if I loved him any less, I'd make him stay
savais-tu déjà ?
c'est tout ce à quoi je peux penser -et pourtant, c'est évident, non ? c'est évident parce que ça fait deux jours que je suis absent-e c'est évident parce que j'ai été escorté-e par les spartes jusqu'à l'autre bout de nomos c'est évident parce qu'ils ont tout pris tout emmené tout dépecé il ne reste plus rien, jun, il ne reste plus rien et il y a du vide tout autour -qu'est-ce que je vais devenir ?
je marche et être seul-e est une sensation étrange
je croise des gens et je me demande : est-ce qu'iels savent ?
iels m'importent peu -je m'en fiche de ce qu'iels pensent ! mais s'iels savent,
ça veut dire que toi aussi.
j'aurais aimé te dire, de ma bouche, ce qu'il en était, pourquoi je suis parti-e, j'aurais voulu te prendre la tête entre mes mains baiser ton front te murmurer que tout ira bien ; jamais je ne t'aurais dit
je fais ça pour toi parce que je ne veux pas de ce fardeau sur tes épaules
parce que par amour on fait ce qu'il faut faire
parce qu'au pied du mur les autres choix n'avaient pas tant de sens
je marche et l'air est frais ; il est tard et il me manque une veste une écharpe des gants enfin il me manque de la chaleur, j'ai mes clés quelque part et je me demande s'il y aura des gens devant chez nous -enfin, devant chez toi, je ne sais pas si c'est chez
nous encore, j'ai, j'aimerais oui mais je ne peux pas l'imposer et j'imagine ce que tu pourrais me dire c'est que je revois dans ma tête tes larmes de l'autre fois (quand tu as failli mourir) et j'ai déjà envie de te dire C'EST POUR QUE CA N'ARRIVE PLUS JAMAIS ! mais je n'ai pas réussi jun, je n'ai pas réussi parce qu'iels ont pris, les grand-es, sans rien comprendre, parce qu'iels ont pris, oui ! sans me prendre avec.
je suis devant la porte. le front contre le bois. je respire. j'ai du mal à respirer. j'ai peur. il faut que j'ouvre. que je rentre. à la maison. j'ai soif. ma salive est rance. il faut que je boive, il faut que je dorme, il faut que je mange, mais je n'ai envie que de te voir de te prendre dans mes bras de t'embrasser de te faire l'amour d'oublier le monde de ne laisser aucune miette
est-ce que tu m'as cru-e mort-e ?
je n'ai pas envie d'y penser.
la porte ne fait pas de bruit. moi non plus. j'avance. je m'arrête. les yeux sont au sol. il faut que je referme. il faut que je--- je referme la porte.
le sang cogne à mes oreilles. j'ai peur de ne pas t'entendre si tu parles. je relève la tête. tes mots sont plus importants que ma peur. j'avance. la lampe me donne l'impression d'un projecteur. la brume se colle à moi mais je ne veux pas d'elle. je ne veux que de tes bras à toi.
jun. la syllabe est soufflée.
je suis rentré-e, j'ai envie de dire, comme à notre habitude
je n'y arrive pas.
jun, junhao, je-- suis fatigué-e
deux jours de questionnements mais aucun que je redoute autant que le tien
mes pensées sont confuses et mes cernes longues
je me place devant toi et j'arrive à te regarder
mes yeux s'embrument
je crois que je vais pleurer (je n'ai pas pleuré depuis précieux)
je ne sais pas ce qu'on t'a dit ce que tu as entendu ce que tu as compris ; ce que tu crois ! ce qu'on raconte ce qu'on invente ce qui se dit
mais je-- l'ai fait pour te protéger (c'est un demi-mensonge ; ce n'est vrai qu'au présent)
c'est-- beaucoup à raconter je ne saurais pas par où commencer
je suis désolé-e de t'avoir caché tout ça la nuque se rompt, la tête bascule en avant
mais c'est fini, c'est fini,
c'est terminé, j'en suis encore trop choqué-e, j'aimerais te faire un grand discours tout expliquer clairement te convaincre en un instant mais j'ai mal partout j'ai le ventre qui gronde j'ai peur pour mes araignées j'ai vu mars et son air trahi je ne sais pas si je peux encaisser toi qui me renie
pourtant je l'aurais bien mérité.