premières heures du lendemain matin de l'hybris ※ cage de angeLe corps est engourdi ;
La lumière s’est éteinte depuis des heures - sont-ce des jours déjà ? Ange ignore combien de temps a passé - elle imagine une éternité mais n’était-ce pas hier que les ailes lui ont été tranchées ?
L’aigle n’est plus aigle ;
Les plumes dorées ne resplendissent plus au soleil.

Le coeur geint en silence.
Elle se laisse mourir contre le métal froid et Ange, cette fois, n’a opposé aucune résistance.
Cela lui va - si cela apaise un peu le mal qu’elle a fait - cela lui va ! dit-elle ! cela lui va ! entends-tu, David ?
Cela me va ! Ne t’en veux pas tant de m’avoir détruite ce n’est que ce que je mérite.

Les larmes ne coulent plus depuis des heures ;
Ange n’a plus rien à verser ;
Elle tient à rester vivante - elle pourrait se laisser partir, songe-t-elle.
Mais Ange mérite la douleur qui parcourt ses nerfs.
Ange survit - serrera des mâchoires éternellement si cela pouvait alléger sa peine.

David n’est pas venu la voir.
Une éternité a passé ! ou était-ce hier - est-il mort ?
Elle revoit le sang qui s’écoule de ses plaies et la gorge se serre - elle prie que Dionne ne l’ait pas tué.

David n’est pas - David n’est pas - David n’est - David - David - David

Marmonne seule dans sa cage.
Il flotte soudainement l’odeur tendre l’odeur belle l’odeur chérie ;
L’odeur de Beau ; de Sasha s’appelle-t-il pour tous les autres ;
Son Beau ; elle s’exclame !
Quelle joie ; quel bonheur ! elle ne le mérite pas.

BEAU !

Elle ne le voit pas d’abord ;
Le chat noir s’agite dans une grâce féline, et devant la cage s’invite.
Bientôt c’est Sasha, de son plus simple habit, qui apparaît devant elle.
Le corps de Ange reste meurtri - les muscles lacérés ne lui permettent plus de se lever, elle gigote.

Beau ; mon Beau ; tu es venu, tu es venu ! Quelle douceur dans mon coeur - hah - tu ne devrais pas venir, tu sais ?

Un sanglot semble rire au fond de sa voix.

Je ne mérite pas. Je ne mérite pas. J’ai été une mauvaise Ange - mauvaise, mauvaise - ah. Es-tu venu me punir ? cracher à mon visage ? dire que tu me détestes ? je t’aimerai assez pour deux - alors ne crains pas ta haine. Je l’accepte.

Elle rumine - parle vite - mais la voix est faible, la voix ne porte plus les joies scintillantes d’Ange - seulement ses rires détresses.

Je l’emporterai avec moi toute la colère alors dépose, là. J’engouffrerai tout ça et tu n’auras plus à porter - Sasha - Sasha - Beau Sasha.

lendemain de l'hybris ※ cage de angePourquoi - pourquoi - pourquoi
Les mortels demandaient souvent pourquoi ; abandonnés à l’impuissance ; cherchaient dans le passé pour fuir la détresse du présent. Mais “pourquoi” ne changeait rien à “et maintenant ?” et Ange ne comprenait pas.

Ange ne demandait pas pourquoi car comprendre ne la ramènerait pas à la maison.
A la maison…

… à la maison.

Le regard se perd - il y flotte quelques amères tendresses.
Ange se dit que la maison est chez Lazare et au creux de ses bras, la voix de Sasha qui se lèverait pour annoncer - fièrement peut-être - “je t’ai amené à manger !” Le regard brillant d’Ange qui se serait essayée au moins un instant à manger l’agneau plutôt que le boucher.

Déçu - hah - comme c’est ironique. Maman dit “déçue” pour ne pas dire “je ne t’aime plus” et toi tu dis “déçu” pour dire “je t’aime encore”.

Elle lève le regard péniblement sur lui.
Elle ne veut pas pleurer pourtant la gorge se serre et à ses yeux elle sent les émotions se battre.

Maman est revenue alors je suis retournée dans ses bras - ils étaient froids - elle ne m’aimait plus.

L’instant d’après elle oublie déjà ses paroles ;
Ne pourrait accepter une seconde qu’Echidna ne la chérisse plus comme autrefois (des souvenirs fantasmés de Ange qui l’avait imaginée tendre les bras au sommet de montagnes où Echidna, en réalité, jamais ne s’était présentée).

Ta mère t’aime-t-elle, Beau ?

Le grondement au fond de sa gorge ressemble presque à un ronronnement.

Je ne voulais pas attaquer. Je voulais jouer. Je voulais partager un moment avec ma famille. Je ne voulais pas tuer - je ne voulais pas faire de carnage. Je voulais que ce soit mon anniversaire et qu’on fasse la fête. Une grande fête ! Il y aurait eu des banderoles de toutes les couleurs et sur les fanions on aurait écrit mon nom.

Le regard est triste lorsqu’elle réalise qu’à chercher à provoquer des tendresses elle n’avait été qu’une éternelle déception ;
Avait déçu les monstres ;
Avait déçu les Hommes ;
Ange avait déçu le monde et elle-même finalement se demandait ;
Suis-je si décevante ?
Finissait par être déçue d'elle-même en ne comprenant même plus à quelles attentes elle n'avait pas répondu.

Je voulais vous protéger de mes adelphes. Mais David, Dionne, et la tempête, les émotions qui tourbillonnent… Je ne sais plus, Beau - mais je ne suis pas sûre d’avoir aimé ma fête. Car à la fin j’avais le cœur à pleurer et tout le monde m’a dit “pars” plutôt que “désolé”.