Perséphone a laissé la salle du trône au Roi. Elle préfère le champ de narcisses qu’elle a fait pousser dans le jardin du château d’Hadès. La Reine est assise au milieu des fleurs  lorsqu’une jeune femme à l’allure spectrale escorte Rowan jusqu’à elle. Perséphone la chasse d’un revers de la main, sans sourire.

Merci Mélinoé. Tu peux nous laisser.

Mélinoé s’incline et abandonne Rowan non sans lui effleurer le bras ; elle disparaît au travers d’un mur et les laisse seuls.

C’est la période… de l’année…

Où je suis là-haut.
Et aujourd’hui je dois redescendre.

Elle lui sourit. Perséphone a l’air ailleurs. Elle cueille une narcisse et lui tend. Elle tapote le sol pour l’enjoindre à s'asseoir avec elle.

Je suis désolée. J’espère que tu n’as pas eu mal.

Au loin, l’on peut voir les monstres vaincus provoquer des tornades de poussières pour se réincarner. Ça mettra du temps.

Ne t’occupe pas d’eux Rowan. Ce n’est pas toujours facile de revenir. Tu te sens prêt ?

Perséphone regarde son fils avec amour, mais il y a dans le fond de son regard une absence qui l’empêche d’entrer pleinement en connexion avec lui. Rowan affirme ne plus avoir mal. Elle ne le croit pas mais ne le remet pas en question. Elle hoche la tête pour acquiescer et murmure d’une voix douce.

Tant mieux alors. Je ne veux pas que tu aies mal.

Elle cueille une nouvelle fleur et la fait tourner entre ses doigts. Vu qu’elle était à la surface, son teint n’a pas encore blêmit par les vicissitudes de l’hiver en enfer. Elle rayonne de chaleur.

Elle soupire lorsque Rowan aborde les grandes questions.

Je me doute que tu n’es pas en mesure de comprendre, c’est tout à ton honneur après les horreurs que tu as vu et vécu en haut. Mais moi je les plains. Tu devrais, si tu voyais ce qu’ils sont vraiment. Quelle plaie d’être immortel, et de servir inlassablement le même but : terroriser les vivants et mourir de la main des héros.

Perséphone remarque les ongles qui s’enfoncent dans sa peau, elle attrape sa main et la ramène doucement vers elle. Elle en caresse la paume et y dessine des formes aléatoires.

Toute cette souffrance… Elle est la réponse à toute chose, à tout ce qu’il se passe ici, sous terre.

Elle passe ses doigts dans ses longs cheveux.

Ah. J’ai beaucoup parlé… Je te le redemande, tu es prêt ? Il va falloir y aller.

Mais elle n’a ni parlé d’elle, ni de lui.
Juste des monstres, parce qu’elle s’est persuadé en être un, elle aussi.