La fête n’est jamais finie. Elle est pour toi un éternel recommencement. Il est souvent évoqué, à travers et à tort, que tes frivolités sont la conséquence des bénédictions octroyées par ta mère. Comme tes adelphes, le temps n’a pas d’emprise sur toi ; il s’écoule sans que tu ne ressentes le poids des années alourdir ton corps et ton esprit.

Protégée de ses néfastes effets, on pense alors qu’être affranchie de lui motive tes pulsions et tes excès. Libre de la crainte de vieillir est un facteur déterminant, oui ; mais pas une excuse, encore moins une raison.

Toi qui n’a connu que l’opulence depuis ta tendre enfance, toi qui as toujours été protégée, aimée, dorlotée, peine et souffrance ne sont pour toi que mirages. Des maux qui rongent les autres et que tu regardes de loin. Tes iris scrutent, observent les expressions et les mimiques pour inspirer les tiennes. Tu es une actrice après tout… tu te gausses de tout savoir jouer comme si tu connaissais par cœur les vicissitudes de la vie.

Même avec tout le temps du monde… tu n’en consacres que si peu à tes semblables, obnubilée par ta propre existence. Tu aimes les flatteries qui te font facilement rougir, gonflant ton égo qui finira par ne plus trouver sa place sur cette île, au rythme où l’on va.

Les conversations ne durent pas longtemps si elles ne sont pas ramenées à toi, les problèmes deviennent superflus lorsque tu n’es pas concernée… si les étoiles ne gravitent pas autour de toi, c’est comme si elles n’existent pas.

Tu es parfois si légère, que tu en deviens aussi impalpable qu’une fumée. Peu importe son opacité, même si elle envahit, elle étouffe et aveugle… elle est insaisissable. On en vient à se demander si tu n’es pas qu’un concept abstrait ; une étoile filante qui a entamé une course qu’elle ne finira jamais. Une comète trop rapide pour être attrapée, mais pas assez pour être ignorée.

Car il est clair que tu ne passes pas inaperçue ; ce n’est pas ton attention. Tu veux que l’on sache que tu es là, tu veux être observée, accaparer l’attention comme si tu étais sans cesse sur scène, comme si tu n’avais jamais quitté le rôle que tu interprètes.

Frivole et volage comme personne ; bien chanceux sont ceux qui comprennent ta nature. Tant de ceux qui ont essayé se sont découragés. Car après tout, ils n’ont pas ce temps qui est le tien. Annarietta, tu as fait ce choix de ne pas t’attacher, car frustrée de laisser l’éphémère prendre le dessus sur toi. Malheureusement il est inéluctable pour tant de tes semblables que tu n’as même plus la patience de discerner qui ne tombera pas victime de lui.

C’est un phénomène étrange, mais tu es détestable sans être détestée. Magnétique comme le pôle d’un aimant dont tu es l’opposé, ceux qui s’approchent de trop près finissent inévitablement par s’éloigner. Si l’on trouve le courage de gratter sous cette surface de superficialité, on trouve alors une femme qui aime autant qu’elle a besoin d’être aimée.

La lueur de cette étoile filante ne s’éteint jamais. Elle vacille, elle s’enfuit, elle se cache parfois. Mais elle ne s’éteint jamais. Si elle le voulait, elle pourrait éclairer les ténèbres qui menacent les siens. Elle pourrait repousser les ombres, s’illuminer comme d’autres ne le pourraient jamais.

Si elle le voulait, oui.
Mais tu le ne veux pas, Annarietta.
Convaincue qu’à la fin, il ne restera que toi.
Alors, pourquoi s’en donner la peine ?