le soleil est haut depuis longtemps.
lui est debout depuis presque autant de temps, n'a fermé l'oeil qu'une petite heure — s'est faufilé hors du lit quand la perspective d'être béni par morphée s'est estompée.
ça aurait dû être un jour de repos, voyage de retour vers nausikaa pour retrouver le confort d'un espace de vie plus grand.
le passe plutôt sur le canapé, à observer le ciel, tasse de thé tiède entre les doigts, à attendre qu'il se réveille.
n'arrive pas à oublier, yeon.
il n'a peut-être jamais eu la (mal)chance de le voir dans cet état, cette spirale d'autodestruction commune, à l'époque, mais il en avait entendu parler.
savait ce que c'était.
et la promesse tacite entre eux, de ne pas s'y engouffrer de nouveau, se fait d'autant plus lourde considérant l'état dans lequel il l'avait retrouvé.
s'en veut de lui en vouloir.

jette un oeil à son téléphone, lorsque celui-ci vibre à l'arrivée de la notification, dérive vers la porte entrouverte de leur chambre.
ne semble pas y avoir signe de vie.
soupire.
il se relève, breuvage oublié sur la table, pour ouvrir au livreur.
bonjour soufflé en réponse au sien, hoche la tête quand il lui confirme sa commande, l'observe dsitraitement partir, descendre les escaliers.
espère qu'il passerait une meilleure journée que lui.
referme derrière, dépose son butin sur le comptoir.
il devrait y avoir suffisamment de nourriture pour deux, s'était assuré d'opter pour quelque chose qui se réchaufferait au besoin — doute que sasha soit apte à manger autre chose que ses céréales pour l'instant.
le bruissement des sacs masque temporairement les sanglots.
ça le fait tilter une seconde, avorter son mouvement pour tendre l'oreille.

sasha ?

inquiétude familière au premier plan, écrase sans difficulté la frustration qui ne s'était pas estompée depuis le bar.
ne met qu'un instant pour traverser la cuisine, s'agenouille ensuite près du lit, à sa hauteur.
il chasse délicatement les mèches sombres qui tombent sur son front, essuie une larme du bout des doigts.

hey, hey, hey. ça va aller, ok ? je suis là.

cherche son regard, yeon, ébauche d'un sourire rassurant aux lèvres.

ça va aller.

mille et un pardon s’échappent d’entre ses lèvres, s’échouent sur sa peau lorsqu’il s’accroche, visage niché dans le creux de son épaule.
glisse une main dans ses cheveux, yeon, les caresse doucement.
chaque excuse trouve un ça va aller en réponse, constant et inébranlable.
ne s’arrête que lorsque ça change, qu’il avoue avoir pensé qu’il était parti, se presse un peu plus contre lui.
position qui devient vite inconfortable, ne cherche toutefois pas à bouger, reste immobile.

tu avais besoin de te reposer, je ne voulais pas te déranger.

n'avait pas réussi à fermer l’œil plus d'une heure, préférant se soustraire à son étreinte endormie pour s’exiler au salon.
à observer le soleil se lever, à ressasser les événements de la veille.
ne lui en ferait toutefois pas part, le garde sous silence.

ne t’excuse plus pour ça, tu l’as déjà bien assez fait.

mélange de douceur et de fermeté bien sincère.
son état est une preuve suffisante de ses remords, se voit mal tourner le couteau dans la plaie et lui lister toutes les raisons pour lesquelles il s’est fait un sang d’encre pendant des heures.
recule légèrement, le force à bouger pour accommoder le mouvement — front appuyé contre le sien.
ses doigts, toujours mêlés à ses mèches, se posent maintenant sur sa nuque.

prends le temps de te réveiller, te doucher et manger, avant de trop y réfléchir, d’accord ? ça finira bien par revenir.

tente de sembler plus confiant qu’il ne l’est réellement.
vu l'état dans lequel il les avaient retrouvés, stian et lui, une mémoire floue ne l'étonnerait pas.

et si ce n’est pas le cas, c’est pas grave.

tu es là, en sécurité, et c’est tout ce qui compte.

il acquiesce, et ça le fait sourire.
s'agrandit lorsqu'il l'embrasse, une fois, deux fois — ferme les yeux une seconde.
le laisse filer sans protester, yeon, ne bouge pas non plus, préférant le suivre du regard alors qu'il s'éloigne, vêtements propres en main, vers la salle de bain.
il se redresse après un instant de flottement, genou droit craquant bruyamment, grimace remplaçant son air serein l'espace d'une seconde.
retourne à son take-out encore chaud, les bruissements du sac et des contenants en polystyrène se joignant au jet lointain de la douche, troublent le silence.
la portion dédiée à sasha est entreposée dans un pot, mis de côté pour refroidir, finirait au frigo par la suite.
pour l'instant, ce sont les céréales qui sont au menu.
dépose la boîte, le bol et lait sur la table.

manque d'échapper ses baguettes et sa nourriture, lorsque ses bras glissent autour de sa taille.
souffle, yeon, s'appuie malgré tout contre lui — incline la tête de côté pour lui faciliter l'accès, baisers déposés contre son cou.
mais sa posture détendue ne dure pas.
il fronce légèrement les sourcils, un mmh prudent en réponse à son premier constat.
sait qu'il est en colère, sasha.
présume aussi que quelqu'un a dû mettre quelque chose dans son verre.
ça le fait frémir.
rage sourde à la simple idée qu'on l'ait roofied.

c'est pas grave.

franc.
parce qu'ils ne peuvent pas remédier à la situation : il est tard, n'arriveraient pas à respecter l'horaire prévu à l'origine.
sasha le relâche, le contourne, se plante en face de lui, et yeon ne cherche pas à masquer son expression pincée.

je ne suis pas... plus en colère. j'étais surtout inquiet. je sais que tu n'étais plus en possession de tous tes moyens, que ce n'était pas de ta faute...

il inspire, baisse les yeux vers ses nouilles, vapeur encore présente sur le carton.
remue le contenu du bout de ses baguettes.
le fixe de nouveau.

j'ai eu peur, quand tu ne répondais plus.

s'éloigne — à son tour de naviguer autour de lui, s'installe à table, un pied sur la chaise, l'autre jambe étendue.
il ne mange qu'une bouchée, avant de soupirer.

j'ai dû appeler l'ambassadeur d'hadès pour récupérer stian, tu sais ? emon, ton presque plaintif, vous étiez complètement torchés... au moins, tu n'as pas trop protesté pour rentrer.

ça aurait été le pompon.

bebou.

ébauche d'un rictus amusé éclairant finalement son visage.

ça l'amuse plus que de raison, yeon, de le charrier doucement.
change la direction de la conversation, s'éloigne du sujet épineux.
si son oh non le fait ricaner, sa remarque suivante lui tire effectivement le mmhmmh habituel, sourcil haussé et sourire en coin en prime.
étire toutefois sa jambe, pied posé sur son genou — mains trop occupées pour caresser le dos des siennes.
ne cherche pas à meubler le silence, lorsque sasha semble se perdre dans ses pensées, surtout si ça lui permet de se souvenir de quelque chose.
mais ça ne dure pas très longtemps, son regard trouve le sien de nouveau.

je connais des gens dans les hautes sphères, en quoi est-ce si étonnant...

ton faussement vexé, menton relevé.
demi-mensonge, ne connaît pas spécialement les ambassadeurs -son frère ne compte pas-, et encore moins celui d'hadès.
c'est qu'il ne s'intéresse que très peu à la politique de nausikaa, se contente d'y vivre.

plus sérieusement, stian m'a filé son téléphone pour que je l'appelle. vu votre état, le fait de ne pas avoir de code a été une bénédiction.

n'imagine pas l'épreuve colossale que ça aurait été de les faire entrer dans un taxi pour retrouver un appartement trop petit pour eux trois.
puis, leur canapé n'était pas le meilleur endroit pour sleep off une gueule de bois -son dos se souvient de l'expérience misérable-, à son humble avis.
sasha s'efforce de le rassurer.
ça fonctionne, en partie.
l'arrête aussi dans ses mouvements, aussi, bouchée à mi-chemin dans les airs.
reste immobile quelques secondes, à l'observer sans rien dire.

tu sais que ce n'est pas de ta faute ?

une personne plus cynique lui aurait rappelé qu'il est toujours important de garder son verre à l'oeil.
la part plus utopique aimerait simplement que ce besoin ne soit plus automatique.

ne prends pas le blâme pour ça, d'accord ?

il est viscéral, ce besoin de lui rappeler qu’il n’y est pour rien.
hoche la tête, mouvement presque rigide, lorsqu’il acquiesce.
soupir accueilli d’une mine soucieuse, porte malgré tout sa bouchée à ses lèvres — n’a pas envie de manger froid.
mais son air change, à sasha, se fait plus souriant en relatant les plans qu’il avait eu pour la veille, si tout s’était déroulé comme prévu.
son regard tombe vers son repas, thaï, à défaut de profiter du coréen.
sait qu’il est au courant de son penchant pour la cuisine familière, comfort food qui lui rappelle des souvenirs aussi doux qu’amers.
sent le rouge qui colore ses joues, à l’idée d’être vu, malgré les années qui défilent.

on peut toujours reporter. cuisiner ensemble, plutôt que de commander.

c’est soufflé doucement, presque timide.
lève les yeux vers lui quand sa main se pose sur son genou, yeon, esquisse un sourire.
plus besoin de dire ça va aller, son visage parle à sa place.

il faut encore terminer les sacs…

vague mouvement de la main en direction de la chambre, vêtements posés ici et là en prévision du voyage de retour qui aurait dû se faire plus tôt dans la matinée.

mais pas besoin de se presser, on fera ça plus tard.

préfère largement profiter du calme qui règne, une fois l’orage passé.
quand l’inquiétude qui lui tordait les tripes laisse finalement place à la quiétude.
ne reste que l’envie de se blottir contre lui — finirait inévitablement par le faire, nez plongé dans ses cheveux, à lézarder au soleil, le départ tant attendu finalement repoussé en soirée.