Niké était sur Terre quand c’est arrivé.
Elle l’a senti dans les vibrations du sol, dans les froissements des nuages, dans l’agitation de l’eau de la baie de New York. Elle a senti la rage du Roi des Dieux et l’impuissance de ses frères.

Niké n’a rien pu faire, si ce n’est appeler Alvaro en voyant que Winnie ne décrochait pas. Elle n’a pas osé lui dire que Pascal était mort, elle a préféré jouer à l’humaine et s’armer de lâcheté pour le préserver, elle a soufflé je te laisse ! pour éviter de lui avouer je vais rendre visite à ton frère décédé.

Face à Pascal, Niké a troqué les survêtements Nike pour une longue robe d’un blanc épuré et sacré. Ses cheveux sont tressés et son maquillage est parfait. Elle n’hésite plus et prend son enfant dans ses bras.

C’est pas grave, ça va s’arranger.

Elle le bénit de toute la chance dont il aura besoin pour revenir.

Athena ne t’a pas loupé.

Ton ami non plus pense-t-elle.

Elle caresse ses cheveux affectueusement et le libère de son étreinte, elle se sait étouffante et démonstrative mais elle ne peut pas s’empêcher. Même si ça lui fait mal à chaque fois lorsqu’ils s’égarent et ne lui rendent pas justice.

Je vais arranger ça. Tu seras aussi fabuleux que moi !

Niké fronce les sourcils. Elle n’a pas beaucoup de souvenirs de vraies discussions avec Pascal dans le passé. Elle avait des nouvelles de lui par l’ancien ambassadeur, puis aujourd’hui par Winnie. Elle n’a jamais trop compris pourquoi il la fuyait alors qu’elle est de loin la plus accessible des déesses. Mais trop occupée par le reste de ses enfants et par sa carrière (peut-être qu’elle n’est pas aussi accessible qu’elle le pense) ; elle n’avait pas cherché à creuser plus. Elle s’est contentée de le savoir heureux, ou du moins de l’espérer, de l’imaginer, de parier dessus.

Mais non, mais non ! Qu’est-ce que tu dis ? Tu n’es pas un loser… Tu es un gagnant ! Mes enfants sont tous des gagnants…

Elle réalise à l’expression de son visage qu’elle lui met peut-être la pression.

Non mais mimi… ça va aller.

Elle s’assoit par terre et tapote le sol immaculé de lumière. Le paradis a des allures de tapis de jeu.

Il faut que tu sois courageux. Il faut… en fait, disons que ça serait mieux. Ça serait mieux que tu sois courageux. Tu vois ? Voilà ! C’est ça. Je le dis bien.

Elle lève le doigt pour l’interrompre, même s’il ne parle pas.

Pour ta malédiction, c’est bon. Fiou. Plus rien. J’assure hein ? T’inquiète pas, Athena dira rien, elle sait ce qui l’attend si elle a affaire à moi !

Elle arque un sourcil, le sourire est lumineux. Niké ne lui en veut pas d’être un loser, ou de faire semblant de vivre comme tel.

Tu vas y retourner. Et plus de bêtises d’accord ? Fais attention à toi.