Malik aimait la fête. Les stromboscopes et les basses qui font trembler le monde. Les mains anonymes levées en rythme et les sourires qui passent.
Il aimait la fête et celle-ci n'en était pas une. Pas vraiment, pas comme il les vit.
Ce monde-là n'est pas assez bruyant pour qu'il l'entende, avec leurs airs légers et leurs murmures feutrés. Quelques mètres plus loin, ses soeurs entretiennent une conversation polie avec quelqu'investisseur dont Malik, contrairement à chacun de ses adelphes, ignore tout. Ce n'est pas qu'il ne s'y est jamais intéressé ! Mais sa famille rendait clair depuis sa naissance que cela n'avait pas à le concerner. Pour l'aider, sûrement. Cette générosité en demi-teinte lui laissait un goût amer.
Ayant coupé volontairement tout lien télépathique avec ceux qui l'entouraient, il ne peut que sursauter quand des mains s'abattent sur ses épaules pour l'attirer dans une embrassade.
Surpris, il omet pourtant de protester et rend même la politesse avant de prendre conscience de qui l'avait ainsi salué.
Voir Beau ici ne devrait pas l'étonner. Le fils d'Apollon paraît nager dans ce genre d'univers avec un genre d'aisance qui lui échappe encore.

" Ah ! Tu m'as fait peur ! " s'exclame-t-il sans pour autant l'empêcher de l'enlacer à nouveau et d'ébouriffer brusquement ses cheveux.
Un peu désarçonné, Malik l'observe, ne répond pas immédiatement. Le commentaire de son ami manque même de le faire grimacer ; il n'a guère envie de repenser à cette chambre !
" La nouvelle lune est passée donc ce n'est pas grave, que je sois là. Et puis, ça me permet de voir mes soeurs. " commente-t-il avant de rajouter, après un instant de silence et un regard un peu hésitant, " Je t'ai vraiment manqué ? "

Beau avait un de ces éclats qui vous agressent la rétine. Sa lumière ne réchauffe pas, c'est un projecteur qui, une fois braqué sur vous, s'accroche à son intensité. D'ordinaire, Malik n'est guère réticent aux projecteurs ; il s'épanouit sous les yeux des autres, et chaque rayon qui lui est adressé, s'absorde et se réverbère sous sa peau.
Son malaise à se trouver dans un tel décor mondain ne fait qu'affaiblir les étincelles.
Pourtant, persuadé que Beau ne lui veut effectivement pas grand chose si ce n'est s'inquiéter de son état, il se permet de se détendre, de se laisser glisser dans un mode de communication plus confortable, de rouvrir son esprit aux pensées de l'autre qui oscillent entre chahut et calme plat.
Il se penche vers lui et Malik se laisse aller contre le dossier de sa chaise, rabat ses genoux contre son torse pour venir déposer ses chevilles sur ses cuisses, dérangeant sa posture. Il n'y pense pas ; se glisse dans l'intimité que le fils d'Apollon tient à créer entre eux et dont il semble ignorer la facticité.

" On ne se voit pas souvent donc non, je n'ai pas pensé que tu puisses me manquer. J'y penserai, si tu y tiens ? " propose-t-il poliment, se permettant de sourire.

Si Malik avait commencé à se détendre, les questions de l'autre posées si brusquement le prennent de court.
Il ne saurait que dire ! Beau tient-il toujours à entendre la même histoire ? Et puis, ces derniers temps, tout était si calme ! Osgood l'accaparait presque ; Winnie esquivait ses questions sur les aller-retours incessants qu'il constatait entre la clinique d'Asclépios et l'Ecclésia. Il n'avait pas vu Alvaro depuis une semaine. On lui avait dit qu'il avait attrapé froid.

" Hmm... Un ami m'a dit qu'il m'aimait donc il m'a laissé le regarder à la nouvelle lune, ce mois-ci. Comme ça, je peux l'aimer aussi ! C'est la première fois que ça arrive ! " L'histoire l'anime un peu ; il se redresse d'enthousiasme avant de s'affaler dans un soupir. " Mais il est malade puis quelques jours. Il me manque, tu sais, et personne ne veut me dire ce qu'il a ! "