Naissance Duke est né Hydre, créature immortelle et antique, de l’union monstrueuse d’Echidna et de Typhon dans les entrailles de la Terre Sacrée. Lui, qui cherchait désespérément la lumière du soleil, s’est contenté de gloutonner des toiles d’obscurité. La déesse Héra, jalouse des conquêtes de son mari et d’un héros en étant né, emmena l’Hydre dans les marais de Lerne, en Argolide, pour l’y élever.

Premier siècle de vie l’Hydre a conquis son territoire. Duke est l’Hydre mais n’existe pas encore comme Duke. Il se contente de chasser dans les champs et de faire peur aux habitants, dévorant leurs carcasses suintantes que ses grandes pattes avaient déjà piétinées. Il engloutit le bétail, crache des pluies d’acides pour saboter leurs récoltes, puis retourne dans le marais de Lerne pour y méditer. L’Hydre attend un héros qui saurait le défier, lui donner un sens - car cette vie maussade n’en a aucune. A quoi bon cultiver la haine quand il n’y a personne à haïr.

Deuxième siècle L’Hydre attend, dévore, conquiert, ravage. L’Hydre attend mais personne ne vient et Héra alimente dans son esprit, déjà à l’époque dominé par la soif de péripéties, une promesse à espérer : Hercule viendrait le délivrer de son inexorable ennui.

Et enfin,
il se montra. Hercule, le grand, le fort, le vaillant fils de Zeus - Héra comptait sur l’Hydre pour le voir échouer. Il ne devait pas revenir vivant de ces marais.

« Il y a des récits, vois-tu, où l’on me confond avec une forteresse. Lerne serait un roi et Héraclès vainquit une armée. Je ris, mais je ris de leur bêtise… Les mortels ont peur des mythes, alors pour s’en protéger ils inventent des histoires et se murent derrière des explications invraisemblables. Moi je connais la vérité, j’y étais. Héraclès, sois maudit ! Ah, soyez maudits, toi et tous ceux de ton espèce gangrénée ! Tu m’as peut-être tué… mais tu ne m’as pas délivré. Je reviendrai.

Nous revenons toujours. »

Hercule avait gagné, dès lors qu’il immola l’Hydre sous les conseils avisés d’Athéna.
Duke est mort avant même d’être né.

Quinzième siècle L’Hydre a disparu dans les profondeurs du marais, devenue légende et mythe que les mortels remettent en question.

Dix-neuvième siècle L’Hydre se réveille et quitte enfin la région de Lerne (ou ce qu’il en reste) pour plonger dans le fin fond du Tartare et y retrouver sa mère, Echidna. Dès lors, il apprend qu’elle a enfanté de nombreuses autres créatures - qu’il n’a croisé que dans des rêves sans images à se terrer dans la vase - et que l’Histoire conte trois fils à Héraclès. Trois fils qui ont vécu lorsqu’il n’existait plus ; trois fils né d’une union entre son pire ennemi et le monstre l’ayant engendré. L’Hydre est en colère, tente de dévorer sa propre mère, en vain.

Années 1900 l’Olympe s’est déplacé aux Etats-Unis. L’Hydre s’est réincarné d’un long sommeil, erre derrière un nuage de brume sous une identité qu’il n’est pas sûr d’adopter comme la sienne. A force de se mélanger aux humains, il en joue, se comporte comme tel. Les guerres l'amusent et les demi-dieux à l’odeur si significative pullulent. L’Hydre est ravie. Il piège les héros déchus dans les tranchés qu’ils ont eux-mêmes creusé et provoque maintes batailles que les mortels associeront à leurs propres vices. L’Hydre n’existe plus. Alors Duke est enfin né.

Années 2000 Duke guette depuis Montauk le passage des petits mini-dieux qui tentent de rejoindre leur paradis artificiel. Il maudit Nausikaa et cette brume malicieuse qui l’empêche de passer. S’il ne peut pas rentrer, alors il se servira lui-même sur le chemin. C’est d’ailleurs lors d’une incartade surprise qu’il tombe sur un fils de Dionysos qui usera de son pouvoir de folie sur lui, si bien qu’il détraque l’Hydre sans le vouloir. Depuis ce jour, Duke cherche à ressentir de nouveau ce qu’il a vécu à ce moment-là : une euphorie libératrice qui lui fit oublier son pire cauchemar l’espace d’une minute, salvatrice ; la crainte de la faim.