Ces dernières lectures étaient particulièrement prenantes. Ellair attendait la fin de la journée, se retenait de glisser sa main à l'intérieur de sa veste pour en sortir son livre de poche. C'est long, une journée, quand une dizaine de chapitres l'attendent sagement.
Mais aujourd'hui, c'est une belle journée.

Ce n'est pas le genre de bouquin qu'il aurait prit.
Non, Ellair les a trouvé... Par terre. Enfin, sur une personne endormie, parmi les fraisiers. Naturellement, il s'en est approché sans prendre le soin d'être silencieux.
Cela ne l'a pas réveillé, de toute façon. Quand le temps est bon comme aujourd'hui, les siestes sont douces, et ici, paisibles.
La couverture du livre l'avait intrigué.
Un roman inconnu.
Et ce roman, il l'a prit de ses mains, et le protecteur des olympiens est parti avec. Tout simplement.
Le pire, c'est que c'est sûrement la troisième fois. Et que c'est l'unique raison pour laquelle Ellair revient dans ces plaines !
Cet individu a bon goût, c'est de sa faute.

Mais  cette fois, le bon temps l'invite à s'allonger lui aussi dans l'herbe et à lire, fraisier à portée quand l'envie d'un fruit lui prend.

Les chapitres s'envolent.
Et une ombre le gêne.
Ellair bouge le livre, et offre à l'inconnu son éternel regard noir.
Oh.
Le propriétaire du livre, non ?
Ben tant pis pour lui.
Ellair retourne à sa lecture.

Tant pis si l'endormi se permet dans son sommeil de s'approcher de lui. La fiction le happe, et cette proximité n'est qu'un problème pour futur Ellair.

Ce dernier est obligé de mettre un terme à sa lecture, quand l'endormi.e s'exprime. Ses yeux restent fixés aux mots de la page, prétendant autrement.
Non, aujourd'hui Ellair est resté.

-Hmpf.

Ce qui veut dire : "je le regrette déjà".
Car sa source principale de livre est un moulin à parole. Alors qu'il débite, ses doigts se crispent sur la couverture du bouquin plus la tangente continue.
Et Ellair cède.
Dans une grimace, il grogne;

- Tu m'empêches de lire.

Quel culot quand même.
Les mots imprimés sur les pages, eux, l'intéressent. Pas ceux qu'il baragouine avec des yeux peinant à rester ouverts !

- Je suis en congé...

Grogné plus bas, définitivement mécontent de cette situation. S'il le pouvait, il serait à l'arène à se battre. Aux côtés de Cecil, à veiller au grain. Même un ambassadeur, même Malice ! Tout pour ne pas subir le temps  libre.
Puis, finalement, ses yeux se posent sur Cassiopée, sourcils froncés, le jugeant de haut en bas. Puis, un geste de tête bref, levant le menton dans a direction.

- Tu devrais travailler.

Un silence, où Ellair estime le degré d'apprivoisement, puis, un grognement comme introduction à une réponse qui se fait attendre, pénible pour le chien des Olympiens à prononcer.

- Tu essayais de m'amadouer ?

Peut-être.
Amadoué, au prix de plusieurs livres volés et jamais rendus. Ils s'entassent sur sa table de chevet, apaisent de leur prose le monstre insatiable de violence le temps de l'endormir.
Tourne la page, puis ajoute dans un soupir :

- C'est une perte de temps...

Amadoué, sûrement.
Il ne resterait pas là sinon. Mais Ellair n'y voit pas ce que Cassiopée y gagne dans cette histoire.
Puis, le livre s'écarte un peu de son visage. Tout juste dégagé pour poser ses yeux sur Cassiopée, sourcils légèrement froncés.

- ... Ah.

Cela expliquait pourquoi ses lectures se faisaient rare : ce n'est plus qu'un ancien ambassadeur, alors ses livres sont partis avec lui. Impossible de les lui voler ainsi.
La voix qui tremble ne passe pas inaperçu, mais  elle est accueillie par son éternel visage indifférent, et son silence. Pour l'instant, Ellair n'en fait rien.
Cassiopée, de toute façon, a d'autre projets : relancer le sujet et le prendre pour un oreiller.
Un attitude inhabituelle face à laquelle le protecteur ne sait pas comment réagir.

- Hm...

Cassiopée avait l'air confortablement endormi. L'idée de lui aussi s'allonger dans l'herbe, alors qu'il fait si beau, avec son livre qu'il ne pouvait attendre de lire... Impossible d'y résister bien longtemps.
Et puis, s'il avait faim, il suffisait de tendre le bras et se servir.
Vraiment, pleins de raisons lui traversent l'esprit. Cet endroit est juste magnifique, mais l'ancien Sparte se réfugie derrière son livre et ne dira que trois mots maximum.

- Pour les fraises.

Ellair ne lui donnera pas raison, car cela lui ferait trop plaisir. S'iel le sait -et Cassipoée le sait, à en voir son sourire-, tant mieux pour lui.
Alors il fait mine de se concentrer d'avantage sur le livre.
Mais au sourire, ses yeux viennent l'observer, du coin de l'oeil. Quelque chose leur donne cette impression de ne pas être commun. Et le chien des Olympiens se retrouve toujours perplexe -aux sourcils froncés, élément notable partagé par beaucoup de ses expression- de s'en retrouver ainsi témoin. Parfois même, la raison de tels sourires.
Le molosse soupire, laissant tomber le bouquin contre son torse.

- Quoi ?

Se moquait il de lui, derrière cette douceur ? Ce serait cruel, surtout quand ils arrivent à détourner son attention de la prose.

- Hm...

Si Cassiopée n'est plus ambassadeur, que lire ?
Mais il n'est pas introuvable  non plus. Si c'est pour se divertir, lire avant de dormir, un crochet vers Cassiopée ne devrait pas être de trop. Après tout, Ellair a confiance en ses gouts littéraires.

- Evite les livres trop grands, je dois pouvoir les emporter facilement.

De quoi rentrer dans ses poches.
Comment pouvait il poursuivre ses ennemis s'il avait une brique de lecture sous le bras ?
Puis, comme s'il se réveillait en douceur, Ellair prend une grande inspiration. Ses yeux se détache du sourire de Cassiopée, son bras s'étire, va chercher des fraises du bout des doigts.

- Tu vas prendre quoi, cette fois ?

Ellair se fige au contact.
Ses yeux se plissent et toise Cassiopée du regard, fusille de ses yeux l'audace de venir ainsi le toucher. Mais l'ancien ambassadeur sera juste surveillé en silence. Et quand cette main retourne à son propriétaire, le molosse attend encore quelques secondes avant de pouvoir le lâcher du regard et retourner cueillir des fraises.

- Thriller.

Ellair lui volera les deux de toute façon. Il grimacera en lisant ses livres si cela ne lui plait pas. D'ailleurs, ses traits commencent déjà à le faire rien qu'à l'idée de devoir lui rendre les livres.

- On verra, si j'ai le temps.

Ce temps, il ne l'aura jamais.
C'est sa bibliothèque qui se remplira.
Ses livres reposeront dans ses armoires à jamais, une fois Nausikaa trahie, laissant un gout amer à chaque relecture.
Peut-être même que c'est les mains teintées de carmin -le sien- qu'il viendra tourner les pages avec mélancolie.

D'ici là, ils écrivent le tragique de cette fin hypothétique.
Mangeant ses fraises, posées à ses côtés, Ellair relève son bouquin, survole les lignes pour retrouver le fil de son histoire tandis que Cassiopée prend des aises à lui donner des ordres.

- Hm...

Un regard pour Cassiopée par dessus le livre, las de fournir des efforts; comme si ces livres lui sont dû.
Pourtant, il y réfléchit, alors que ses yeux se posent à nouveaux sur sa lecture.

- J'apporterai du café.

Cela sonne comme une décision finale.