everything you said, i believed it

il avait attendu, bien sûr -il avait organisé son temps, décalé des rendez-vous, s'était plié au créneau demandé parce que la-dite demande était trop rare, inespérée, en voie d'extinction. unique, même, peut-être, et winnie ne pouvait se refuser à ce frère devenu étranger, par le passé jamais non plus vraiment ami. pascal était, en somme, un concept : le sang était immuable, mais l'ambassadeur ne savait plus s'il devait le considérer face à son adelphe à la bouche bordée de refus.
et, alors qu'il attendait, il savait déjà, tout au fond, ce qui allait arriver. c'était là un refus de plus, un non qui irait sur la pile déjà accumulée, que winnie gardait malgré tout dans son cœur plutôt que de s'en débarrasser. il ne disait cependant plus rien, attendait les fêtes pour glisser un mot à son frère, et demandait le reste à henriette ; il avait accepté, difficilement, cette barrière entre eux.
et puis, pascal est mort.
les lettres sur l'écran semblaient être un mensonge, une farce, et winnie voulait profondément que ce soit le cas, comme d'habitude -pascal le blagueur ! pascal le prankster, pascal le rigolo, pascal jamais sérieux, pascal petit ! mais le reste montrait l'évidence : la minimisation soulignait la réalité des faits, et winnie a pleuré devant son écran, sa propre absence lui crevant le cœur autant que celle de pascal dans le présent. il n'en a rien dit.
il ne repensera pas au reste, parce que la suite avait achevé d'enterrer sa volonté. il s'était alors promis, encore une fois de plus, de ne plus s'inquiéter à voix haute de ce frère appelé pascal.
et, évidemment, n'avait jamais promis de ne pas se ronger les sangs en privé.
il avait été heureux de le voir aux vacances. il avait entendu par georges certaines choses, s'était surpris de son absence, n'avait rien dit. il questionnait les autres, en parlait avec miel, n'avait rien dit. il le regardait derrière ses lunettes de soleil, s'assurait qu'il mangeait, n'avait rien dit.
il s'y ferait, croyait-il. il s'y ferait, s'était-il promis. il n'avait pas le droit, après tout, de décider pour pascal. et, alors que le temps s'écoulait, il avait abandonné son attente. avec elle semblait glisser entre ses doigts quelques liens perdus de plus.
la seconde fois, winnie n'y croyait pas. il a dit oui, bien sûr, et il ne savait pas s'il voulait justifier ça de par son statut ou de par son caractère. l'un semblait pire que l'autre, jusqu'à ce que ce soit l'inverse.
cette fois, winnie n'attendait pas. il travaillait, les doigts sur le clavier et des dizaines d'onglets ouverts. lorsque l'on toque, il n'y croit pas. il pense aux voisin-es, à un-e démarcheur-euse, à une mauvaise blague -peut-être était-ce bien cela, après tout. il ouvre, et pascal est là pour de vrai. hey.
immédiatement, winnie ne croit pas un mot de cette excuse bancale, balancée comme une salutation, une connivence dont il ne voulait pas. il n'en dira rien. il regarde, plutôt, les joues rouges, la sueur, le bout d'herbe écrasé sur le genoux. tu veux de l'eau ? il y a des mouchoirs sur le meuble télé. il s'en va se servir un verre pour lui, avant de rappeler : enlève tes chaussures avant d'entrer. le genkan est trop souvent ignoré, et winnie n'a plus en lui la patience de voir des semelles pleines d'herbe sur son parquet couleur miel. il ne sait pas si sa sècheresse vient du fait qu'il travaillait encore il y a deux minutes, ou de la distance qu'il a eu besoin de creuser pour donner à pascal ce qu'il a toujours demandé : de l'espace. winnie était très généreux -il donnait tout, toujours, mais il n'était pas très bon pour donner ça. pas de soucis. c'était vrai, désormais. aucun souci, puisque winnie ne s'était pas dérangé pour pascal, et qu'en cela l'adelphe avait réussi à arriver aux limites de ce grand ourson qui se montrait parfois intraitable. dis-moi ce qui t'amènes. puisque ce n'était pas une visite de courtoisie.

let the water rush in, not wash away

l'eau coule et c'est un présage, probablement. le silence est étrange, et winnie s'y trouve dérangé également : il verse, silencieusement, le liquide (infusé au concombre et au citron, où les billes de charbon font des bruits d'épaves laissées au fond de la mer). l'habitude parle ; pascal peut ainsi voir son frère comme il l'est en-dehors de ces périodes de fête, d'effervescence -il voit la tranquillité de cet homme habituellement trop exubérant, plus bruyant encore que lui. n'était-ce pas une révélation en elle-même ? que de découvrir que l'on pouvait être plus d'une chose à la fois.
il revient, navigue dans la pièce sans un bruit, le pas léger de ceux habitués aussi à ne rien dire ; de toutes manières, ce n'est pas à son tour de parler. il laisse l'espace, mais winnie le sent froid, étrange. il n'a pas l'habitude de ces ambiances, et pourtant il ne sent pas le verre glacé sur les bouts de ces doigts. peut-être que ce n'était pas une idée si étrangère à pascal, le blizzard. sure.
winnie s'assoit. quand il met son poids, cela fait bouger pascal -il prend presque deux fois plus de place. il est facile à ignorer par message, mais dans la vraie vie, il est difficile d'oublier yoshito "winnie" watanabe. pire que cela : on comprend rapidement qu'alors, il serait presque normal de ne plus exister à ses côtés.
c'est une pensée triste. surtout parce qu'elle est à un rien d'être réelle.
la suite n'est pas plus joyeuse. winnie attend, son verre en main. il voit l'hésitation, ne dit rien : il avait promis de ne plus rien dire. il n'était même plus certain, vraiment, de vouloir l'encourager. pascal n'avait-il pas déjà eu trop de chances ?
mais pascal parle.
il parle, sans vaciller, il parle avec des mots trop simples pour être faux, et pourtant winnie n'y croit pas d'abord -rhys, oui, bien sûr, il s'en rappelle ; ses yeux se tournent vers pascal, s'écarquillent, le contenant glisse de ses doigts, l'eau se répand partout, le verre tombe par terre, rabbit s'enfuit rapidement vers la chambre, pascal tousse, et winnie est le seul qui ne participe pas au bruit ambiant. le silence est aussi assourdissant que winnie est abasourdi.
il ne s'attendait pas à cela -comment le pouvait-il ! lorsqu'il se rapproche, le jogging trempé et les yeux encore vides, il n'a pas tout compris. il ne fait que tapoter ce dos, commencer un contact : c'était là un réflexe des vieux jours, quand pascal était encore petit. probablement qu'il l'était encore. petit pascal, à qui on donnait toujours une chance de plus.
ce n'était pas un monstre (pascal ou le tueur ?). c'était son meilleur ami. c'était -il a pardonné. tout le monde savait. georges savait ?
le cœur de winnie s'ouvre à nouveau, comme quand il n'a pas rit aux messages du pascal de ce soir-là : d'incompréhension. la fissure s'ouvre, et avec elle revient la chaleur de ses embrassades, de son empathie, de sa patience. et alors, winnie ne pense pas aux coupables. il pense à pascal, seul au milieu de ses ami-es. il pense à son absence, la conséquence d'autres actes. il pense au présent, où tout est encore possible.
le bras glisse, vient prendre l'épaule dans une demie embrassade encore timide, incertaine. winnie ne sait plus agir, n'a comme indice que la venue et les quelques mots, qui n'étaient rien d'autres qu'un historique -pourquoi pascal était-il venu ? d'accord. les remous dans la voix remontent déjà. alors parle-moi en, pascal. vas-y. dis-moi. il s'accroche à l'épaule, appuie un peu son corps de géant contre son adelphe. s'il s'y penche, pascal trouvera un âtre -un foyer, un endroit où sécher ses larmes, ou bien où les laisser couler.

let the water rush in, not wash away

de son corps, il formait une grotte. elle protégeait pascal des orages et du soleil, l'abritait du monde même pour un seul instant ; elle le gardait au chaud, juste comme il le fallait -s'il fouillait, s'il se donnait la peine, il trouverait tout ce dont il aura jamais besoin. s'il tousse, on lui tapotera le dos -comme winnie le fait. s'il regarde ses mains, on les lui prendra doucement -comme winnie le fait.
yoshito -puisque c'était lui alors, plus que winnie- ne comprend rien aux mots. ils ne font pas sens, n'ont aucune logique pour son caractère, sa nature même. il sait, pourtant, que les pleutres existent, et qu'iels ne sont pas à détester par essence même : souvent, c'était à elleux mêmes qu'iels faisaient le plus de mal.
mais pas ici. pas là.
pas dans ce cas, où pascal aurait pu mourir de bon -où pascal a pris par la suite la lâcheté de celui qui l'a attaqué, non pas par conscience mais par obligation, emmuré dans le silence de ses soi-disant ami-es qui préfèrent préserver un tueur que sauver un mort. oui, le cœur pusillanime de pascal lui avait fait du mal : il n'a pas bien redémarré. ce n'était pas surprenant. après tout, il était amarré aux ancres de ses proches, celleux-là qui pensaient que tout irait bien, sans même trop demander vraiment, sans savoir distinguer les contours d'un myocarde à l'envers.
il n'était pas revenu entier, pascal.
il le voyait, maintenant. et yoshito, bien sûr, s'en voulait. il n'était cependant pas question de cela.
la description est difficile. yoshito se demande si pascal s'en rappelle, si, quand il le dit, la sensation revient sur le haut de son crâne, s'il revoit celui, qu'il voyait en ami, accourir vers lui la pierre en main -si le déni avait pu aider la première fois, pascal ne pouvait plus échapper à la réalité de ses souvenirs. n'était-ce pas là la trahison originelle ? celui d'un frère sur un frère.
yoshito avait envie de sortir d'ici et de retrouver rhys. il n'allait rien lui faire, évidemment, si ce n'était l'amener devant david même, et presque crier que le meurtre de son sang ne pouvait rester impuni. en réalité, peu importait que pascal soit son adelphe. c'était simplement un innocent.
il resta dans le canapé. avant la justice, il voulait la paix pour pascal.
je pense que c'est tout à fait normal, pascal. de ne pas avoir trouvé ça cool. de se sentir perdu sans support dans sa vie. de ne pas savoir quoi faire après être revenu à la vie. je pense que tu as le droit de te sentir mal. je crois que tu as le droit de ne pas te sentir en sécurité aux côtés de tes ami-es après cela. il caresse doucement les mains, presque minuscules dans les siennes. est-ce que ça te dit, de prendre un peu de temps, pour me dire ce que tu ressens ? si tu veux. tout ce qui te vient. on a toute la soirée, d'accord ? les yeux remontent. ils n'obligent pas de contact, se font doux -ils se veulent patients, accessibles. lui aussi, il ne savait plus vraiment ce qu'il pensait, yoshito. s'il n'avait pas vu cela, quoi d'autre avait-il manqué ?

let the water rush in, not wash away

c'était bien vrai : les bras de winnie n'était pas fait de pierre. s'ils n'étaient pas friables, ils étaient faillibles, et surtout ils étaient à lui : ce défaut-là semblait être si horrible qu'il pouvait peut-être éteindre en pascal l'étincelle d'amélioration qu'il avait réussi à allumer malgré l'humidité des environs. non, la grotte, en réalité, n'était pas winnie. la grotte, c'était le déni du frère, l'aveuglement choisi où croupissait l'eau au fil des années -pascal était encore jeune, et alors les mares commençaient seulement à pourrir. peut-être l'odeur avait-elle commencée à l'alarmer.
et, dans ce scénario, winnie n'était pas soleil non plus. winnie n'était qu'un homme -un demi-dieu, à la limite, mais il ne croyait pas que cela changeait quoi que ce soit-, et cette condition lui était difficile. que pouvait-il faire, s'il n'était qu'un petit homme ? il voulait remonter le temps, épargner à pascal ce meurtre dont il refusait la dénomination ; il voulait remuer le ciel, tirer némésis des nuages pour réclamer justice ; il voulait trouver hébé, négocier pour son adelphe une vie de plus, car celle-ci n'avait que fait ode à la jeunesse, à l'insouciance, à la frivolité et à l'évitement oisif de celleux qui n'arrivaient pas à grandir.
il voulait, oui, et si on lui avait donné la possibilité de réaliser ces vœux, il aurait hésité.
il aurait refusé, cependant. winnie savait que cela ne rendrait pas service à pascal. pendant longtemps, winnie n'avait pas compris pourquoi pascal ne voulait pas de lui. désormais, il voyait l'étrange fierté indépendante -qui ne menait à rien car elle n'avait aucun autre but que l'instant et l'ego (pour ce qu'il en restait), qui ne satisfaisait pas pascal : il s'était auparavant caché derrière son statut de maudit, comme si cela excusait l'acceptation de sa médiocrité qu'il détestait vaguement, mais désormais, que restait-il ?
une seule vie, apparemment.
ce n'est pas une obligation, pascal. c'est une proposition. c'est justement pour te donner des options. le ton est calme. winnie se sentait presque obligé de se justifier, pour bien se faire comprendre de son cadet. cet appartement n'était pas une prison, et le statut de l'ambassadeur n'était pas une cage non plus : winnie n'a jamais voulu étouffer les autres de sa réussite, de sa manière d'être, de sa stature. il ne souhaitait qu'humblement inspirer, mais pascal montrait ainsi ses échecs, criants à la face de winnie.
la mention de la présence des autres, aides dans la vie de pascal, était une lame soudainement déployée, sortie de son manche : c’était quelque chose que pascal avait interdit à winnie d’être, de devenir. l’entendre louer ses assassin-es (puisqu’iels étaient toustes coupables, dès lors qu’iels avaient décidé-es d’être complices) fut un coup dans le cœur, alors que lui, winnie, aurait tout simplement pu être à leurs places. il aurait pu être le premier à aider, peut-être avait-il été le premier à proposer, mais seulement dans l’Histoire, et pas pour celle présente dans la tête de son frère.
mais il ne s'agissait pas de lui.
il laisse tout cela derrière lui, derrière eux.
d'accord. pourquoi as-tu dit de ne pas en parler en premier lieu ? winnie articule, doucement encore ; sa voix est toujours basse, agréable, comme le ronronnement d'un chat. il attend un peu, laisse l'espace à pascal pour réfléchir, puis continue : et pourquoi, maintenant, tu souhaites rouvrir le sujet ? il pointe la contradiction sans la décrier, sans l'accuser de quoi que ce soit : elle existe, c'est tout, et lui ne la qualifiera pas.

let the water rush in, not wash away

la séparation est violente ; elle secoue winnie au plus profond de son être. c'est fini, déjà, pense-t-il ! il n'a eu qu'une poignée de minutes avec son frère -pour de vrai, parce que tout ce qu'il y avait avant, on aurait soudainement plus vraiment dit pascal. il y avait, dans l'instant d'avant, une fragilité qui amène à l'évolution. winnie n'était pas certain de souhaiter cela à pascal. à vrai dire, pour pouvoir se décider, il devrait déjà connaître son frère.
il savait pertinemment que ce n'était pas le cas.
et alors, que pouvait-il dire ?
être coupable ailleurs ne rendait pas pascal moins innocent ici : le mythe de la victime parfaite creusait des sillons dans ses réflexions. avait-il été trop habitué à être accusé ? refusait-on si vite de l'écouter ? avait-il construit ces idées sur son propre dégoût de lui-même ? avait-il honte ?
et lui, winnie -il ne savait pas vraiment ce qu'il ressentait, c'était trop de choses en même temps. il était en colère, d'abord. contre lui-même, en troisième (après rhys, après les "ami-es"). pourtant, quand le coussin lui arrive entre les bras, il l'enlace et le serre fort contre lui. il n'y a aucune violence dans son geste, mais il y a sa manière de se courber pour tenir le tissu, les jointures blanchies de ses doigts, la nuque courbée et le visage caché par ses cheveux -il se l'est prit comme une balle en plein cœur. il a entendu tu ne comprends rien comme avant déjà. il aimerait savoir quoi dire pour aider pascal. c'est pour ça que son frère est venu, après tout. et même cela, il n'y arrive pas.
il relève la tête. winnie ne rentrera pas dans le jeu : il restera calme, il prendra tout de face, il ne disparaîtra pas sous les coups de sang de pascal. il sera là. peut-être était-ce une erreur, que de ne pas s'écrier -que de ne pas hurler comme il a envie de le faire, de ne pas prendre pascal par le poignet et d'aller directement retrouver son tueur, de ne pas demander les ambassadeur-ices immédiatement pour juger l'affaire. peut-être.
d'accord. ses mains restent sur le coussin. alors, est-ce que tu veux mon avis ? c'était ce qu'il était venu cherché, mais ici winnie demande plus encore : est-ce que tu jures d'accepter ce que je dis ? de ne pas crier, de nier, de te mettre en colère ? de comprendre que ce n'est qu'il ne s'agit que de ce que je crois ?
il s'attendait à un non -au refus de lui, à nouveau. il s'attendait à l'orage, au blizzard, à la tempête. il aurait préféré continuer de poser des questions à pascal -lui demander qu'est-ce qui empêchait sa vie d'être tranquille, qu'est-ce qui lui permettrait de l'être à nouveau, pourquoi c'était si difficile de réfléchir à ce qu'il ressent-, mais il n'en était plus question.
pascal avait au moins rendu cela clair, en même temps qu'il avait remis la distance entre eux.

i'm heavy, my jumpsuit is unsteady

il attendait. c'était une chose qu'il faisait souvent : loin de lui l'idée d'être en avance, c'était plutôt que rien ne l'avait jamais mis en retard dans la vie.
winnie avait toujours marché au grand air, le dos droit et le nez pointé vers le ciel ; il n'avait même jamais eu à regarder le sol, s'assurer qu'il ne s'y trouvait aucun trou ou aucun piège : il n'y en avait pas. jamais. alors, avec ses pas assurés, il regardait tout à côté, s'arrêtait quelques instants pour cueillir une fleur ou écrire un mot à cellui qui passerait plus tard.
il s'était accroupi aujourd'hui.
il ne savait pas quel avait été le chemin de pascal -il aurait bien voulu savoir, probablement, mais il se contentait de la ligne du présent qui s'écrivait forcément à ses côtés. oh, il ne connaissait que la surface, il en était certain, mais cela lui suffisait désormais, dans son refus d'insister encore -une mesure de protection, de conservation de soi. en se penchant au-dessus des autres, on pouvait tomber. par maladresse ou par planification.
pascal l'avait appelé. winnie avait répondu présent. et c'était maintenant, en cet instant, qu'il allait décider de continuer son chemin seul, ou de rester encore un peu sur ce côté de la route.
winnie n'attendait plus rien. ses yeux n'étaient pas vides, parce qu'ils étaient toujours animés de sa vivacité, mais ils ne disaient rien. il était prêt à tout entendre, et alors en même temps réellement préparer à aucune possibilité. en se refusant à toute projection, il s'empêchait d'être déçu.
le oui est si petit que winnie se demande s'il ne l'a pas inventé -si, finalement, ses envies avaient bien parlées. aussi saint qu'il se veut, il succombe aussi au péché capital : celui de vouloir aider.
rien ne sort de sa bouche. il se contente de regarder l'adulte redevenu peut-être garçon. c'était là, au fond, ce qu'il avait toujours voulu de pascal : d'être accueilli sur le chemin. d'accord. je te pardonne. le coussin retrouve sa place, comme s'il ne l'avait jamais quittée. un instant, les doigts de winnie traînent sur l'assise, puis lancent une invitation en tapotant la matière.
il expire, un peu bruyamment. c'était une tornade, là-dedans : il était ému de l'acceptation, stressé face à ce qui l'attendait, soulagé de ne pas l'avoir perdu pour de bon. ils semblaient moins sur le fil du rasoir. très bien, alors. il l'a dit pour enlever le petit bloc au fond de sa gorge. je pense qu'il faut que tu te forces à y réfléchir. au moins un peu. si ça ne te fait pas trop paniquer. le temps entre les mots est long. ils sont choisis avec attention. sinon, comment comprendre ce qu'il te faut ? c'est une chose que personne ne peut faire pour toi. il avait l'impression stupide de dire des choses sans grand intérêt, des vérités générales dont pascal avait déjà conscience. mais on peut t'aider. comme là. sauf peut-être cette partie. celle-là était nouvelle, probablement.
j'ai eu peur que tu sois mort pour de bon, tu sais. parce qu'il ne savait pas le nombre de ses vies, winnie. parce qu'il ne savait pas grand chose tout court. est-ce que tu as eu peur ? il avait parlé de lui avant pour que ça semble aussi simple que cela, de le dire.
mais winnie n’est pas parfait -il a les yeux rouges et les mains qui tremblent d’hésitation, et là où il est fort c’est qu’il le cache. lui, oui, alors qu’il encourageait l’honnêteté, alors qu’il la demandait à pascal ; peut-être alors était-il temps de lui montrer la réalité de ce qu’il ressentait.
du désespoir qu’il a traîné au fond de son estomac, en imaginant une tombe au nom de pascal -de l’injustice qu’il veut crier, de la rage qu’il a aussi envers son frère, de son incertitude cachée pour le bonheur des autres : winnie agissait en leader. était-ce ce que pascal demandait de lui ? il était venu chercher des conseils, mais ce n’était pas vraiment ce que winnie donnait. il ne donnait que des bouts de lui. encore et encore.
il renifle, baisse la tête dans une humilité qu'il ne cherche pas à cacher. il a arrêté de parler. s'il le faisait, pascal entendrait. ce n'est pas grave. il devait bien le voir.

in order to love you have to be all you can be

les voilà de retour. côte à côte, comme ils l'ont trop rarement été. c'était un tableau étrange, probablement, que ces trois choses trop hautes en couleur : le canapé, la star et pascal. les teintes ne vont pas vraiment, pourrait-on croire, à ce qu'il se passe ; à l'aveu d'un meurtre, à la colère et aux larmes. il n'y a pas assez de rouge, trop de saturation, il n'y a pas assez de monochrome, trop de mélange dans tous les sens. et pourtant, n'était-ce pas la représentation parfaite de ces sentiments tous mélangés, barbouillés, incompréhensible, indélicats ?
winnie se demande ce qu'il se passe dans la tête de pascal. le silence n'est pas long, ou plutôt il choisi de ne pas le rendre pire, mauvais, de ne pas lui laisser les clés et d'avoir du mal à les lui reprendre. dans cet état désormais décidé, il attendait -pas le coeur tranquille, mais l'esprit ardent au moins, prêt au reste, ou du moins aimait-il le penser.
pascal n'a pas eu peur, et winnie ne sait quoi faire de cette information. n'avait-il pas peur parce qu'il savait qu'il reviendrait ? parce qu'il était trop stupéfait ? parce qu'il ne donne pas tant d'importance à la mort, à la vie ? il n'en dit rien, et winnie reste avec ses hypothèses bien cachées derrière son grand dos. lui non plus, il n'en dira rien. ça ne sera que ça : des options, peut-être, pour en parler plus tard. ou peut-être pas.
peut-être pas.
c'est que sa vue se brouille quand pascal raconte georges et ses pleurs -ah ! il sait que c'est passé et qu'il n'y a rien à y faire, mais s'il avait pu, winnie ..! s'il avait été là, winnie ..! s'il l'avait pris dans ses bras, winnie ..! à chaque mot, c'est de l'eau en plus ; ça secoue son coeur, ça fait froncer les sourcils, ça fait ouvrir la bouche pour mieux respirer, ça fait sourire un peu, et puis beaucoup, ça secoue la tête, de gauche à droite, de droite à gauche, ça veut dire c'est pas grave et c'est pas vrai mais ça l'est pour lui, ça lance une main contre les épaules de pascal et ça l'attire contre lui, contre son torse, entre ses deux bras trop gros -tout est trop grand chez winnie de toute manière, y compris l'amour. c'est pas grave, pascal, dit-il comme un frère qui pardonne, toujours tout, toujours trop peut-être, peut-être pas. c'est pas grave, enfin, plutôt, ce n'est plus grave maintenant parce que pascal sait dorénavant, parce qu'il a compris un peu, parce qu'alors cela n'arrivera plus. tout ça, winnie voudrait pouvoir le dire mais il n'en est rien, alors winnie le garde contre lui et s'affaisse contre le dossier, là où ils peuvent se reposer à deux. il ne regarde pas ses yeux, ses larmes, lui laisse l'intimité de son visage. je suis pas gentil comme ça, c'est qu'il le croyait pour de vrai, ce benêt, c'est que je vous aime, je t'aime tu sais ? il n'avait jamais osé le dire à pascal. il y avait toujours eu ce sentiment étrange d'apporter de la honte là où on n'en voyait aucune, il y avait l'horrible sensation de ne pas aimer comme il fallait pour que ça lui convienne, il y avait l'interdit de le dire par crainte de la répercussion, de ne plus jamais en avoir l'occasion. le verrou à sauté. winnie peut être honnête sans y penser plus que ça.
fais attention, maintenant, s'il te plaît. si pas pour pascal lui-même, alors pour elleux -les autres. fais attention, pascal. à toi et aux autres aussi.