| Beau HillUn parmi les Autres | Messages : 76
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Lun 7 Aoû - 20:56 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoIl aime la nuit en contrenature, ou alors c'est qu'il s'aime déviant (je m'aime déviant !) - il s'aime autant sous le soleil de son père que sous la lune - la lune à personne, c'est bien ce qu'il aime. L'absence d'appartenance.
Il aime s'échapper la nuit à la fureur du sommeil qui menace de le tirer très fort loin, et il aime le sommeil aussi - mais il aime la sensation de l'herbe sous ses pieds nus, et la salissure humide de la terre dans ses draps le lendemain matin qui témoigne de l'escapade.
Beau baille très largement à la sortie du bungalow. Il s'échappe et il le fait bien, sans un bruit pour l'instant ; il aura moins de raisons au silence à partir du moment où il croisera quelqu'un en-dehors. La nuit lui est claire : il perçoit le détail des pierres au loin, puis l'absence, des autres. Il se balade paresseusement, cherche le sens sa sortie, il viendra en même temps qu'il le croisera - cet événement qui chamboulera tout. Il frissonne, il fait frais tout de même ; il est en tee-shirt et short de pyjama à l'élastique détendu.
Au loin des voix s'élèvent encore, la nuit n'est jamais totalement noire de calme au camp, du moins, pas à cette heure-ci. Il aperçoit une silhouette, loin, tout de même - mais il la voit bien, mais pas aussi bien qu'en plein jour ; il veut s'y frotter, s'y piquer, y perdre du sang, quitte à courir. Il veut jouer à l'innocent - en fait il veut jouer tout court (je veux m'amuser, j'en ai marre marre marre d'être seul) - il veut te trouver. Il veut te trouver sans savoir qu'il est question de toi, mais quand il saura, il voudra te trouver encore mieux -
Beau passe de l'autre côté des bungalows, là où tu n'es pas, et avance en courant sans se soucier des mauvaises herbes et des branches qui lui arrachent les chevilles. Il piétine tout et espère te surprendre, toi qui n'est pas encore toi - mais tu le seras bientôt - dans une
dizaine de pas alors qu'il s'apprête à arriver dans ton dos. Puis toujours dans cette même obscurité qui s'éclaircit sous le regard divin, il reconnaît tes larges mollets, la tendresse de tes cheveux pas tout-à-fait lisses et noirs autant que les siens sont châtains, ta nuque et ton allure parce que tu es debout ; et que personne ne reste debout ainsi. Il éclate d'un rire bruyant et traînant qu'il étouffe de sa propre main mais qui ne s'éteint pas, Hahahaha Farrow - C'est toi ! C'est toi et cela ne peut être que toi, il rit encore, qu'est-ce qu'il rit, sans s'expliquer.
C'est parce que c'est toi !
C'est toi la raison pour laquelle il est debout
Et tout semble logique, si logique que cela le fait rire sans qu'il ne se taise, dans ton dos
Tu donnes déjà du sens le jour durant, il a hâte de découvrir celui que tu lui donneras, maintenant qu'il fait nuit. | | | | |
Farrow HamiltonClan Sparte | Messages : 75
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Lun 14 Aoû - 21:07 Todas las promesas de mi amor se irán contigo
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Les lucioles percutaient le verre des luminaires sans nul autre dessein ni futur que la mort. Leurs cuticules tombaient en petits tas et se décomposaient à l’air libre à chaque heure de l’été ; on trouvait leurs sépultures sous chaque lumière du camp. Elles volaient autour avec les moucherons et les papillons, indifférentes et égales, jusqu’à l’épuisement, et crevaient dans une odeur infecte et chaude, dissipée aussitôt par l’odeur capiteuse du thym et des lauriers de chaque bosquet sans laisser d’autre trace que des carcasses vides, minuscules, noires.
Farrow ne s’approchait pas trop de la lumière, se gardant bien de ce jeu facile de clair-obscur. Il se contentait de constater sans verdict et de loin la cruauté de cette mort inutile et obligatoire. Il songeait vaguement qu’un miracle prométhéen avait dicté la vie des siens et la mort des lucioles selon une équation égale, mais il s’évitait ensuite cette pensée dont lui-même reconnaissait la vacuité et l’arrogance futile.
Il profitait de la plénitude de la nuit, de ses jeux d’ombre et de ses bruits sans en chasser aucun. Le confort vif et clandestin de cette contre-heure le rassurait sans qu’il n’ait à aller nulle part. Il n’était pas attendu, et actait assez facilement que son absence n’était pas non plus remarquée, sans qu’il n’en éprouve de tristesse particulière. Les bruits de pas des adolescent·es le frôlaient sans les confondre, ni lui, ni les insectes tournoyant autour des lampes. Lorsqu’il était appelé, il était, tout autant, traversé par l’éclat de cette surprise rieuse, l’écharpement cru de cette voix, comme si l’enchantement de Beau partait dans toutes les directions, et que Farrow demeurait dans ses angles morts. Il se tournait vers lui.
La raison pour laquelle il était sorti n’était pas importante. Elle pouvait être un tas de choses, de choses qu’on ne dit pas, et qui ont toutes la forme de la nuit. Il était habillé tout entier, d’un noir artificiel qui jurait sur le bleu sombre de l’été, et la lampe diffusait sur sa joue une tache écru comme la trace d’une gifle. Il dévisageait plutôt Beau, dont il découvrait assez finement les traits dans la pénombre ; il remarquait bien l’angle plus ferme de sa mâchoire et la profondeur nouvelle et cassée de sa voix dans la finesse de sa gorge. Il lui trouvait des contours noirs et forts, des contours d’insecte mort. Farrow, sans esquisser le moindre mouvement dans la direction de Beau, le couvrait tout entier d’une curiosité chaleureuse et mortifère à laquelle se soustrayait toute la géographie du camp.
Il demanda très doucement, Qu’est-ce qui est si drôle ? | | | | |
Beau HillUn parmi les Autres | Messages : 76
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Mar 15 Aoû - 20:35 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoEst-ce que tu comprendras ? S'il te dit qu'il rit parce que c'est toi et qu'il est euphorique que soudain la nuit prenne sens, que les étoiles semblent toujours bien alignées, qu'il n'est jamais démuni face à la vie et que tu en es l'énième preuve de ce bonheur simple que jamais sa vie ne manque de sens. Beau t'adore car tu es une évidence qu'il veut garder un peu auprès de lui ; il aime la sensation de ton regard qui le détaille. Il se demande déjà s'il te plaît parce que même dans l'obscurité il a le pouvoir de reconnaître le mouvement de tes yeux et de ton esprit le long de sa mâchoire frémissante de plaisir de te croiser. Il s'approche encore - et il rit, encore, aussi. Beau réduit la distance entre vous jusqu'à pouvoir te regarder en levant les yeux. Il ne te touche pas, les bras ballants, c'est à lui de dessiner finement ton visage dans la nuit. Ta peau claire jure avec tout ce noir. C'est toi. C'est tout le temps toi. Il parle tout bas : Beau a le sens du drame, des histoires bien faites, il veut te troubler, il veut que tu penses à lui, il veut que tu te rappelles de son rire déraillé, de ses yeux noirs qui te regardent - Enfin, c'est pas vraiment toi. C'est un abus de langage.
Alors
Qu'est-ce que c'est ?
Beau le garde encore un peu en secret, Viens. Il se tourne sans te proposer sa main et va vers les arbres qui bordent les bungalows. Là-bas, il n'y aura que vous. Il se tourne une fois pour s'assurer que tu le suis, mais il sait que c'est le cas. Plus vous vous éloignez, moins il y a de la lumière. Cela ne le dérange pas. Il déambule dans le noir. Je suis sorti juste car j'avais envie. Il tourne son nez pour que tu l'entendes car il parle très bas, Ca m'a fait rire c'est genre, le destin, qu'on se soit croisés. Ca m'a fait rire, car j'ai réalisé ensuite en t'apercevant que j'avais envie de te voir tout à l'heure. Il ment : il n'avait pas envie de te voir, mais maintenant, il a envie de passer du temps avec toi ; puis on s'en fout, en réalité, de la conjugaison de son plaisir. Le plus important c'est qu'il ait envie maintenant - non ? Et là maintenant, il veut te voir. Il ralentit dans un espace déboisé, tout petit. Cela se voit que des centaines d'adolescents se sont déjà posés par ici, une fois la nuit tombée. Et toi t'es content de me voir ?
Il veut que tu l'aimes. Il te regarde avec une insistance obscène car éhontée, pas encore assis, dans l'attente que tu acquiesces. Dans l'attente que que ta réponse ressemble à un "je t'aime". | | | | |
Farrow HamiltonClan Sparte | Messages : 75
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Mer 16 Aoû - 14:11 Todas las promesas de mi amor se irán contigo
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Pendant qu’ils montaient dans l’obscurité la cote vers la forêt, Farrow s’énumérait tous les détails qui composaient ce qu’on appelle sans doute une scène de genre. Il y avait la familiarité de l’été qui caressait maternellement leurs peaux criblées par l’adolescence, la rondeur de l’heure nocturne, floue et sans détail, le secret annoncé de leurs murmures, sinon, du murmure de leur pas, car toute la forêt semblait elle aussi se plier à la confidence, et puis, il y avait l’évidence narrative même de leurs sujets : deux garçons s’enfonçaient dans la forêt, l’un parlait, l’autre non, et le sourire du premier poinçonnait le tissu sacrificiel de leur rencontre comme de feuilles d’or. Comme il décidait que cette scène lui était familière, Farrow s’y inscrivait sans s’en méfier. Mais la nuit était très vaste.
Il écoutait Beau parler sans y mettre la moindre valeur. Il ne s’en méfiait pas non plus, d’ailleurs il ne croyait se méfier vraiment de personne, mais il était sujet à un doute silencieux qui, il l’ignorait, était voisin d’une timidité dont la candeur lui paraissait grotesque sur lui. Il ne lui répondait pas, d’ailleurs il regardait tantôt sa nuque et tantôt le contour noir des branches gravé sur le fond de la nuit, et il cherchait à nommer aussi bien la chaleur que Beau lui soufflait que les oiseaux qui dormaient autour d’eux. Il ne se désintéressait pas de Beau. Il ne se désintéressait jamais.
Farrow s’était arrêté lorsque Beau s’était arrêté. Il avait marché lorsqu’il avait marché, aussi, et il avait partagé le calice puéril de son désir lorsque Beau le lui avait tendu, mais maintenant qu’ils étaient rendus à la nature d’eux-mêmes, sans autre spectateur que la Lune, que l’heure tardive de l’été, ils étaient contraints d’être séparés, pire, de se faire face à la frontière de leur souhait, et Farrow détourna le nez.
Oui. Il lui répondait d’un ton qui tombait faux. Lorsqu’il inspirait, il jetait du côté de Beau une oeillade et dans l’ombre jeune de ce dernier se dessinait la silhouette de cent autres garçons qui emmènent d’autres garçons dans les bois. Qui regardent les autres garçons, de la même manière que Beau le regarde à cet instant.
Mais aucun autre, il fallait qu’aucun autre, ne miroite à Beau une telle admission de la servitude, il fallait que cette étoile d’impudeur tempérée et sans noblesse soit unique, essentielle dans cette scène, et Farrow, il fallait le dire, il le savait, faisait cela très bien. C’était un art de l’inclinaison de son menton vers Beau, de la façon dont il nouait lâchement ses doigts entre eux devant lui sans épouser aucun contour de pudibonderie, de la lumière laquée de la Lune sur lui. Ce n’était pas lui, c’était autre chose, c’était une arme sublime que Farrow maniait sans savoir qu’il le faisait. Ça n’avait pas besoin, d’ailleurs, d’être lui. Tout le reste suffisait.
Je ne pensais pas que je te verrais. Il espaçait ses phrases de silences mal mesurés. Je ne pensais pas à toi jusqu’à ce que tu arrives. Il s’avança d’un pas. L’herbe se couchait sous ses pieds. Je suis heureux que tu l’ai fait. Je préfère que la nuit soit comme elle est maintenant. Il eut un sentiment trouble en le disant qu’il préféra éluder. Pourquoi on est dans la forêt, Beau ? Il avait appris à dire son nom, que ce nom, comme s’il appelait l’essence la plus pure de ce garçon.
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Beau HillUn parmi les Autres | Messages : 76
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Jeu 24 Aoû - 16:59 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoC’est vrai : il n’est pas important que cela soit toi. C’est vrai, cela aurait pu être quelques autres dont il connaît le nom mais il t’avait vu et il t’avait exaucé. A cet âge, les amours sont des mythes à répéter encore et encore, et jamais on n’avait associé, aux tiennes, l’ombre des filles. C’était ce qui lui avait plu, en premier lieu : il se rattache à cela comme le font souvent les jeunes de cet âge. Et il se fiche que son amour à lui soit motivé, qu’il soit jugé impur car motivé par sa vitalité - sa vitalité parce que cela peut le conforter. Si tu le vois, si tu l’aimes comme tu aimes dans tous les mythes qu’il a entendu, il a tout gagné.
C’est vrai, c’est important que cela soit toi. C’est vrai, c’est parce que Beau te trouve beau. Au-delà de la certitude des désirs, d’autant plus puisque tu l’as suivi, et qu’il s’imagine que si tu le regardes ainsi c’est que ( ), il aime ta silhouette adolescente. Il s’est déjà imaginé que tu l’embrassais. Beau n’a pas honte de ce genre de choses, il a le vice d’une sincérité obstruante mais toi tu n’as l’air obstrué par rien. C’est encore mieux. Farrow, je veux que tu penses à moi, parfois. Tu veux bien ? Il relève son nez vers toi, et il te sourit dans l’obscurité ; il s’impose à toi, mais tu l’as suivi (et il se rassure de ton regard, et puis il te laissera partir si besoin, il t’aidera même à faire chemin inverse - il impose son désir parce qu’il aime la propre étrangeté de sa sincérité, mais au fond, au fond il saura en aimer un autre) - et voilà qu’il s’assied et les herbes lui grattent déjà les jambes puisqu’il est en short. Il a l’impression que des insectes lui sautent dessus, il frotte un peu sa peau. Il pense à ton bonheur que tu as si ouvertement exprimé et il doute moins ; En fait quand j’ai pensé à toi, je pensais au fait que je t’embrassais. Est-ce que tu trouves ça bizarre ? Je voulais t’en parler et puis je me suis dit que si tu voulais, on pourrait s’embrasser pour de vrai. J’ai l’habitude d’embrasser des garçons et des filles, alors j’embrasse bien. Et j’en ai envie.
Il n’y avait pas plus simple que ce désir. Il reste immobile, ne t’incite pas à t’asseoir, comme cela si tu le veux tu peux t’enfuir encore un peu. Lui attend. Il lève le nez et il voit les étoiles. Il tourne la tête et il te voit toi. Il sourit. | | | | |
Farrow HamiltonClan Sparte | Messages : 75
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Ven 8 Sep - 15:07 Todas las promesas de mi amor se irán contigo
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Ces désirs-là ne portaient pas encore de nom ; ils n’en avaient pas besoin. Ils se montraient à peine sous une forme partielle dévoilée par la Lune, mais ils soulignaient le fond du vent et pointaient dans des directions cardinales. Il suffisait du contour du désir, sinon de l’ombre du désir, pour que celui-ci exerce toute sa densité sur la mécanique de l’adolescence, que Farrow, de surcroît, endurait sans s’y intéresser. L’adolescence lui passait dessus, le désir lui passait dessus, le traversait d’une passion dévoilée qu’il ne se voyait pas avoir, qu’il se devinait simplement à une certaine distance de lui-même. Il avait hoché de la tête à la question de Beau, d’un mouvement unique, presque infantile, qui traduisait la légèreté avec laquelle il avait besoin de réfléchir à ce souhait avant d’y céder.
S’il se concentrait assez il pouvait voir l’attention avec laquelle il soutenait Beau, ou plutôt ce qui contenait Beau, la forme que Beau épousait pour être, il lui semblait, vu et désiré des autres. Il voyait aussi quelle surprise un peu pitoyable lui avait scié le visage lorsque Beau lui versait des bonniments bien trouvés. Il n’y croyait pas tellement ; ou il voulait y croire mais s’y refusait ; ou la véracité de ses sentiments quant à ses envies l’indifféraient mais il n’avait pu empêcher en tout cas la comédie de sa surprise embarrassée, rassurée, touchée quoique pas encore suffisamment ; il avait entrouvert les lèvres puis baissé les yeux sur celles de Beau. Il n’avait rien dit, et avait détourné les yeux. Il n’était pas utile de détailler le canevas de ses couleurs, car la Lune les arrosait trop, et on ne les discernait vraiment qu’en nuances de gris bleu-vert.
Comme il n’était pas stupide, Farrow se doutait assez d’à quel genre de comédie éculée il participait. Mais cela lui convenait, du moins, ne le dérangeait pas ; en substance les sourires de Beau étaient bien réels, et la véracité profonde de ce qu’ils impliquaient importait assez peu face à la matérialité concrète d’une nuit où il était aimé.
Non. Sa propre voix l’étonnait dans la nuit. Il ne se souvenait plus qu’elle fut si basse, si près des troncs, si facilement loin de lui. Je ne trouve pas ça bizarre. Il n’avait pas pensé à embrasser Beau, jusqu’à présent, car il était attaché à l’image que Beau donnait de lui-même, et il n’avait jusqu’à ce soir pas atteint la consécration tacite et ultime qui voulait qu’il pense à lui. Il pensait en revanche à des idées floues qui pouvaient, s’il y mettait un effort particulier, ressembler à Beau : il pouvait décorer leurs visages de vases brisés avec les traits de Beau, sombres et encore fins, il pouvait maquiller leurs lèvres de cette rondeur discrète, purpurine, qu’il voyait à la bouche de Beau. Il pouvait imaginer les siennes en face — son esprit se vida largement dans un ensemble noir. Il avait tourné les yeux encore. Farrow voyait non loin d’eux, au flanc de la colline, des chardons couchés, dont la Lune énumérait les épis blancs. Il écrasa le plat de sa paume contre sa joue pour en attraper et chasser la chaleur soudaine, rose, comme une mouche.
Il avait fait un pas vers Beau. L’herbe avait bruissé sous ses pieds, avec un craquement léger et tendre, assourdi par leurs ombres ; des sauterelles avaient bondi autour de leurs chevilles comme des météores. Il pouvait imaginer les siennes en face, donc : Farrow se représentait la véracité clinique, atroce, de cette exécution, en parallèle de quoi il entourait le visage de Beau de ses mains. Ce geste lui paraissait aussi le prémice d’une superbe mise à mort, ses mains pouvaient tout aussi bien faire un tout autre geste d’amour autour de cette gorge gracile, de moineau, douce, lisse, mais moins douce et lisse que la fatalité, et il se figura un instant la conjecture graphique, parfaite, de la passion et de la mort, à une intersection où prenait forme la plus pure matérialisation de l’interdit, et donc, de la fin clinique de l’enfance. Il était penché sur lui.
Tu devrais le faire, il sentait dans ses paumes le sang de Beau battre, propulsé dans ses artères à un rythme régulier, tandis que Farrow lui cédait avec plaisir ce pouvoir, ce pouvoir de vie et de mort qui ne naît que dans les forêts : puisque tu avais envie de m’embrasser. | | | | |
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Jeu 28 Sep - 4:59 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoIl se dit que c'est facile de te hanter, c'est facile de s'immiscer dans un futur quotidien, c'est facile de venir à bout de la résistance de l'esprit ; d'avoir acté "pense à moi", il se sait déjà exaucé dans ta tête. Tu n'as pas besoin de le dire, Farrow : tu dis déjà assez. Tu pardonnes le vice de son désir, le vice de son égoïsme et mieux encore, tu le complais.
Parce qu'il y a ta main sur sa joue, sur le relief de sa peau rendue irrégulière par l'adolescence, parce qu'il y a ton regard sur lui - où Beau dans l'obscurité ne lui lit rien - mais le sien rit, toujours, le sien se contente pleinement de la situation de la proximité, il aime être saisi ainsi, sentir ton poids en apesanteur car il se dit que c'est ainsi que font les hommes. Et il aime que son désir soit masculin, il aime que le tien aussi, il aime l'évidence accomplie, il aime que rien ne soit difficile, que tout soit évident ; cela le conforte.
Ton abnégation volontaire, il l'adore.
Il aurait accepté que tu le tues ici si tu le voulais, dans le contexte facile de la forêt sombre car partout ils auraient écrit ce meurtre - toujours au masculin - cela n'aurait fait qu'accomplir son objectif adolescent de la reconnaissance. Il accepte aussi que tu caches les étoiles si c'est pour l'embrasser ; il répond au baiser et ses lèvres sont sirupeuses. L'acte est disgracieux, complété par la sacralisation de la salive. Ses lèvres ont un goût de miel artificiel à cause du baume mis avant de dormir. Les tiennes, il ne sait pas. Il ne s'y intéresse pas. Il préfère absorber l'acte, il te tire vers lui et il se fiche d'étouffer de ton poids, il se laisse tomber dans l'herbe et il joue à la débauche plus qu'il l'incarne dans son halo vert sombre, presque noir, puisqu'il fait nuit et qu'il est jeune. Et il te sourit, Les garçons polis demandent toujours l'autorisation, hein ? Est-ce que j'embrasse bien ? Est-ce que tu as envie de le refaire ? Il dévoile ton front d'une main, tire les cheveux lentement sur le côté, pour le plaisir d'une violence à peine écrite, Est-ce que tu le fais car tu as pitié ? Est-ce que tu le ferais avec tous les garçons, ou c'est car tu me trouves beau ? Que tu répondes à son complexe de Narcisse. Il te sourit. Il est gentil. | | | | |
Farrow HamiltonClan Sparte | Messages : 75
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Ven 29 Sep - 17:33 Todas las promesas de mi amor se irán contigo
Me olvidarás
Leur baiser avait cette tristesse fragile de l’adolescence, mais Farrow embrassait déjà comme un adulte. Il s’étonnait — il lui semblait que c’était avec plaisir — de sa nouvelle maladresse dans la rondeur retirée avec laquelle il effectuait cet acte rituel. Au contraire de Beau, il magnifiait avec détachement tous les reliefs de l'autre dans la nuit au sommet de leur exaucement, sans rien apprendre de lui-même. Il repérait pour son propre émerveillement le brillant glacé des cheveux de Beau sous la lumière, la blanche fortitude de sa peau tiède, entre deux âges, qui éclatait hors du col de son t-shirt, et le goût cireux, artificiel qu’il lui laissait sur la bouche comme à la surface glacée d'un autel.
Tous ces détails se déployaient sur la rétine de Farrow et profondément en lui comme une photo argentique. En même temps de quoi, sans même qu’il ne s’en aperçoive, car il n’en avait pas encore la maturité, Farrow au contraire demeurerait éternellement circonscrit à un coin obscur et inexploré de cette scène ordinaire, que personne n’aurait jamais en mémoire. Il voulut lui caresser la joue pour conclure cet acte libérateur et coupable, comme il avait vu bien des images éculées le faire, mais Beau bascula en arrière, laissant sa main, à peine tendue, en suspens dans le vide de la nuit, interrompue dans son geste puéril, et Farrow, qui se laissait basculer en même temps que le monde, remerciait Beau en silence.
C'était plus logique que tu le fasses il répondit bêtement, infidèle à son charme. Sa voix coulait entre eux comme deux serpents noirs, Farrow sentaient qu'ils glissaient contre le torse de Beau, en épousaient les formes, floues, méconnues, et qu'ils filaient vers l'obscurité où leurs cuisses se rejoignaient maladroitement ; il était surpris et fasciné par la dégoûtante évidence de ce parcours. Il était appuyé de chacune de ses mains autour de la tête de Beau, dont les dix doigts écartés formaient une couronne d'horreur, gardée par les herbes folles, dont la tendresse lui enveloppait les poignets. Farrow se laissait malmener : il avait les yeux grand ouverts dans la nuit, dont il paraissait saisir chaque détail, dans une stupeur consommée contre laquelle il ne se débattait pas. Il ne souffrait pas.
Il n'était pas idiot. Il y avait beaucoup de choses qu'il n'était pas — Beau avait toujours su le souligner avec suffisamment d'intelligence : mais il n'était pas idiot. Il savait lire sur ces arabesques de nuit quelle prière Beau réclamait de lui. Farrow était galvanisé par cette demande obscène, ouverte et ridicule, fortifiée par l'orgueil de l'adolescence ; il prenait en silence le pli de cette mesure subtile, compliquée de fierté dure, qu'il reproduisait avec une perfection de mélomane.
Il réajusta sa position par-dessus Beau, d'abord car elle commençait à le fatiguer. Il plongea sa main dans ses cheveux éparpillés, mêlant à ses doigts cette rumeur noire et épaisse qui peuple les pires idées, et il l'embrassait encore, d'abord chastement, Non. J'ai envie parce que c'est toi. puis une autre fois davantage, pour sceller son mensonge, qu'il déclamait fièrement sans même prendre la peine de trouver en lui-même la vérité à toutes ces questions. Sans comprendre, il sentait qu'il avait trouvé là sa place idéale, celle-ci était vide et froide, remplie uniquement par le regard brûlant des étoiles, qui réchauffent les petits princes.
Embrasse-moi encore qu'il réclamait avec cette timidité travaillée, le visage tourné vers Beau, la joue appuyée contre son épaule ferme, et la Lune découpait bien sur Farrow la beauté crue qui se trouve à l'intersection des exigences hésitantes, à peine dévoilées de l'adolescence, et l'humilité sage des ombres. j'ai envie que ce soit toi. Ces envies délimitaient un pays obscur, qui ne portait pas de nom. | | | | |
Beau HillUn parmi les Autres | Messages : 76
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Mar 10 Oct - 10:37 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoIl est extatique. D'embrasser, d'être embrassé ; ce n'est pas car c'est toi. Enfin si, c'est car c'est toi mais Beau sait qu'il n'est pas fou amoureux, il sait qu'il n'y a rien de splendide dans son amour pour toi, dans la lenteur de ces baisers qui ont au mieux, tout d'adolescent et au pire - aucune expérience. Il t'a menti quand il a embrassé tout un tas de filles et de garçons ; du moins à l'échelle d'une vie, ce n'est rien. Mais il coche paisiblement la case à côté de ton prénom sans cruauté. Ses baisers ne sont pas encore obscènes - et peut-être que tu lui as appris, à vrai dire, peut-être que tu es le fautif derrière l'exécution de l'excès qui le marquera plus tard ; ou peut-être es-tu le point de départ. En tout cas il ne te diminue pas : Beau est conscient que ce qui se déroule ici, et à cet instant, est important.
Il sourit contre ses lèvres et ne connaît pas la pudeur à tes côtés, ou voilà peut-être que c'est encore un mensonge - est-il pudique car il vous a emmenés ici ? Ou peut-être est-ce tout autre chose, c'est-à-dire le jeu de la pudeur déjà, l'illusion de faire les choses dans l'ordre et de se galvaniser du non-sens quand c'est vous - quand c'est toi - il espère que si quelqu'un tombe sur vous inspirer un malaise. Que la personne se sente concernée par la scène, assez pour tenter de la décrypter, pour tenter de la comprendre ; et il t'inclut dans le spectacle de son obscénité, ne se défendra jamais de t'utiliser autant qu'il t'aime, d'un amour étrange - d'un amour qui le fait rire. Il t'embrasse encore jusqu'à ce que tu reposes contre lui. A ce moment-ci, il lâche tes cheveux et dessine une caresse jusqu'à reposer son bras par-dessus ton dos, par-dessus le tissu, nonchalante et lourde. Il te tient contre lui dans un geste faussement malléable et s'extasie de ton souffle proche de son épaule. Est-ce que tu aurais accepté si on était plus près des bungalows ? Plus proche de ses adelphes, plus proche des adultes ; il suppose déjà que la réponse est "oui". Il aime ta docilité et fait semblant de te percevoir idiot, il dépose encore ses lèvres contre les tiennes car ce qui compte - c'est maintenant - c'est la proximité de vos visages - c'est le baiser rapide et tendre - Est-ce que tu as honte, Farrow, parfois ? Il lui répond déjà pour ouvrir la porte à la monstruosité : Moi je crois que non. C'est ce qui lui plaît chez toi. C'est que tu ne connais pas la honte : la honte de l'isolement, la honte de réclamer, la honte de l'adorer déjà après qu'il l'ait réclamé. Il te trouve facile à vivre car lui n'a pas honte de réclamer l'entièreté de ton regard sur lui. | | | | |
Farrow HamiltonClan Sparte | Messages : 75
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Mer 18 Oct - 23:50 Todas las promesas de mi amor se irán contigo
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La honte giclait hors de lui comme du sang ; c’était la Lune infinie, infinie, qui en couvrait tout le visage de Farrow. La honte le nimbait sans le pénétrer et penchait sur lui ce coloris d’écru tragique et inutile, qu’on fait dans le meilleur marbre de l’adolescence, sans qu’il ne s’aperçoive de rien. Farrow était trompé par la honte : c’était une robe qu’on lui passait en costume avant sa scène et il se prêtait bêtement à ses lignes, avec, pire encore, cette intelligence secrète d’un personnage écrit pour lui. Je ne sais pas. Il le dit avec une spontanéité distante, qui révélait son manque de sincérité ; il ne savait pas car il n’y avait pas réfléchi : il se redressait un peu au-dessus de Beau, et en même temps qu’il ne savait pas, Farrow suivait la géométrie aiguë d’un oui flashant, éhonté.
Ce baiser, très simple, devenait un acte suprême d’obscénité par ce seul jeu de mise en scène ; Farrow, car il y répondait, avec ce mouvement très léger des lèvres et la façon qu’il avait de ne pas fermer les yeux, partageait, construisait conjointement, concrétisait la destruction formidable de la honte, ou, plutôt, sa mise en évidence par sa mise à mort, son ascension, quoi : c’était l’écrin dans lequel se joue impérativement l’amour. En tout cas, cet amour-là, s’il veut être bien joué. Il ne répondit pas : il n’était pas censé répondre. Sa réponse fut un baiser. Celui-là était donné très loin de cette bêtise innocente dont Farrow s’était cru habité plus tôt. Il oublia qu’elle faisait partie de lui. Il embrassait Beau maintenant sur une tout autre ligne d’horizon : il discernait sous la frange basse de ses cils le contour rond du visage de Beau, la multiplicité de l’herbe noire, et en miroir il se représentait en lui-même la multitude étoilée du firmament. Il était dressé au-dessus de lui : il passa sa jambe par-dessus la taille de Beau. Il ne s’assit pas, il se savait trop lourd et ne cherchait de toute façon pas cette communion avec Beau ; il prenait appui sur le sol.
Tu as voulu qu’on s’éloigne.
La nuit noire traçait sur ses épaules et au creux de sa poitrine un jeu christique de lignes. Tu aurais honte ? Un point orange, les lumières du camp, tuait le secret vert-de-gris, isolé, de leur rencontre. Farrow l’avait réinstallé dans son champ de vision à dessein. Tu aurais honte d’être vu avec moi ? | | | | |
Beau HillUn parmi les Autres | Messages : 76
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Sam 21 Oct - 20:50 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoBeau a froid. L'herbe est humide et fraîche sous ses cuisses, transperce le tissu de son dos, celui de son short aussi, mais il ne s'en plaint pas. Il aime cette sensation désagréable. Se réjouit de la sentir, de la chair de poule qui dessine des reliefs sur sa beau, fait ressortir le duvet de ses bras, de ses jambes.
Quand tu es dressé au-dessus de lui ainsi, plein de tes doutes annoncés, cela donne l'impression à Beau que tu vas le tuer d'une entaille dans la poitrine - et que son sang se répandrait dans l'herbe pour la nourrir, l'imbiber de rouge. Mais il sait aussi que tu ne le feras pas ; il te voit inoffensif, il mettrait même ses doigts dans ta bouche sans craindre que tu le mordes, jouerait avec toi comme le font certains avec les gros chiens bien dressés. Donc il te laisse faire : le surplomber, l'étouffer si tu le veux - il remarque le détail de votre distance et s'en réjouit, ça le fait rire sans qu'il ne te l'explique que tu te retiennes de lui faire mal. Il aime que tu sois précautionneux.
Et il se demande si la réponse compte vraiment, parce qu'il lui semble encore, qu'il pourrait faire ce qu'il a envie de toi ; mais il n'a pas envie de te mentir. Il attend que tu le regardes droit dans les yeux pour te répondre. Non. Il ne commente pas la phrase juste avant, celle sur l'éloignement, Jamais. Et il aime ce jeu entre vous de questions pour montrer l'absurdité de cette absence de limites, cela le rend béat d'admirer que tu es si simplement toi. Il n'est pas curieux du reste : il se fiche des reliefs du Mal, s'intéresse seulement sur le fait qu'il est là, en toi. On pourrait s'afficher ensemble. Je m'en fiche. Je pourrais te prendre la main, t'emmener tous les soirs jusqu'à ton bungalow, te rouler des pelles devant tous tes frères pour venir te chercher le matin et recommencer. Je pourrais te présenter à mes amis, jamais te lâcher, être sur tes genoux, te forcer à me coiffer, te forcer à me laisser te coiffer. Je pourrais même porter tes pulls et tes tee-shirts. Pas l'inverse, sauf les plus larges. Je pourrais faire ça sans avoir honte que ce soit toi. Mimer les conventions et rien ne serait malhonnête mais voilà : le point le plus terrible, c'est qu'il n'y aurait pas d'amour. Cela ne le dérange pas parce qu'il se connaît, parce qu'il te connaît - mais il ne t'aimera pas. C'est ce que tu voudrais, toi ? Il lève sa main pour prendre la tienne, sans la serrer, et la caresse gentiment dans la fraîcheur nocturne. | | | | |
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Mer 1 Nov - 20:41 Todas las promesas de mi amor se irán contigo
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Ce jamais, car il est absolu, se détache de la fabrique du temps pour rejoindre les étoiles ; ce jamais entre vous est céleste. Il est absurde : c’est un jamais pour un temps de papier, et car il était fondamentalement faux — car qui pourrait prétendre avoir la certitude de la totalité de sa vie ? — il était, pour Farrow, d’une implacable, écrasante réalité. Tout le discours le saisit et l’affole. La félicité lui tire dans la tête : c’est un bonheur putride qui lui écrase les tempes, et Beau, tu montes plus haut, plus haut, plus haut, la frontière de cette romance vide que tu pousses touche la frondaison des étoiles et sort du monde. Il y avait dans la simplicité de ce discours une tendresse obscène, car ordinaire et évidente, et la placidité de ce qu’on prête aux amours adolescentes soulignait la grande vacuité du vôtre : cette passion éhontée, fictive et insaisissable, existait au bras du jamais. Là où jamais rien n’existe, vous vous aimiez. Cela lui donnait envie de mourir, de la plus belle mort.
D’abord son coeur s’était emballé, et cela l’avait surpris ; mais à mesure que Beau s’étendait Farrow sentait son visage rougir entre le jeu des monochromes délavés de la nuit. Il était saisi par sa propre sensibilité, et surtout la facilité avec laquelle elle surgissait, car ce n’était rien qu’il n’avait déjà vu ni entendu — mais les images, contraires et idiotes, où Beau et lui y étaient substitués, étaient nouvelles et interdites. C’est important de le dire : vous étiez loin de l’amour. Vous n’auriez pu en être plus loin. C’était l’espace vide entre l’absence de l’amour et la réalisation effective de celui-ci qui l’enhardissait à ce point. La caresse que Beau fit ensuite, comme un point à la fin d’une phrase, achevait avec légèreté l’énorme pesanteur de cette vérité.
Il lui saisit le visage. Ses mains s’enfonçaient un peu dans la peau de Beau et y creusaient des dépressions noires où la nuit s’engouffrait, c’était un lit fertile de tendresse. Et les traits de Beau, légers, gommés par le ressac des vagues et le sel, ressortaient plus fort et figeaient son marbre poli. Farrow se pencha sur lui : cette translatation faisait toucher ses genoux à terre, ils s’enfonçaient dans l'humus et le découvraient encore humide malgré la sécheresse de l’été. Il embrassa Beau. Il l’embrassait avec cette espèce de mièvrerie désespérée des noyé·es, lorsque les adolescent·es, en fait, croient qu’ils se noient, et que c’est l’air des autres qui va les sauver. Il l’embrassa une fois ; il l’embrassa deux fois, entre les deux Farrow soufflait un air de cristal, pur, glacé, venu d’ailleurs.
La violence intrinsèque de ce geste — c’était de la vivacité : mais, enfin, dans ce genre de théâtre de délicatesse, la mise en évidence des passions est toujours de la violence — la violence, donc, tuait cette espèce de tendresse perlée que Beau avait semé sur lui. Farrow dit entre son deuxième et son troisième baiser, Oui, et il vit d’ailleurs comme ce mot s’échouait sur les lèvres de Beau, avec un certain dégoût, mais il lui répondait en sachant pertinemment le vide pervers que recélait cette proposition. Il cherchait sur Beau la honte, la honte, et comme il ne la trouvait pas il voulait la trouver sous sa peau ; il se doutait assez qu’il ne la trouverait jamais, et qu’il était à cet instant dans un espace de totale innocence, de totale liberté, qui lui donna envie de pleurer.
Il lâcha ce visage, qui retombait dans une molle pâleur. Farrow fut tenté de serrer Beau contre lui, mais il hésita une dernière seconde : il se refusa la concrétisation de ce qui aurait pu exister en fait et lieu de l'amour, mettant fin à ce jeu qui ne se dit pas. Il était à un âge où l’on ne peut pas être heureux. Il se redressa à nouveau. On n’a qu’à y aller maintenant. Il le disait avec détachement ; en contrepied de sa fièvre, c’était, bien évidemment, par joie et par défi. Vers les bungalows. Le feu des autres — plus âgés, plus aimés, plus puissants —, au loin, brûlait un petit point sur l’horizon. S’il avait été plus près, les flammes auraient souri pour lui. Il se leva.
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Beau HillUn parmi les Autres | Messages : 76
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| (end)(fb 2010) teatro lúcido, farrow Sam 11 Nov - 23:51 tú eres agua y yo soy el fuego y el fuego dentro de mí me ha estado quemando durante tanto tiempoTu l'embrasses et il prend tes lèvres ; il ne les mord pas encore mais peut-être plus tard il prendra du plaisir à les faire saigner. Il n'y aura que cela de vrai entre vous, le sang et le désir, le poids de ton visage contre le sien, l'agréable sensation d'étouffer sous toi tant tu lui avales son souffle. Ce n'est pas très beau. Mais le noir vous cache. Et Beau n'a pas honte -
Ce n'est pas anodin de sentir ton goût, ce n'est pas rien d'embrasser, ce n'est pas rien non plus - l'odeur de peau - de la chair, de la lessive - ce n'est pas rien. Cela lui plaît. Tu lui plais. Il sourit - il n'arrête pas, c'est comme ça avec Beau déjà à cet âge, quand il ravale son sourire c'est qu'il y a un problème ou que c'est sérieux mais là, il sourit. Il aurait voulu que tu le serres. Il ne t'en laissera pas le choix. Oui c'est vrai. Allons y maintenant. Pourquoi attendre le jour, pourquoi attendre les autres ? Ils s'imposeront : le sommeil ne leur empêchera rien. Tu es loin, tu es haut - tu es grand, debout. Lui n'a pas encore bougé. Il te regarde encore depuis le sol et initie un mouvement partiel pour se relever, ne fait que s'asseoir dans l'herbe puis tend un bras, puis l'autre. Porte-moi jusque là-bas ! Il ne te laisse pas trop le choix, sinon il ne bougera pas. Il remodèle sa préciosité, se l'approprie car il sait que tu le porteras comme on porte un amant, pas comme on porte une fille ; il ne souffrira pas de la honte. Tu détruiras tout. Il te prendra en exemple, en référence, il regardera le détail du reflet de tes yeux - pour savoir que c'est à cela qu'il ressemble. Il te sourit plus large et il a hâte que tu le prennes contre lui, qu'il niche son nez contre ton cou, que vous retrouvez le feu - car alors peut-être pourra-t-il te voir lui sourire pour de bon. Il n'anéantira pas la fièvre. Il encouragera l'empressement de certains de ses gestes, les accompagnera des siens ; il n'y aura pas de honte. Jamais. Il la bannit pour de bon. | | | | |
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