avant, tu passais tes heures le nez dans le métal, le papier, les écrans créant ou descellant des secrets technologiques. maintenant, c’est main dans la main avec Naomi. avant, tu pouvais penser à mille choses en une minute. maintenant, il ne semble y avoir qu’elle dans tes pensées. avant, tu ne reconnaissais aucun visage familier dans une foule, maintenant il te semble n'apercevoir qu’elle.
cela faisait quelques mois maintenant que vous sortiez ensemble mais tu t'attrapais souvent à avoir ce genre de pensée, ne croyant toujours pas que l’Amour t’avait touché, a été réciproque, t’as rempli d’une telle énergie, d’une telle joie, qu’en tant que personne à penchant pessimiste, tu n’aurais pu t’imaginer ressentir.
pourtant tu essayais d’être raisonnable, de ne pas abandonner tes passions, mais elle infiltrait toujours tes pensées d’une manière ou d’une autre — vraiment tu ne te serais jamais cru un.e tel.le romantique.

Naomi avait toujours quelque chose à te raconter, mille choses différentes, des monologues sans queue ni tête souvent, mais toi tu l’écoutais attentivement. aujourd’hui, c’était tout pareil, main dans la main, vous traversiez le camp pour qu’elle rejoigne son entraînement et elle te parlait de ces nouvelles techniques qu’elle voulait essayer. tu n’y comprenais pas grand-chose en combat, mais tu l’écoutais tout de même.
arrivé.e.s aux terrains d'entraînement, elle dépose un léger baiser sur tes lèvres, murmurant un “à plus tard” auquel tu souris avant de t’en aller vers des espaces plus verts. tu te trouves un coin tranquille dans le champs des fraises avant de sortir un petit carnet, l’ouvre d’abord sur une page avec plusieurs croquis, réfléchis, tourne le carnet dans un sens puis dans un autre, ajoute quelque chose au crayon, gomme ensuite, puis tu te décides enfin à tourner la page et recommencer sur une feuille blanche.
tu relèves la tête un instant, comme en quête d’inspiration, et vois une silhouette s’approcher de toi. tu la fixes intensément avant d’hausser les sourcils Reyn. tu constates ça va ? tu demandes en refermant ton carnet.

tu ne le réalisais pas ça, l’impact que pouvait avoir ta relation avec Naomi, enfin tu avais bien remarqué quelques regards attendris, envieux, jaloux mais tu n’y prêtais pas grande attention. puis tu faisais attention de ne pas parler d’elle à tes adelphes ou tes ami.e.s quand le sujet de la conversation ne le demandait pas, elle traînait parfois avec ton groupe d’ami.e.s que si iels étaient d’accord. en somme, tu avais pris les mesures nécessaires pour ne pas t’imposer aux autres, alors comment pouvais-tu imaginer que Reyn en souffre tout de même ?
comment pouvais-tu imaginer que la flamme qui réchauffe ton cœur, brûle celui de ton ami ?

comment pouvais-tu imaginer cela vu que Reyn ne t’évite pas, qu’il t’offre une fraise, qu’il te sourit ? oh merci. tu observes la couleur de la fraise un bref instant - leur rouge intense, même à cette période de l’année, ne cessait de t’étonner - avant de la manger. tu hoches simplement de la tête, mangeant la fraise, sans remarquer sur le fait qu’il n’a pas répondu à ta question. hm ? troublé.e par sa supposition pas du tout, je sais pas dessiner les humains… sans tristesse quelconque — te rappeler d’un visage était déjà une épreuve ardue, alors les reproduire de mémoire c’est la tablette que m’a donné ma mère pour pallier à mon trouble. tu reouvres ton carnet sur une page où sont crayonnés une tablette assez épaisse, quelques pièces électroniques et quelques mots. en dessous de ceux-ci est crayonné une sorte de maquette de l’intérieur d’une autre tablette, avec des pièces plus foncées que d’autres, mais aussi beaucoup plus brouillon car on peut apercevoir des traces de train plus anciens et de gommages. elle est assez vieille maintenant et elle ne fonctionne plus comme il faudrait, donc je veux changer certaines parties et la moderniser, mais en même temps je tiens au modèle original… je suis pas encore expert.e donc ça me pose un peu de soucis… tu soupires, un jour peut-être tu seras un.e vrai.e professionnel.le. je parle tant que ça de Naomi ? tu demandes subitement, un peu concerné.e — tu étais pourtant sûr.e d’être attentif.ve ! puisque tu as supposé que je la dessinais. c’est comme si la question de Reyn avait mit un temps à être traitée par ton cerveau et que tu n’y réagissais que après ton explication.

« génie » on l’avait soufflé de rare fois à ton égard mais tu te savais loin de mériter ou de correspondre ces éloges — tu étais juste passionné.e c’est tout. et avec la passion venaient la patience, la réflexion et le besoin presque de faire ces schémas, apprendre, comprendre. et si tu pouvais partager cette passion, cette connaissance, rien qu’un peu, avec Reyn cela te rendait heureux.se.

et même dans ces moments il te complimente tu penses ? merci… d’un ton un peu trop neutre, tu étais pourtant sincèrement touché.e oui, mais que sur internet. idéalement il faudrait que je vois où touche un modèle récent pour mieux le comprendre mais… il faudrait sortir de Nausikaa, s’aventurer dans ces rues énormes et inconnues de New York, commander sur internet au pire, toutes ces choses que tu ne te voyais pas vraiment faire. enfin je me débrouillerai avec ce que j’ai, merci pour ton conseil. avec un léger sourire ah et d’accord, merci… faut pas hésiter… je voudrais pas que ça devienne trop… tu pouvais être très passionné.e par des sujets et des gens, en parler à longueur de journée mais tu ne voulais pas non plus trop imposer et ruiner la relation que tu avais avec Reyn !

tu le laisses prendre ton crayon et ton carnet, étonné.e, curieux.se de ce qu’il voulait en faire, te penchant un peu plus vers lui pour mieux voir son dessin avant d’en rire il est ridicule, je l’adore..! tu commentes en riant encore tu peux le signer ? je veux pas oublier que c’est toi qui l’a fait… toi c’était ton cerveau qui était égoïste, te faisant vivre tous ces moments joyeux et te faisant parfois oublier avec qui ou à quoi ressemblait la personne, surtout dans tes souvenirs les plus lointains - quels étaient les traits de ta grand-mère ? et de tes tantes et oncles ? à quoi ressemblaient tes cousins maintenant ? laequel.le d’entre elleux t’avaient offert ce marque page que tu utilisais toujours ? - alors tu espérais que n’avoir rien que son nom sur ce croquis ridicule pourras dans vingt, trente, quarante ans t’empêcher d’oublier ce moment important. aussi si jamais tu deviens un peintre célèbre je pourrais me vanter de ces prémices d’un chef d’œuvre… tu le taquines gardant pourtant ton air neutre mais sinon quoi de nouveau de ton côté ? je t’ai pas trop vu ces derniers jours, je crois..? jamais sûr.e, tu oublies encore trop souvent.

tu reprends ton carnet, contemple le dessin et la signature avec un sourire avant de le refermer et le glisser avec le crayon dans ta poche. peut-être que Reyn l’a dessiné et signé sans trop y penser mais pour toi c’était un précieux souvenir que ce carnet renferme maintenant.

un léger rire t’échappe à nouveau quel honneur… tout le monde voudrait se vanter de connaître un peintre célèbre, mais tu savais bien que tout ça c’était pour rigoler, devinant que Reyn était loin d’avoir une envie de se pencher sur une carrière artistique. mais la mention de sa famille jette une sorte de froid à la conversation elle te manque ? ta famille. une pause après la colonie tu voudrais retourner dehors et rejoindre tes mères ? demandé sans accusation ou tristesse, vraiment par pure curiosité.

car toi ce genre de brève visite tu ne pouvais pas te les permettre, ta mère vivant à l’autre bout de l’océan. ta mère tu la voyais par appel vidéo, toujours très flou et assez court vu que la connexion de l’île ne permettait pas mieux, tu la voyais sur des photos qu’elle t’envoie, à travers les messages qu’elle t’envoie et vice versa. elle écrit et parle toujours en vietnamien et toi écrivant pareil mais avec des fautes à l’écrit et privilégiant de plus en plus l’anglais. et tu savais que quelque part cela l’attristait parce que ça te rendait triste aussi.

puis à ton âge, tu avais ces envies de liberté, de sortir de cette île pour découvrir le monde dehors, découvrir New York que tu avais aperçue à travers la fenêtre du métro quand il avait parcouru un bref trajet aérien. mais cela on ne vous le permettait pas, par prudence, par peur.

c’est vrai… on peut même pas aller en ville pour voir autre chose… tu soupires au moins on a de beaux paysages, puis la plage est jolie en vrai. tu penses sincèrement que Nausikaa n’avait pas une vue sur l’océan ou n’avait pas de plage, tu aurais pété les plombs. après l'entraînement ça peut toujours être utile… bien que… tu marques une pause bien que je pense ça serait bien de faire des cours de premiers soins tout ça, parce qu’on a pas toustes un pouvoir de vitakinésie ou quelque chose de similaire… quelque peu frustré, comme quoi chacun ses batailles, certains fuient les autres, d’autres s’inquiètent pour elleux.

il n’est jamais facile quand on appartient à deux mondes si différents malgré soi. dehors tout le monde était « normal », sans pouvoir ou odeur particulière, mais vous, car votre sang en avait décidé ainsi, vous portiez une odeur qui vous tuera et des pouvoirs qui vous protégeront - peut-être - donc dedans était votre monde.
une cage en or.

hm ? pourquoi pas- étouffé dans la réponse de Reyn. en effet, tu avais pris un peu de temps à répondre à sa question car elle t’avait prise de court. depuis que tu étais arrivé.e à Nausikaa, depuis que tu avais rencontré tes adelphes, fait des ami.e.s, trouvé l’amour; depuis tu ne pouvais plus imaginer ta vie sans elleux. même si tout cela était encore hypothétique.

ces hypothétiques laissés en suspens, tu continues naturellement la conversation. oui on devrait. essayer au moins. sinon tu allais regretter d’avoir garder cette idée pour toi c’est vrai que ça serait sympa qu’on fasse ça ensemble… mais... ça serait égoïste de notre part de garder ça pour nous, non ? et tu ne savais pas être égoïste, tu ne savais pas - encore - garder une personne pour toi, rien que pour toi, la jalouser auprès d’autres, surtout de garder ça de celleux qui veulent être traqueurs… mais même en général c’est très utile comme compétence… la vie est quelque chose qu’il faut chérir, la sienne et celle des autres.

tu te redresses, regarde le ciel, et après un moment de silence tu dis finalement, et bien sur. les amours et les amitiés sont deux choses différentes, et pour cause, tu es mon ami le plus proche après tout… donc bien sur que tu me manqueras si tu pars… surtout que si trop de temps passé sans se voir, son visage s’effacera de ta mémoire et il te manquera encore plus — Reyn ne voulait pas la réponse mais toi, tu voulais qu’il sache. puis tu fixes ton regard dans le sien, mais c’est ta vie. si tu veux partir - pars, sinon - reste.

être si important.e pour quelqu’un c’était agréable. tu savais l’être pour deux personnes au moins - ta mère, ta copine - mais le découvrir à nouveau était toujours agréable, bien que toujours aussi dur à croire. c’est pour ça qu’au lieu de sourire comme il le fait tu demandes je suis si important.e que ça pour toi ? presque étonné.e qu’il te considère toi, tes sentiments, si important dans ses choix futurs ça me rendrait triste si tu ruinais ta vie pour moi. tu ne voulais pas ajouter un autre regret dans ta liste si longue pour un.e jeune de 17 ans. après “plus tard” c’est dans longtemps, on peut se permettre de pas encore trop y penser je pense… mais en réalité le temps était cruel, passant toujours trop vite, prenant toujours trop.

il s’allonge et tu te tournes vers lui, une main par terre, te soutenant sur elle. tu essayes de bouger un peu pour cacher Reyn du soleil mais sans succès, n’était pas correctement positionné pour. il te cache alors une partie de son visage. sa bouche semble détachée du reste, te donnant une sensation d’étrangeté, devenant soudainement une sorte d’oracle, porteuse de vérité. oui, ça me semble un bon compromis. bien que tu pensais recruter quelques médecins ou infirmières de la grande maison de Dionysos à votre cause. histoire de confirmer que vous n'apprenez pas de bêtises vous-même ni aux autres. je me renseignes et je te tiens au courant.

mais la question te prends de court traqueur ? tu répètes étonné.e avant de marquer une longue pause, réfléchissant à ce choix de métier, à Reyn en traqueur, défendre tes pairs, te battre avec des monstres, tout ça t’amènerais hors de l’île donc ça va à l’encontre de ce que t’as dit plus tôt. factuel.le mais je pense t’as les capacités physique et la force mentale pour le faire... puis tes pouvoirs pourraient être utiles dans cette voie… tu voulais poser ton regard dans le sien, mais caché par son bras, tu regardes son bras c’est pour ça que tu t’entraînes autant ? cela ferait sens après tout.

tu hoches lentement la tête, ne sachant pas quoi dire ou faire de mieux en entendant des mots pareils — le remercier ? le prendre dans les bras ? lui sourire ? tu ne sais pas. mais cela ne veut pas dire que ses mots ne te touchent pas, au contraire ! tu étais heureux.se.

il découvre son visage, alors ton regard vient naturellement se placer dans le sien. rien que le fait d’y penser la rend heureuse je pense. un parent doit aimer sans condition, et pour les dieux ça doit être pareil, n’est ce pas ? savoir son enfant en vie était déjà assez, pas besoin de se forcer à jouer les héros. n’est ce pas ? mais tant que tu ne te tues pas à la tâche, c’est assez... dommage que tu oublieras ces mots, ne les appliquera pas.
mais on verra, on verra.

pour l’instant vous pouvez profiter du soleil sans soucis, tu lui rends son sourire. oui ça serait bien, plus vite on commence, plus vite on peut proposer notre idée. tu te relèves, t’étire un peu, avant de tendre la main à Reyn — être là l’un pour l’autre, se tendre la main, s’entraider sans jugement, voilà quel genre de relation tu voulais avoir avec Reyn. quel genre de société tu voulais construire au camp, à Nausikaa même.