Entre ses pieds naissaient les pissenlits et les ombres des pins, odorante nature et tendre mort cachée sous la terre meuble. Ici se balançait vie et mort, commencement et fin. Mielikki au milieu des ombres luisait de sa tendresse, luisait de ses yeux entrouverts comme si le soleil voulait fuir de son corps.


Orgueilleuse fillette, petite gente face à l’empire des branchages par-dessus la couronne de cheveux et elle lui souriait. Quelle délice de se sentir mortelle ! Lointaine des préoccupations d’un monde trop éreintant pour ses pensées d’ordinaires, parfois Mielikki voudrait être capable que d’aimer et d’embrasser dans ses bras d’été les peines et les joies sans se sustenter et sans respirer.

Ses mains tressaient les brindilles tombées en une parure de bois pathétique, pour les déposer sur les écorces tendres. Les chaussures étaient des gênes alors mielikki ne se gênait plus à délacer les sangles de cuir.

Mais l’herbe foulée n’avait point l’odeur ni le son de celle écrasée par les pieds légers de Mielikki, la force était là et la terre tremblante obéissait à l’impératif de ses enjambées. Le cœur comprenait avant l'œil, discernait sous les réfractions du soleil les contours de l’être.

Dow !
Comme le premier éclair d’une nuit d’été, comme le premier amour d’un printemps entamé, comme les premières fleurs entre le ciment des pavés, comme le miracle d’un quotidien trop souvent oublié au sein d’un monde étriqué.

Dow, comme l’amie retrouvée.


Son souffle se coupait, accusait le choc d’un corps fait pour la robuste saison et ses muscles tendus des arcs de chair et de volonté contre la mollesse de ta graisse. Elle venait se lover contre les plis, toute chaleur dispersée pour la nouer à Mielikki.


à taille comparable, coeur abyssal!
Des existences que le temps pouvait qu’envier car il connaissait l’impossibilité du lien.


-Dow, Chérie, tu m’as manquée aussi.


Et le soleil s’échappait enfin des commissures humides, perçait à travers les plaies pour inonder la fille du Vent.


-Viens près de moi, tout près, on va s’asseoir ou on va goûter, j’ai ce qu’il faut. Raconte moi ma mie, comment vas-tu ?

Si vouloir la border était un crime, alors Mielikki supporterai toutes les prisons pour son sourire.

 

Sous les embruns d’une mer d’arbres, Dow bruissait des milles sons de ce monde sauvage si loin des doigts timides. Miel voyait la lumière dans le creux de ses cheveux, l’éclat des aiguilles volées aux pins fichés dans sa tenue, Dow ne changerai pas. Demain ou dans un siècle, elle sera toujours là à aimer un monde informe.

Les lèvres de Miel allaient se craqueler sous les générations, ses mains deviendraient moins alertes que Dow continuerait à être l’une des reines de ces bois, l’enfant de la Chasse. Mais cela n’était d’aucune importance, cela ne pesait nullement dans tes peines et tes joies car aujourd’hui, elles étaient là.


Comme une anomalie du temps, comme si Miel portrait le visage de l’une de ces ancêtres bénies par le regard de son ami, comme si demain, l’enfant de son sang pouvait aimer Dow comme elle l’aimait aujourd’hui.

C’était magnifique, de telles erreurs de la continuité.


Et dans ces préoccupations sans forme, Miel relevait d’un froncement des cils l’automatisme de sa réponse. Ses mots trop précipités se percutaient comme ses pouliches joueuses aux membres trop fins et avec toute la maladresse des premières naissances. Et avant que Miel ne puisse s’enquérir et demander plus, la tendresse de sa chevelure effleurait sa main.

Docilement, sagement, tranquillement, avec tant d’amour,
Miel touchait son crâne, nettoyant les trésors de la nature, tressant ces tresses ephémères, destinées à mourir le jour même, des papillons capillaires.

Elle continuait à fredonner, à avaler les mots et les dire avec la simplicité des choses du monde.


-Sans ton arc, tu as dû te sentir bien sans défense… ma pauvre…

Elle demandait la peur, Mielikki ne savait quoi lui répondre. Mielikki n’avait jamais vraiment peur pour elle, elle mourrait et puis cela était tout, une flamme éteinte. Mais dans l’inquiétude de Dow, elle sentait qu’elle ne désirait pas entendre les peines qu’autrui lui infligeait, ni combien elle craignait pour ceux dans son monde, elle souhaitait une réponse d’égoisme.

-Je n’ai pas eu très peur, cela allait. J’étais horrifiée mais peur..; cela est compliqué à dire. Les autress avaient bien plus peur que moi

La tresse devenait plus grosse entre ses doigts, un long serpent endormi contre la fraîcheur de la peau de la chasseresse.

-Tu n’as rien vu ? Même pas pour Veselin ? Moi, j’ai vu Ange, j’ai vu la mort de Darryn, j’ai vu David qui se faisait poignarder, j’ai vu la trahison de Dionne. J’ai vu beaucoup de choses et j’ai été si triste. Pourquoi devenons souffrir ainsi, chérie ?


La tresse tournait doucement sur elle-même.

- Tu n’aurais pas eu peur d’avoir mal ?

D’être blessée, d’être réduite à devoir subir ce que tu faisais subir.