Pas précipités, elle court à s’en défaire le souffle. Courir dans les couloirs, bousculant les formes indicibles des êtres dont le visage disparait devant son regard, elle s’excuse d’un sourire.

Et elle court, visage rougi par l’effort, panique dictant ses pensées et ses actes car une urgence appelait ses pas. Une urgence bien défaite, contrefaite par l’étourderie dont elle n’était pour une fois pas l’instigatrice. Oh, elle pardonnait déjà bien à la nymphe l’ayant égarée, celle-çi souffrait déjà des maux et ses excuses sincères vrillaient le coeur tendre de Miel de milles éparses monceaux. 

Arrivée dans l’antre, elle ne prit même pas la peine de s’annoncer, ouvrant la porte comme les monstres ouvraient leurs gueules et la figure lascive de sa chère amie ornait sa vision de sa grâce. 

-Vega!

Elle s’exclamait, souffle coupé. Avant de parler, elle levait la main, s’adossait main contre un mur et goûlement, elle respirait. Chevelure collée à ses tempes avant qu’elle ne prit place à ses côtés. 

-Vega…

Et dans le regard ambré de son amie, elle  y lut une telle incompréhension qu’elle faillit se trouver stupide. Secouant la tête, chassant la question dont elle pressentait la tournure. Non, elle allait bien. Non, personne ne l’avait blessé. Oui, elle l’aimait très fort même. Alors, elle interprétait le pincement de ses lèvres, la courbure de ses sourcils et enfin, l’air fut assez. 

-Je..tu sais où est “Antigone” de Sophocole ? Celui datant de -30 ? La..La nymphe, Briséis, l’a perdu. Et..et je dois le retrouver. Il est vraiment, vraiment fragile, pitié, dis moi que tu as des recensement quelque chose ? 

Et ses mains jointes entre les siennes, la douce odeur d’une femme dont les relents rappelaient le réconfort d’une soirée à lire parvenait à calmer ses nerfs. Un petit peu, un tout petit peu. Juste assez pour y croire au fond, que tout irait bien. On le retrouvera pas vrai ? 
 

 

Aura de nonchalance, Vega la jaugeait de son regard éternel comme si les tracas de Miel n’était qu’une simple pierre au milieu d’un chemin dégagé. Vega, la tranquille, qui avait vu du monde plus que sa part d’horreur et pourtant, tenait place dans cette bibliothèque à ses côtés. 
Miel ressentait cette pointe de lassitude ornant les yeux luisants de Vega, des bijoux précieux qu’elle aimait s’arrêter à observer quand le temps lui était assez généreux. Mais aujourd’hui n’était pas le temps, pas le lieu pour ces oisives contemplations. 

Sa tête hochait, ponctuait les questions claires de son amie d’une approbation sans faille. Normalement ce livre n’aurai pas dû être empruntable et c’était avec bien des manières que la nymphe lui avait confié ses tourments. Les explications avaient été confuses et Mielikki bien distraite car embrouillée par les émotions de la nymphe, elle n’avait eu le coeur de redemander plus d’explication que ces quelques termes volés, tel des oiseaux sauvages endormis au creux de ses mains. 

-Euh…il me semble que Briséis l’avait pris…pour un cours ? Pour les petits ?

Par ces termes affectueux, Miel invoquait autant ces grands enfants que ces petits adolescents, l’ensemble bien confus d’une génération lointaine mais dont elle sentait déjà des velleités d’affection. Perdue dans les retranscriptions de ses pensées, son regard suivait avec monotonie son pas rasséréné, le mouvement doux de ses cheveux attachés en un ensemble harmonieux. 

Elle voudrait la presser mais elle ne dit rien, Miel savait ce en quoi Vega était faite et c’était avec mille précaution qu’elle lui parlait. Ses colères la laissaient tremblante et souffrante d’être ainsi la cause de ses déboires, alors elle la manipulait avec soin même dans la plus extrème des situations. 

Encore une fois, quelque chose se logeait en Miel quand leurs regards se croisaient une nouvelle fois. Quelque chose de négatif vite étouffé derrière la bonhommie de ses manières, regard qu’elle baissait piteusement. Coupable sans être accusée, Miel voulut lui être agréable en faisant glisser le livre sous ses yeux, faisant glisser son doigt le long des colonnes remplies par des mains et des écritures bien différentes. 

-Là!

S’exclamait t-elle. Trop fort, trop vif. Plaquant la main sur sa bouche, une moue de honte sur son visage. Elle lui offrit un sourire d’excuse avant de reprendre d’un chuchotis. 

-Ici, enfin. Tu vois là ? Il y a marqué “Emprunt - Court terme - Sang-mêlés- Louis Ravaz”, tu le connais ? Ca mentionne aussi la section “4” pour le retour. C’est la section d’art, non ?

Et de ses sourcils froncés, elle dévisageait Vega. Seule gardienne des réponses.