一杯東西なし
二杯古今なし
三杯自他なし

(Santōka)

l'ambassadeur des hadès était un homme énigmatique. winnie, de ses fins instincts qu'il ignorait presque totalement, avait deviné de sa fougue une inquiétude aussi forte que sa rage. à vrai dire, il l'avait su dès qu'il avait demandé à ses adelphes leurs avis sur ce roi forcé de ce qui semblait être les confins de la terre et de l'humanité. l'atè, il l'avait visité. il avait vu les routes délabrées et l'humidité de l'appartement henriette, et à l'époque il avait cru qu'il allait à tout moment leur tomber sur la tête. dans ces passés-là, il n'était pas ambassadeur, et alors il n'y avait rien d'autre à faire que contempler.
maintenant qu'il était de l'autre côté, il voyait les murs auxquels se confrontaient emon. ce n'était pas tout que d'être désigné main de pouvoir, il fallait encore être capable en faire usage ; et il observait tranquillement les jeux de pouvoir, de son œil encore neuf, probablement trop candide hélas. il avait demandé, alors : à nadeshiko, d'abord, dont désormais il se méfiait, et d'osgood, ensuite, sa guide de l'ecclésia. et, après les avoir toustes entendu-es (elles et ses adelphes), il s'était rendu compte qu'il ne savait rien. parce que que sont les mots des autres ? il lui fallait entendre l'homme plutôt que les rumeurs et les avis.
une soirée sur le thème des alcools japonais était une excuse facile ; l'invitation était solennelle, et winnie s'était incliné comme pour accompagner les mots japonais qui demandaient cette rencontre-là. et, étrangement, winnie avait été soulagé d'entendre la réponse positive, comme s'il stressait un peu en compagnie de cette entités aux milles légendes (enfin, peut-être un peu moins quand même). alors ! alors il fallait être au moins sur son trente-et-un, et si habituellement cela aurait voulu dire les pires mélanges de couleurs et de formes possibles (en vêtements nike, évidemment), cette fois-ci, le protocole l'obligeait à porter de ces tenues presque tristes -c'est dans ces moments-là que winnie s'imaginait dans le corps de ces filles aux rires bien jolis. enfin ! dans le noir strié de blanc, il noua la ceinture avec des mains qui avaient un peu oublié comment faire. qu'importe ! il était arrivé, et le noir de ses habits faisaient ressortir sa chevelure blanche et ses yeux noisettes, presque d'or.
alors qu'il arrive juste à l'heure, il tressaute en entendant la voix de son complice pour la nuit. ah ! ah, bonsoir ! oui, bien sûr, si pas maintenant, quand alors ? il ne l'avait pas dit, mais une des raisons de cette invitation n'était autre que la mélancolie ; celle-là même qu'il avait ressenti en enfilant sa tenue seul, sans l'aide de son parent. l'odeur restait encore, un mélange de coton et de lessive qui n'était pas la sienne.
à la table, winnie regarde la carte -il y voit des noms qui lui font bien plaisir. il n'était pas difficile, en soit, de trouver des choses en provenance du japon à new york (ou même fait sur place, dans le plus grand respect des savoir-faire), mais ce n'était pas pareil. il lui manquait toujours quelque chose. et, alors qu'il se demandait s'il ferait mieux de commander de l'umeshu ou du kijoshu en première session, ses réflexions s'interrompent. ah ! évidemment. emon était connu pour être aussi sympathique qu'une porte de prison et, jusqu'ici, winnie ne pouvait pas démentir la rumeur. ahahaha ! d'un rire vrai, tent l'impertinence de la remarque était assumée, tant emon n'en avait plus rien à faire, tant winnie lui-même n'étais toujours pas convaincu de toujours siéger au conseil. comment pourrais-je démissionner, alors qu'on m'a confié une mission ? ce n'était pas lui qui avait choisi. c'était les autres et, alors, il ne pouvait que faire de son mieux : le fardeau était lourd, certainement, et winnie avait dû le mettre sur ses épaules de manières quelques peu précipitées, mais jamais il ne l'enlèverait. il était fier de ce titre, de cette confiance. de cet amour, en réalité.
je comprends que tu ai douté. trop gentil, c'est ça ? trop mou. on me l'a déjà dit. le sourire ne quitte pas ses lèvres, parce que pourquoi cela devrait-il le rendre triste ? il ne connaissait pas plus beau compliment d'être condamné pour actes de gentillesse. et pourtant ! je crois que les gens sous-estiment ce que c'est que d'être une personnalité d'internet. ce n'est pas mon premier rodéo. il s'était fait les dents bien plus jeune encore, et alors même qu'il ne comprenait pas sa popularité ou ses conséquences, il continuait et continuait et continuait.
il lâche encore un rire, décide finalement quel verre il préfère. prends ce que tu veux, c'est moi qui paie le premier tour. merci la youtube money. offrez des subs bien sûr.

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(Santōka)

le premier, et puis le deuxième aussi s'il le fallait -winnie n'était pas regardant, c'était là le privilège de celleux qui ne calculent plus les dépenses, du moins tant qu'elles soulignent les amitiés, leurs débuts comme leurs continuations. alors qu'ils boivent ! qu'ils boivent, et qu'ils parlent, et qu'ils s'apprivoisent comme deux animaux étranges, venus de planètes si horriblement similaires qu'elles ne pouvaient être qu'inverse ; l'autre côté de la pièce. pile et face.
winnie ne peut s'empêcher de lancer un coup d'oeil à côté de lui -oh, et puis ! il ne s'en cache pas. il détaille le regard concentré, les sourcils toujours froncés, et il se rappelle ce que leïla lui disait : ça allait faire des rides avant l'âge, ça. et quand il parle, ça le fait sourire à nouveau. décidemment, il avait un potentiel d'humour insoupçonné, ce fils d'hadès. il fallait probablement être de celleux que rien n'égratigne pour pouvoir l'apprécier.
s'il en rit, ce n'était pourtant pas ce que winnie voulait dire. non, le rôle en soit n'était pas à comparer au stream, loin de là. winnie parlait de la pression extérieure, des remarques envoyées, des attentes qui l'alourdissaient, des organisations strictes, de la gestion du public et d'une équipe. il voulait dire : travailler avec les gens.
mais peut-être qu'une famille aussi petite que celle des enfers n'avait pas tant besoin de cela. en un sens, winnie le plaignait. il s'imaginait n'avoir que cinq adelphes, et à peine la pensée formulée, que tous les autres lui manquaient déjà. ah ! ceci dit, ça devait être bien plus simple, d'organiser les dîners de famille.
et de leur demander des nouvelles.
et de leur dire de remplir les formulaires.
et de s'assurer qu'iels ont toustes payés leurs impôts.
enfin bref ! les trucs normaux, quoi.
alors qu'emon continue à parler, winnie se demande comment il parle aux sien-nes. ah ! sûrement pas comme lui le faisait, dans une fausse grandeur qui se cassait trop rapidement ; pas en relisant dix fois le moindre sms officiel avant de l'envoyer, pas en éditant chaque mot, point, virgule, pas en utilisant le traducteur parce que le japonais lui paraissait toujours plus simple pour dire les mots qui venaient du cœur. non, emon donnait l'air d'avoir été ambassadeur toute sa vie. winnie n'en ressentait ni de la jalousie ni de l'envie ; il en était heureux, que de l'imaginer avoir trouver sa destinée. peut-être même espérait-il qu'emon pourrait l'épauler, un jour. lui donner un peu de son savoir.
winnie ne savait pas si emon aiguisait ses mots pour ensuite les envoyer comme des flèches, ou s'il les laissaient gloutons sauvages ? l'agressivité a l'air tranquille, assumée. encore une fois, winnie en rit. c'était là la bénédiction de celleux pour qui certains sujets ne deviennent jamais problèmes. ah ! oui, elle me revient, cette place. il lâche la carte, se tourne vers son acolyte d'un soir. je ne dis pas ça par avidité. je le dis parce que c'est au final tout ce que j'étais déjà. tu sais ? être l'oreille attentive, la personne vers qui iels viennent, résoudre les conflits. je crois qu'on se concentre trop sur le fait que les ambassadeur-ices décident. ne doit-on pas écouter en premier ? il hausse des épaules. nous sommes des représentant-es. pas des rois. et, alors, pour autant qu'iels me feront confiance, cette place est la mienne, à travers elleux. bien sûr, cela ne m'exempte pas d'erreurs, et j'ai beaucoup à apprendre.
un dernier sourire avant qu'il ne tente d'attirer l'attention d'un membre du staff. le doigt en l'air, il ne peut s'empêcher quelques politesses avant de commander directement la bouteille entière. les verres arrivent, un bloc de glaçon frappé trônant à l'intérieur. sans plus attendre, winnie verse le liquide ambré, et il salive déjà du sucre qu'il voit s'accrocher aux parois de verre.

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(Santōka)

winnie sert son senpai, comme le veulent les lois japonaises dont on ne parle pas -le réflexe est évident, inscrit dans la moelle épinière. il tenait la bouteille comme il le fallait, une main sur le col, le reste à la base, et inclinait doucement de la plus belle des manières. il sent le jugement qui coule sur chacun de ses gestes, et ne fait rien pour s'en cacher. winnie est quelqu'un de brutalement honnête, souvent sans même s'en rendre compte. les yeux pouvaient le scruter autant qu'ils le voulaient, il ne verraient rien que d'autres que ce qu'il y avait déjà à voir : la surface.
la répétition de la question fait encore sourire winnie. il était si évident qu'emon était dans la retenue, dans l'évaluation presque forcée tant emon semblait réfractaire. cette non-envie, pourtant soupoudrée de réactions bruyantes et d'actions difficilement ignorables, donnait à winnie l'impression de devoir dompter un fauve qui se pensait plus grand et plus large qui ne l'était. emon était dangereux, cela était évident, mais winnie le trouvait bien plus complaisant que ce qu'on lui racontait. la verve était moqueuse, certes, et parfois assassine, mais il restait cet homme seul face à tant, les poings liés par les nombres qui le dépassait, et la misère qu'il cherchait à chasser tout en y étant plongé.
il note, cependant, qu'emon ne cogne pas leurs verres avant d'y plonger directement. ah ! il ne pouvait rien dire : les impolitesses des ancien-nes n'en étaient pas, par la force des choses. son acolyte ayant lancé les hostilités, winnie se permet de boire ensuite -mmh, le liquide est délicieux, et il sent la coulée de feu tranquille qui habite soudainement sa gorge.
l'interrogation qui suit est probablement pensée comme une pique, mais encore une fois, winnie n'avait rien à cacher. ahaha, évidemment. évidemment cette question-là, évidemment on imaginait le jeu des pouvoirs et alors, elle aurait dû être ici, nadeshiko. mon assistante m'assiste efficacement lors des événements liés à l'ambassade. et cela sous-entendait : je suis ici en tant que demi-déité, et peut-être en tant qu'ami. cela voulait aussi dire : son influence s'arrête là où je le souhaite. je ne sais pas encore ce que cherchent réellement les olympien-nes, très honnêtement. j'imagine que mon sang est encore trop neuf pour comprendre tous les rouages qu'iels ne veulent pas exposer. aurais-tu un avis sur la question ?
la main se lève à nouveau, déguste la boisson. il attrape un edamame, se force à manger avant de ne plus pouvoir suivre la conversation correctement.

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(Santōka)

winnie observe sans le faire exprès -il n'a pas grand chose d'autre à faire, et emon est encore un mystère doucement entouré d'ombres. winnie n'est pas vraiment stressé ; il est presque certain déjà qu'il arrivera à s'y faufiler, et si ce n'est pas le cas, ce n'est pas bien grave. il aura fait tout ce qu'il a pu. il aura donné de son temps, de son être, il aura invoqué la mélancolie et des souvenirs d'antan -de ceux qui blessent autant qu'ils ravissent. il le sait, il a les mêmes, à quelques différences près.
évidemment, les olympien-nes l'enfouissent dans une réflexion qui paraît intense. après tout, cela est bien connu : ce sont ses ennemi-es, et winnie a pu en être témoin au fil des mois qui ont suivi son élection. bien que parmi les trois grands, emon ne pouvait que se débattre dans le vide, sa voix un echo que toustes entendaient mais que personne n'écoutait, si ce n'était pour le faire taire. c'était cette majorité-là qui muselait emon, et même s'il essayait de construire un mouvement pareil du côté des renégats, des oublié-es, des non-aimé-es, il n'arrivera jamais à cette si précieuse majorité. c'était ce que winnie croyait, parce qu'il ne se verrait jamais dans ce groupe-là, ni lui ni d'autres de ses ami-es qui n'étaient nulle part (pas au sommet du mont, ni dans les entrailles de la terre). mais, pour autant, cela ne lui empêchait pas la décence humaine. et c'était bien ceci qu'il reprochait aux olympien-nes -la décence, et l'ego de ce nom qui ne leur ressemblait pas.
il avait envie de réagir, de questionner plus loin, de demander : bien sûr, mais la majorité pour quoi ? winnie ne comprenait pas encore que l'on pouvait vouloir le pouvoir pour garder le pouvoir. il était trop honnête ; s'il avait été élu par ses adelphes, il n'en était que le servant, pas le chef. et, alors, il lui semblait facile de laisser sa place à un-e autre, un jour, lorsque son cœur ne sera plus à la bonne place. ce n'était pas un problème.
il abandonne alors cette question, se concentre sur le reste. emon est direct. c'est quelque chose que winnie apprécie. pas encore. je ne vais pas te mentir : j'apprécie david. ceci dit, je ne sais pas si je suis une de leurs priorités. comme tu le dis, il y a déjà nadeshiko. y avait-il un intérêt à chuchoter à l'ambassadeur et son assistante ? s'il les rejoignait, oublieraient-iels nade ? cela lui briserait l'âme, elle qui ne sait s'aimer qu'aux sommets.
et puis, inintentionnellement, sa réponse cachait une autre réflexion : est-ce qu'iels ne le manipulait pas déjà, par leur présence même dans sa maison, son foyer, son cœur ? enfin, ce n'est pas vraiment un sujet pour lequel boire, n'est-ce pas ? il rit, trempe les lèvres à nouveau. ah, ça faisait longtemps. il parle de l'alcool, de l'ambiance, de sa tenue. je n'y suis pas retourné depuis mes treize ans. ses yeux s'affaissent, un peu. il avait passé plus de la moitié de sa vie aux états-unis, désormais. c'est long. il ne savait pas de quoi il parlait exactement, mais il avait l'impression qu'emon comprendrait.

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(Santōka)

cette rencontre pouvait sembler non naturelle. on pouvait croire que, vraiment, rien n'aurait du lier l'ombre de nausikaa et l'enfant doré, si ce n'était l'humanité étrange qu'ils portaient tous les deux, pliés sous les besoins les plus basiques -boire, manger, se rappeler. et, visiblement, pas tellement plus, si ce n'est lancer des piques et les récupérer dans des gants très résistants. pourtant, il ne jette plus rien, emon. ses acquiescements sont faibles, dénués d'intérêt, et cela fait baisser les yeux à winnie -pas de honte, mais de déception, probablement. il se pensait peu digne d'intérêt pour l'ambassadeur d'hadès, et si cela ne le vexait pas, il s'en voulait de l'avoir invité ici pour discuter travail -ou pour l'ennuyer. ce n'était probablement pas ce qu'emon avait prévu.
la main sur le verre, winnie en prend une gorgée de plus, ou plutôt deux ou trois. il est encore calme, mais l'alcool le rend joyeux -encore plus qu'habituellement, à s'exclamer pour un rien, et crier plus que de raison. bref, probablement une compagnie qui ne plairait pas au raffiné et discret monsieur ueda.
la question d'après le surprend. évidemment ! il s'était déjà condamné, "boring" comme crime sur son mugshot, et pourtant, c'était bien de l'intérêt qu'il voyait là dans son acolyte (s'il avait le droit de l'appeler ainsi). c'était un sentiment étrange, que celui-là : il avait abandonné sa ville, ses gens, pour en trouver d'autres comme lui, ailleurs, bien loin. ça n'avait aucun sens. ça n'avait aucun sens, et pourtant la mélancolie qu'il sentait lui semblait soudainement universelle -comprise, acceptée, dans un silence tranquille, qui ne pressait pas, qui n'obligeait à rien. oui, il avait le temps, là, maintenant, de s'en souvenir. alors il revoit : le petit appartement ridicule de son père, le bain devenu trop petit pour se laver à deux, la kitchenette jamais utilisée en semaine, les onigiri du 7Eleven, le famichiki du FamilyMart, les vélos partout, les katakana qui criaient quand on les lisait, le kodomo no hi, les chantiers sur lesquels il venait, ses copain-es d'école, les tremblements de terre, les wagons de métro sans un bruit, les temples aux entrées rouges, oji-san au bout de la rue qui me donnait des bonbons, les matsuri, les saisons qui s'enchaînent, et surtout les feux d'artifices en été. c'était normal. c'était chez moi. c'était bien. il n'avait pas compris qu'emon demandait plus ; qu'il était curieux de la réalité qui était banale aux yeux de winnie, de souvenirs qui avaient disparus parce que leur exceptionnalité n'était pas encore connue. il s'en voulait, parfois. de temps à autre, je vais voir sur google maps et je vois que rien n'est plus comme c'était, et alors, de quoi est-ce que je me rappelle ? d'un fantôme, d'un cliché dans le temps, d'une période révolue. tokyo évolue sans moi, et moi sans elle, et pourtant on fait parti-e l'un-e de l'autre. ce n'est pas une phrase triste. il a deux maisons, maintenant, et le jour où il retournera au japon, il sera accueilli par des bras ouverts, il en était certain. ah ! je crois que tout ce que je peux te raconter serait dépassé. comme lui.

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(Santōka)

winnie sursaute -il ne voit pas vraiment la fève arriver droit sur lui, mais ses réflexes (de gamer hé ouais) et sa super vitesse lui permettent de taper le projectile loin de lui, quelque part, dans la foule. il regarde l'ovale vert finir sa course sur le sol, remonte les yeux vers emon. et il rit. les pattes d'oie apparaissent sur les côtés de ses yeux ; il rit comme chantent les oiseaux, et alors qu'il rit encore, il accepte qu'emon a bien raison. ce ne sont pas les souvenirs qui sont tristes. au contraire ! eux étaient bien heureux. c'était ce qu'on en faisait.
une fois à nouveau silencieux, il se lève, et va poliment chercher l'edamame tombé un peu plus loin. évidemment. il ne fallait pas dégrader le bar. ça, c'était tokyo qui lui avait appris.
quand il revient, il prend à nouveau une gorgée. il ne s'attendait pas à ce que tokyo soit inconnue à emon -ou l'inverse, peut-être, plutôt. il se l'imaginait marchant à travers les rues, préférant plutôt kyoto à la capitale. emon semblait intemporel, coincé dans des traditions qu'il ne connaissait que par les règles et non par l'essence. peut-être trouverait-il un attrait à tout cela, là-bas. une raison d'y croire, ou alors une raison de s'en libérer.
mais tokyo était loin, et alors winnie se devait de l'amener ici. c'est un peu difficile à dire, parce qu'à l'époque, c'était tout ce que je connaissais, donc c'était normal, tu vois ? mais c'est très visible quand on compare mes habitudes et celles des demi-dieux qui sont né-es ici. et pourtant ! pourtant winnie parlait fort, et winnie était désorganisé, et winnie se teignait les cheveux, et winnie ne se fondait pas dans la masse. tokyo -tokyo fait partie de moi et grâce à elle je n'ai jamais eu peur de new york et des gratte-ciels, ou alors des gens, au contraire. c'est grâce à elle que je dors sur un futon le soir, et que j'enlève mes chaussures en rentrant, et que je range tous les jours, et que je pense plus communautaire qu'individuel, et que je ramasse tous mes déchets. un sourire pour ce pauvre pois catapulté en sa direction. il ne se rendait pas compte qu'en disant cela, il sous-entendait peut-être le japon ne fait pas partie de toi. quand j'étais petit, j'avais un sac -on a des sacs exprès pour l'école, randoseru, ils sont grands et un peu ronds, souvent ils sont noirs ou couleur cuir, mais moi j'en voulais un JAUNE alors j'en ai eu un jaune, et il faisait presque ma taille quand je l'ai eu -mais j'ai grandi vite, et je dépassais tout le monde (c'est à cause de niké ça, pas mon père, mon père fait un mètre soixante six). bref, j'étais super content d'aller à l'école avec ce sac sur le dos, et on chantait l'hymne national avant la classe, et on avait un peu de gymnastique avant d'étudier. moi j'étais mauvais, j'essayais mais vraiment, ça ne servait à rien, là-bas, on apprend à apprendre, et je ne retiens rien en regardant une feuille de papier, et puis, de toutes manières, j'avais toujours tout juste alors que j'y connaissais rien ... mes ami-es disaient que je mentais quand je disais que j'étudiais rien chez moi ! parce que elleux, ah, dès la primaire, iels bossaient durs. sauf quand on sortait des cours. on allait souvent au konbini ou autre part pour manger des dangos en rentrant. mais pas trop longtemps. iels étaient sérieux-ses, tu vois. à la limite, on pouvait aller aux temples, et demander aux kami des bonnes notes ou que les parents nous offrent la suite de dbz ou détective conan. l'après-midi, iels faisaient des trucs. pas moi. mon père avait pas les moyens. à la place, je lisais des manga dans les konbini, ou je jouais sur internet au lieu d'étudier. c'est comme ça que niké m'a reconnu. avant même le camp ! il rit, encore. oui, c'était de bons souvenirs. je ne peux pas te dire comment c'est pour un adulte, par contre. je crois que c'est un peu moins joyeux. mon père travaillait beaucoup. quand j'étais très jeune, il était obligé de m'emmener avec lui. si tu veux lui demander comment c'est, tu peux. il habite à new york. les légumes arrivent, et winnie n'attend pas pour manger un bout de carotte. la proposition est simpliste, car pour lui ce n'est rien de compliqué, que de présenter sa famille.

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winnie ne se rend pas compte que le morceau de vie qu'il venait de confier à emon était tout aussi empreint de tokyo que de new york. comment aurait-il pu, sinon, avoir de réflexions pareilles ? il était un mélange étrange, probablement, et les deux pays qui partageaient son cœur ne le rendait pas apatride -au contraire. il y trouvait deux maisons.
il ne se demandera jamais si c'était un choix ou la voie des choses. qu'avait-il fait différemment d'emon ? à grand échelle, probablement rien. il était juste accompagné par d'autres gens et, alors qu'il grandissait, on surveillait ses arrières non pas pour le punir mais pour le rattraper s'il le fallait.
bizarre, alors ? peut-être. pour lui, sûrement. pour winnie, c'était juste une autre normalité. voilà ce qui, au-delà de tout, les différenciait : leurs points de vue. je ne les vois pas comme des kami, nos parents. ce sont d'autres, mh, entités, je pense. enfin, moi, je les sépare. pour moi, iels sont trop loins de la nature. winnie ne savait pas si cela était impoli, que de ramener à lui la conversation -le témoignage, peut-être même la confession. après tout, emon ne souriait pas à la mention de son anecdote, et winnie y trouvait une tristesse étrange : celle des croyant-es, qui ne se sentent jamais seul-es car toujours accompagné-es de leurs idoles. et, dans le cas des kami, winnie n'y voyait rien d'autre que cette nature tout autour de lui. la nature humaine, aussi, parfois.
il accepte le refus sans rien y ajouter. la proposition était ici. kin était un père pour plus que juste winnie. il avait, dans ses manières, la stabilité rassurante qui promettait de ne jamais s'effondrer. et c'était vrai. winnie, regardant emon s'intéresser aux autres sans les voir, se demanda alors, qui prenait soin de celui qui défendait l'atè ?
le fils doré s'exécute, sert à boire dans leurs deux verres, mange encore un bout de légume. ta sœur ? et winnie demande : mortelle ou divine ? j'espère qu'elle te rapporte à manger de temps à autre, au-delà des histoires. honnêtement, c'est parmi les meilleures choses. ah ! des udon bien frais en été, avec des kakiage croquants ... ou mieux ! des nagashi somen, les pieds dans l'eau. il se perd dans ses souvenirs, à nouveau, alors qu'il renverse à nouveau son visage pour boire. le liquide a un goût du japon étrange : celui qu'il a appris ici, loin de son origine.

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winnie a soudainement l'impression que l'ambiance devient plus sèche face aux mâchoires fermées d'emon. pourtant, il savait que tout cela n'était pas de son ressort : il n'y était pour rien, dans tout cela. il n'avait choisi ni son père ni sa mère, et encore moins celleux d'emon. alors, il se détache de tout cela, et répond simplement, comme il sait le faire. oui, juste un enfant. mon père ne savait pas qui était ma mère. il ne se pose jamais trop de questions. peut-être que winnie a hérité de ça, disait-on assez spontanément ; et on se tromperait en répondant oui.
à vrai dire, il ne se demande rien quand emon lui livre un bout de lui. il garde fermées la boîte à questions, se contente d'attraper ce qu'on lui donne. il est curieux de nature, mais n'apprécie pas arracher à autrui des confessions gardées près du cœur. l'amertume est lisible dans les mots d'emon, et face à eux, winnie se fait pluie pour en délayer le goût. ses yeux sont ouverts, attentifs, et on y voit la douceur de son esprit -il ne se dit pas un seul instant qu'emon peut la détester. de toutes manières, là aussi, ce n'était pas sa faute : il ne s'agit pas de pitié ou de moquerie. il ne s'agissait que de lui. naomi ueda. ça ne me dit rien, mais qui sait ! le monde est si vaste qu'il en devient petit parfois. un sourire, aussi vrai que le reste, mais winnie a compris : le sujet ne doit pas rester, et alors il fait voguer ce goût désaimé loin dans la gouttière, jusqu'à plus loin -les rivières et la mer.
il y a brochettes sont aussi en vente, comme dans un izakaya. je montre la carte, sur le mur -les kanji sont écrits à la verticale. tu en veux ? je vais prendre champignons, tofu et racines de lotus. et il sourit, sans se demander s'il peut lire.