La fête battait son plein. Dans ses tempes, le bruit vibrait, vibrait, et le sourire qu'il affichait sur son visage avait quelque chose de grisé, de ravi, tout plein d'adrénaline (remplit d'une énergie qu'il ne retrouvait que dans un tas de corps alcoolisés et fous). Il avait remarqué Anja, plus loin, en train d'engloutir un nouveau verre en flirtant (mal)adroitement avec une autre jeune femme. Mais lui, ne recherchait qu'une seule personne. La lumière de cette fête, ce n'était pas lui. C'était Anastasia, là, en train de faire... Il ne savait trop quoi. Yeux doux, visage déposé contre un poing ennuyé avant qu'ils ne se réveillent en voyant Edzard approcher. Et lui, doigts venant immédiatement retrouver ceux de l'aimée, sourire charmeur collé sur le visage, baiser se déposant avec volupté sur la pommette de celle pour qui le cœur battait, se créait un chemin jusqu'à ses côtés. « Here you are... Hiding from the world, I see. » Qu'il se moque gentiment. Car ce genre d'événements, c'était plus sa source d'adrénaline que celle d'Anastasia. Mais elle l'accompagnait toujours. Et là, dans ses apparats de sorcière, Edzard ne souhaitait que glisser ses paumes brûlantes d'amour contre sa taille pour le garder contre lui (jalousement). Peut-être que la soirée était appropriée pour jouer les vampires possessifs de leurs proies. Peut-être décida-t-il de le glisser à l'oreille de sa douce en se penchant vers elle, sourire en coin dessiné sur le visage. « I could enjoy some quieter moments with you, darling. In character. » Et s'il ne comptait pas goûter la texture de la gorge d'Anastasia sous plusieurs paires d'yeux éberlués, il ne se gêna pas pour la prendre tout contre lui et la porter hors du salon avec un rire maniaque.

La faisant tourbillonner, atterrir sur le sol tout en maintenant sa frêle silhouette avec adresse pour ne pas qu'elle s'effondre sur ses talons après les pirouettes qu'il lui avait fait faire, Edzard s'approche, lui vole un doux baiser, bref, avant de s'éloigner juste assez pour se saisir de ses mains, glisser un regard amoureux dans le sien. Sourire avec toute la douceur du monde. « I hope you're not getting bored over there. You want to go home ? » Qu'il demande en replaçant une mèche de cheveux de la belle. Et le sourire qu'elle lui offre emballe la poitrine. Les mains reprennent possession de son propre corps, de ses poches. Les doigts heurtent les contours du bijou attendant son heure. Et le souffle se fait court en une seconde, le regard un peu enflammé alors qu'il observe les détails de la robe d'Ana. Il se dit, tiens donc, pourquoi pas? Parce qu'il n'a plus envie d'attendre pour lier leurs destins. « Actually, I wanted to... ask you something... » Ou peut-être pas. La boule remonte la gorge comme à chaque fois qu'il y songe. Et le peu d'alcool ingurgité n'aide pas à trouver le courage. Vite, il faut trouver une solution. Et le 'How are you always so pretty ?' qui manque de s'échapper de sa gorge ne sort pas. A la place, Anastasia le pétrifie de quelques mots.

Ca ne fait pas sens. Rien de ce qu'Ana susurre ne fait sens. Et dans sa tête, le bourdonnement ne provient plus de la musique de mauvais goût, plus des conversations extérieurs ni des râles des voisins au travers des murs. Non, tout provient du fond de sa tête et de tout ce qu'il ne cesse de vouloir supprimer de sa vie. Les émotions négatives reviennent. La peur, la peine et la colère en un coup. Et cette fois, Edzard ne sait pas lutter. Cette fois, il n'a rien pour se protéger. N'avait rien vu venir, et les yeux s'ouvrent tout rond parce qu'Ana le rejette pour la première fois de sa vie. Parce qu'elle ne veut pas l'épouser. Et pendant quelques secondes, il a envie de tout effacer d'un rire bête et d'un 'What are you talking about ? I was gonna ask if you liked me better with or without the teeth...'. Mais la bouche reste close trop longtemps. « You don't even know what I want... » Qu'il murmure dans son incrédulité. Et ça vibre comme de mauvais accords dans son corps. Ca lui donne envie de tourner la tête, se perdre dans le bruit environnant. Parce qu'une parole de plus d'Anastasia et il risque de s'effondrer. Parce qu'il fait face au sérieux et que ça ne lui va pas.
Parce qu'elle aurait dû répondre oui, et pas non.

Elle glisse le bout de ses doigts contre les siens, et Edzard s'y accroche comme à une bouée de sauvetage. Ses caresses ont le goût du dernier espoir. De quoi se raccrocher à la réalité. De quoi voir le positif des choses. Elle n'est pas partie, Ana. Elle est toujours là. Elle lui donne des surnoms d'amour et le regarde comme avant (ne l'avait-elle jamais aimé, alors ?). Il inspire lorsque les regards se confrontent. Et le souffle qu'il relâche est tremblant. Les sourcils se froncent, l'index trace la courbe de la paume de celle qu'il aime et les yeux dégringolent sur la robe de la femme. « Are you breaking up with me ? » Et la voix craque sur la fin. Les mains s'accrochent fermement à celles d'Anastasia comme pour la supplier de ne pas s'échapper. De l'aimer, encore un peu. De l'aimer pour toute la vie. Elle est son oxygène, sa fierté, son amour. Et il a l'impression de suffoquer à l'idée de la perdre. « Did I do something wrong ? » Ca râcle le fond de la gorge, comme si les mots eux-même cherchaient à s'enterrer. « Tell me what it is. » Résolution dans le creux de ses larmes qu'il ne laisse pas couler, il a l'impression de perdre tous les fondements de la vie qu'il s'était figuré. Et une vie sans Anastasia ne pouvait pas exister.

Et plus que de rêver à l’amour parfait et éternel, Edzard y croit. Il y croit parce que dans sa vie : il y a Anastasia. Et sans elle, cette conviction fait-elle seulement sens ? Ce n’est pas le bon moment, qu’elle dit. Et alors, il aurait aimé ne jamais avoir pensé à l’épouser. Ne jamais avoir dans cette poche la bague qu’il aurait souhaité glisser au doigt de son aimée. Peut-être qu’après trois ans, elle ne se sentait pas prête à lier leurs destins pour toujours. Et il ne lui en voulait pas. Pas du tout. Parce que pour elle, il était prêt à attendre une éternité. Pour elle, il ferait tout ce qu’elle souhaitait (dévotion intense de l’être naïf qu’il était - oh, il vendrait son âme aux immortels si elle le désirait (si elle l’aimerait pour toujours)). Mais Edzard ne se rend pas compte que c’est peut-être ça, qui la repousse. Que c’est cette passion dévorante (débordante) qui l’empêche d’avancer plus vers celui qui en ferait trop par amour. Car dans l’euphorie des sentiments et des fausses bêtises, Edzard se dessine aussi en inquiétudes, en peines qui fendent les poitrines et qu’il refuse lui-même de reconnaître. « I’d wait as long as you’d like. » Qu’il affirme, le fond des yeux brillants. Et le bord des lèvres s’ouvrent pour peut-être s’en lamenter. Mais au final, plus rien n’en sort. Parce qu’il ne sera pas celui qui, ce soir, ramènera Anastasia à elle. Parce qu’il n’a pas les mots justes (n’est pas doué avec les grands mots et les grands gestes, il n’est qu’un pauvre gars transit de sentiments qui se croyait avoir grandi). « Is this what scares you ? » Soupir du rejet des larmes. Car devant elle, il tient son menton droit. Et devant elle, il ne flanchera pas.

Quelqu’un le bouscule, titubant. Ca lui ramène les pieds sur terre, alors qu’il s’éloigne d’Ana, lâche ses bras, brise les liens qui les relient. C’est la fin. Il le sent et ne s’offusque même pas de la main qui glisse sur son épaule hasardeusement pour retrouver un équilibre précaire avant de disparaître. Il a suffit d’un intrus dans son horizon pour qu’au final, Edzard tente de se reprendre pour de vrai. Et c’est une sorte de colère douce qui le prend. L’incompréhension mêlée à la certitude vrombissent dans le fond de l’estomac et il fronce les sourcils pour se retenir de pleurer de frustration. « You’re the only right thing in my life. Except for my mom. And Anja. » Et peut-être exagérait-il, mais Anasatasia à ses côtés, sa main dans la sienne, tout ce qui le tracassait n’avait jamais fait aussi peu de sens. Car il puisait sa force de ceux qu’il aimait (et il l’aimait comme il n’aimait personne d’autre). Il inspire et ça hoquète dans le fond de la gorge. manque de s’étouffer sur ses mots. « I don’t understand. I don’t understand you and what you mean and why you’re scared but… We clearly don’t see this relationship with the same eye. If you’re everything to me and you can’t think of anything else but the possibilities of me, then I should listen to you and shouldn’t wait. » Mais il ment. Et il lui ment. Cherche des mots aussi blessants que ceux de celle qu’elle aime pour se raviver, pour peut-être la voir se réveiller. Ca ne fonctionne pas. « If you change your mind… » Il ne sait pas comment finir sa phrase. I’ll be there ? Elle lui a demandé de ne pas l’être. « I’ll go to Anja’s. I don’t have the energy tonight anymore. » Ses yeux la supplient de le retenir.