'as pas besoin d'aimer pour désirer un corps, pas besoin de te forcer pour sentir l'excitation monter. Avec elle, ce n'est pas tant l'âme que tu cherches à souiller que son corps. Qu'il porte ton odeur, qu'il porte ta marque, qu'elle transpose sur ta peau ses flagrances pour qu'Ezra les sente. Plus tu empesteras, plus il la détestera. Tu la cales contre un mur, laisses son dos en épouser les formes.

— Je sais que t'es aussi mauvaise joueuse et perdante que moi.

Les caresses se font plus intimes, tu étires un sourire. Le sang qu'elle fait jaillir de ta lèvre, tu le glisses contre son cou. Glisses tes mains contre ses hanches. Pour soudain la soulever de terre et plaquer ta bouche contre la sienne. Tu l'embrasses, scelles la trahison, la sienne, pas la tienne, car tu as été franc avec Ezra, tu lui avais dit que tu allais lui faire mal.

— Alors fait moi mal.

Tu souris, mains fiévreuses, regard conquérant.

— Parce que moi je ne te raterais pas.