IL FAUT
COURIR
LE SON DE LA NOTIFICATION UN PISTOLET DE DEPART
JE COURS JE BATS MON RECORD PERSONNEL JE BOUSCULE DANS LES RUES ENFIN DANS LES COULOIRS JE NE SAIS PAS TOUT SENT LE SANG DANS TOUS LES SENS LES GENS SONT DES FOURMIS ET JE N'AIME PAS CES LUMIERES ARTIFICIELLES JE SUIS FAIT-E POUR LE SOLEIL QUI DEJA EST LEVE LAISSEZ-MOI SORTIR LAISSEZ-MOI RESPIRER IL FAUT QUE JE SENTE SON PARFUM CELUI D'ETE OU SINON SA SUEUR CA IRA AUSSI TANT QUE CE N'EST PAS L'ODEUR DE SES BLESSURES SES MESAVENTURES MOI JE VEUX JUSTE
le voir
là
comme il est
avachi sur cette chaise
sculpture de la défaite
j'ai envie de dire : ce n'est pas lui ! rendez-le moi ! redonnez-lui ses sourires !
et je ne m'arrête pas
je continue à courir jusque dans ses bras
tant pis si je ne suis pas bien délicat
ta tête entre mes doigts
le nez dans tes mèches
la bouche sur ton front
je respire
enfin
pour de bon
jun jun jun
tout va mieux
ça ira bien
je te jure jun je vais pas le dire à voix haute mais je te promets qu'à nous deux-- on s'en sortira
et ce n'est plus assez alors mes mains glissent elles vont chercher ton corps ton cœur ton buste, l'enserrent, et je m'y glisse et j'entends
ton cœur
et contre lui, j'essaie de reprendre mon souffle
et contre lui, malgré moi, la brume vient
nous recouvre
nous enlève du reste du monde
elles me soufflent on te laisse et
il n'y a plus que nous.

le monde n'existe plus ou plutôt c'est toi, juste en cet instant oui vraiment et je le serre contre moi oh pas trop fort mais quand même assez pour que tu ne puisses pas, à aucun instant, oublier que je suis là
assis-e sur tes cuisses, et tout ton corps contre moi
vas-y ! lâche
les larmes rouleront, se recueilleront dans ma clavicule
et de ce lac-là on en sortira toutes les mauvaises pensées, on ne regardera pas nos reflets parce que ça ne sert à rien et
en vérité j'ai peur
j'ai peur parce que je ne sais pas quoi dire face à ta culpabilité
la mienne me tend encore des pièges tu sais c'est comme le deuil tu le fuis et tu cours jusqu'à en perdre haleine et tu cours tu cours tu cours jusqu'à ce qu'il te trouve au milieu de ta cuisine un beau jour de soleil, tu cours tu cours tu cours jusqu'au jour où tu es heureux mais un peu trop à ton avis ah tu le mérites pas hein c'est sûr alors tu te sabotes et les jours deviendront sommeil, tu cours tu cours tu cours jusqu'à voir une jolie chose un signe une merveille et tu ouvres ta messagerie et tu commences à taper ton message mais tu sais très bien que personne ne le lira jamais
j'ai peur parce que ça fait cinq ans déjà mais je ne m'en suis pas remis-e
j'ai peur parce que je ne veux pas que ça t'arrives parce que je ne veux pas que tu sois une épave comme moi parce que tu ne le mérites pas parce que t'es la meilleure chose qui me soit arrivée cette année
j'ai peur et je te serre en ayant peur
je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, mais je sais que c'est vrai
jun un souffle
l'apnée qui se termine
je ne sanglote pas mais je crois que je pleure aussi
je pleure de peur
je suis là, d'accord ?
c'est tout ce que je peux te dire la seule vérité vraie parce que je sais
que ça ne sert à rien
de dire à un homme, condamné par lui-même, que ce n'est pas sa faute
je n'irai pas te contredire, ni te maudire
je me contenterai de te chérir
tout va bien maintenant
c'est vrai, moi j'y crois, parce que j'ai vu -lou va bien, et tous tes ami-es aussi, alors ça va, non ? le monde c'est toi alors il-- il va mal
mais il survivra !
et derrière le voile de la brume, dans le secret de notre étreinte, dans la confiance de notre affection, je ne peux pas te dire que ce n'est pas ta faute
je n'y arrive pas
c'est---- je me revois à ta place et j'aurais explosé face à quiconque osait m'enlever le blâme j'aurais mordu crié hurlé frappé je leur en aurais voulu de me prendre mon choix, celui que je devais porter en croix de bois
mais toi ce n'est pas ça, non ? ce n'était pas conscient
ce n'est pas pareil
et enlisé-e dans mes drames, je ne sais comment gérer les tiens
o-on sait pas, ok, jun ? on sait pas si c'est de ta faute iels attaquent n'importe où, et la concentration a dû les attirer, et il y a les traîtres -ça peut être les traitres, ça aurait du sens de quoi as-tu besoin, jun ? je te le donnerai
en attendant je n'ai que la science que la logique à t'offrir -je la trouve soudainement si froide, que je te serre encore un peu en grelottant

je préfère le froid à la chaleur car contre lui il y a toujours espoir : on allume des feux plus facilement qu'on ne créé des glaçons, et dans les blizzards on se rapproche on se touche on s'enlace on s'aime plus que dans les canicules qui nous font détester les autres ; dans les durs mois d'hiver, on se retrouve toustes, on fête l'ardeur qu'il y a entre nous et on la partage
alors, en ce moment-là, je te donne de la mienne
je frictionne ton dos dans des mouvements tendres, mesurés, voulus
je colle mon front contre le tien pour ne laisser aucun courant d'air entre nous
je vais chercher tes doigts de ma main restante pour que jamais tu ne dérives
et quand tu dis mon nom, mon feu s'embrase
je me sens soudainement vivant-e, j'espère assez pour deux (je te redonnerai plus tard le souffle que tu m'as confié ; j'en ai besoin -un instant, juste un instant)
prêt-e à tuer tous tes démons et ah, si je l'avais devant moi, ce monstre qui n'a pas besoin de nom, si j'étais arrivé-e plus tôt, si j'avais pu tout faire annuler---
si luther m'avait dit
si sophia m'avait dit
si oliver m'avait dit
et toustes -toustes je les hais soudainement comme s'iels t'avaient tué directement
je sens ton cœur mais ce n'est plus ce qui m'intéresse
moi je veux savoir si un jour tu vivra sans te dire que tu ne le mérite pas.
moi je veux qu'iels redonnent les vies qu'iels ont prit comme prix de leurs trahisons.
moi je veux que le monde s'arrête si tu n'es plus heureux.
mais tout ça, tout ça c'est des sentiments d'été, c'est des feux de forêts, tout ça c'est des désirs égoïstes qui ne t'aideront pas ; je le sais, oui, parce que la vengeance ne m'a pas sauvé-e
elle m'a pris plus encore
alors je choisis de te réchauffer
tendre comme je ne l'ai jamais été
ce n'était pas une obligation de le dire, jun je chuchote, et pourtant je sais bien que personne n'entend ; le monde n'existe plus, derrière le mur de brume. je murmure parce que c'est tout ce que j'arrive à faire. comment tu pouvais le dire quand c'était impossible de comprendre encore ce n'est pas une question alors il n'y a pas de point d'interrogation
je te dis la vérité je te jure je le sais je le sais je le sais
je scelle mon secret d'un baiser sur ton front
entoure ton corps du mien autant que je le peux
et je nous balance, bientôt
d'un rythme lent
d'un bateau qui tangue
d'une danse juste entre nous
ta tête dans mon cou
on pourrait croire qu'il n'y a eu aucun drame, si on nous voyait
et pourtant ton dos concave porte des péchés qui n'ont pas ton nom
jun, junhao, elle ne reviendra pas. c'était une promesse
j'aurais pu jurer sur le styx.

je m'attendais à d'autres négations à ce que tu continues de dire que c'était ta faute que tu saches encore où tu étais mais visiblement je fais assez illusions pour que tu oublies d'où viennent tous les gens qui nous entourent (celleux que tu ne vois pas), où se trouve la chaise sur laquelle tu t'assoies (celle qui n'existe plus tant que je suis là), quelle heure il était (celle qui n'a pas de chiffre)
je m'apprêtais à continuer à te consoler
c'était fait, avais-je envie de dire
mais je n'ai même pas le temps de te rassurer par l'implacabilité du passé : tu penses déjà au(x) reste(s) (ceux du banquet non terminé)
tranquille, je continue : il fallait que je me montre roc, imperturbable, il fallait que je sois imperturbable si ce n'était à ta tristesse, il fallait que le monde ait peur de l'ampleur de ma tendresse pour toi parce qu'elle se retournait en violence lorsqu'on la dérangeait
oui, je voulais que l'univers tout entier me craigne, si cela t'assurerait la paix que tu cherches, que tu quémandes de toutes tes forces
que tu mérites, je pense, pour m'avoir apporté la mienne
en cet instant, j'oublie les promesses les amitiés les amours anciennes les ennemi-es les menaces les marchés la délicatesse de ma situation et
cela me fait peur
comment as-tu fait, hein, jun, pour me transformer si fort en à peine quelques moi(s) ?
mes doigts sont doux ; ils poussent à peine sur ton menton
je ne supporte pas loin de moi, même si c'est à quelques centimètres
tu es sauf, jun
j'appuie, encore, et si je n'ai pas ton cœur contre moi, j'aurais ton regard
personne ne nous voit, et aucun monstre ne te prendra à moi
c'est une affirmation qui ne tremble pas une obligation une vérité générale -elle est inscrite dans les lois de l'univers elle est auto-réalisée elle est indiscutable tu m'entends ? aucun. aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun aucun ? répètent les voix et je ne vous aime pas ah évidemment qu'elles ont pensé à ça mais aucun dragon ne prendra ma princesse
je ne construirai pas de forteresse
et alors jamais il ne la trouvera.
tu es en sécurité entre mes bras
et de cette logique réelle, j'en tire la satisfaction étrange de savoir que tu as besoin de moi
elle m'effraie, alors je me dis : non, ne faisons pas cela. nausikaa est sûre. c'était un mensonge en lequel je n'avais pas foi mais je ne voulais pas t'agrafer à moi.

j'ai encore la sueur dans le dos, elle coule et je sais que c'est parce que j'ai couru mais soudainement j'ai froid et je me demande si ce n'est pas la brume qui me fait comprendre que j'ai dit un mensonge que je deviens pire encore et que maintenant je ne le remarque même plus quand je m'enfonce un peu plus loin de la surface
ce n'est pas grave. c'est comme si
je faisais un tour du propriétaire avant de finir en enfer.
ce n'est pas grave. je regarde tes yeux et j'ai l'impression de connaître le paradis aussi.
je viens rattraper les larmes qui coulent du bout du pouce, il frotte la peau dans une caresse plein de tendresse et ainsi tu sais que je suis là je le réaffirme encore une fois parce que j'ai l'impression que jamais ça ne sera assez
et je sais que tu étais sérieux mais ça me fait sourire
ça me fait sourire parce que je te mets bien plus en danger à chaque instant alors même que tu ne le sais pas que tu ne l'imagine même pas qu'en dirais-tu si tu savais que je ne suis pas un ange que je ne suis pas belleau en-dedans si tu voyais la pourriture et toutes les araignées à côté de mon cœur ? celui qui bat un peu pour toi
ça me fait sourire parce que bien sûr que ce genre de choses n'arrivent pas, moi on ne me met pas en danger et cette soirée l'a encore bien prouvée je n'ai rien fait d'autres que fuir et si j'ai eu des chocs si j'ai eu peur jamais je crois que je n'ai été réellement menacé-e
ça me fait sourire parce que tu penses à moi. je n'ai rien de plus à dire là-dessus.
tu me connais. je suis trop débrouillard-e pour que quelqu'un d'autre me mette en danger.
et ça dit : si un jour ça arrive c'est que c'est moi qui l'aurait choisi
et j'aimerais que tu comprennes : si un jour ça arrive ne vient pas me sauver laisse-moi sombrer et continue comme si de rien n'était ne prend pas la responsabilité elle n'appartient qu'à moi et tu verra au fond que c'est bien mieux ainsi
je ne sais pas encore qu'au moindre danger tu ira te réfugier loin de moi mais -ce n'est pas si mal, crois-moi
je te prends dans mes bras, te recouvre autant que je le peux ; il ne reste de nous que des vêtements et des cheveux
je respire ton odeur et elle efface toutes les senteurs de mélange de vie et de mort
oui, je te jure, junhao et je mens peut-être, je ne sais pas, ça ne dépend pas de moi mais à mes côtés il ne t'arrivera rien, rien, rien si ce n'est qu'un jour tu découvrira tout et alors je ne serai qu'un monstre de plus ; aura-tu peur de moi ? feras-tu des cauchemars des pattes de mes araignées, des feuilles de mes plantes, de mon torse en écorce ? il ne m'est rien arrivé. et pourtant
ça aurait pu
je le sais
mais je garde ma colère pour d'autres pour des idiot-es qui croient que ça ne me fera rien pour des gens avec qui je n'ai pas que des marchés mais aussi des amitiés et je me retiens d'envoyer des messages assassins des mots plein de venins des questions qui ne sont rien d'autre que des poignards
je frotte ton dos
j'enlève le froid
on dirait presque que tu prépares une proie ahaHAHAHAHAH tu le sais solan ?
est-ce que tu veux rentrer à la maison ?
chez nous.

chez nous déjà et je ne regrette pas le pronom le nom qui vient en premier c'est comme ça maintenant et je crois que bientôt il n'y aura plus besoin de chez moi, de toutes manières je n'y vais déjà pas alors quoi ? on sait déjà
on sait déjà, oui, que les prochaines semaines seront difficiles
que peut-être oui on se regardera sans un mot dans les lumières du matin, moi encore mal réveillé-e et toi sans sommeil
que peut-être oui on mangera des frites à deux heures du matin, moi peu affamé-e et toi les yeux bordés de larmes
que peut-être oui on se prendra longtemps dans nos bras quand je devrais partir, moi qui a besoin de sortir et toi incapable d'y penser
oui, peut-être.
peut-être ! qu'importe. j'ai fait bien pire que supporter des pleurs que frotter des dos que serrer quelqu'un dans son sommeil. j'ai fait bien pire que rester calme que tenter de cuisiner que de travailler à la maison. j'y survivrai. ce n'est pas de moi dont il faut s'inquiéter.
les doigts sont aussi faibles que la voix. je les prends, alors, mieux : ils sont enlacés, d'une telle manière à ne pas les laisser tomber. rentrons. partons d'ici, célébrons nos vies, oublions un instant la catastrophe qui n'a pas encore l'air trop réelle. oublions ! tant que mnémosyne nous le permet ; retournons chez toi, retrouvons les muses, et dansons dans la fatigue qui fait rire sans que l'on ne sache pourquoi, et mangeons tant qu'on le peut encore, et allons dormir comme si nous étions des déités et que les autres ne nous importaient pas.
ah
je dépose un baiser sur tes lèvres
je sais que tu n'es pas comme ça
que ça sera difficile pour toi de parler
qu'il faudra parfois crier dans des oreillers pour ne pas exploser face à tes fuites habituelles
que j'irai demander à tes ami-es et aux autres de venir te visiter
même libellule, s'il le faut, pour un semblant de normalité.
viens.
personne n'en saura rien
la brume nous accompagne, elle ne nous quittera plus je te promets
prenons les escaliers de secours, main dans la main
et, dehors, courons
courons ! tabassons un peu cette détestation
marchons sur les sentiments qui nous donnent envie de ne plus bouger
crions, si on le veut
je te tire
jamais je ne te lâcherai.