Elle trouve cela injuste. Cette facilité pour disparaître, à s'évaporer - il y a quelques mois encore, peut-être même moins, Cassiopée faisait partie du quotidien. Iel était là, au détour d'un couloir, au début et fin de journée. C'était facile. Maintenant les discussions tiennent en quelques mots, les promesses s'évaporent et n'aboutissent à rien. La frustration qu'elle contenait pour le bien d'eux deux grandit et envahit les bons sentiments à son égard. Sa fierté lui a dit d'attendre, qu'il reviendra - et elle a attendu que cela redevienne comme avant. Elle est nostalgique déjà, des discussions douces, de la confiance mise dans cette facilité intellectuelle, cette connivence simplette dont elle a besoin aussi. Encore plus quand il se permet de s'en aller et de lui échapper, ainsi.

Elle laisse derrière elle, dans la bibliothèque, l'écho de ses pas claquants et pressés. Personne ne l'a arrêtée, tout le monde lui a indiqué le chemin : elle use volontiers de sa réputation, de son rôle, pour arpenter dans des lieux comme ceux-ci. Elle est descendue au sous-sol, a trouvé la porte des archives qu'elle a poussé, malgré l'interdiction indiquée pour les gens qui ne sont pas du personnel. Cassiopée ? Sa voix s'élève, elle lae cherche à travers les rangées, Tu es là ? Elle essaie tant bien que mal de cacher son agressivité rude, la contrariété qui a trop grandi. Elle a avancé encore, et elle le voit enfin - et en s'approchant d'ellui - On ne se voit plus. Je suis obligée de venir te chercher ici, tu te rends compte ?J'ai besoin de toi plus que jamais depuis que les portes sont ouvertes. Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Elle reste à distance à quelques mètres, les bras croisés sur sa blouse froncée, les sourcils froncés. Elle l'a coincé dans une impasse, enfin.

C'est sûrement là que réside sa plus grande faiblesse humaine : Dionne a dû mal à avoir de la pitié, en lae voyant si vulnérable. Elle ne sait pas s'adoucir en discernant ce trouble et cette difficulté à l'affronter. Elle devine la lâcheté, pour la nomme pleinement, qui lui est difficilement supportable ; de manière égocentrique, elle ne peut comprendre l'hésitation de prendre une main tendue par peur alors qu'il y a une promesse de ne jamais être seul.

Elle garde ses bras croisés, le jauge du regard, Tu te moques de moi ? C'est cruel cette déception qu'elle ne s'empêche pas de lui étaler, lui montrer ; il faut qu'iel la conscientise, pour se réveiller. Je t'adore Cassiopée, mais comment veux-tu prétendre à ton rang d'ambassadeurice si ton réflexe à la peur est de te cacher ? Elle l'enfonce, continue maintenant qu'elle l'a face à lui ; en temps normal, elle aurait pu se montrer plus mesurée, moins crue. Mais cela fait trop longtemps qu'elle l'attend. Est-ce que tu penses que c'est digne de tes adelphes et de ta mère ? Réveille-toi, je t'attendais - j'espérais que tu reviennes vers moi. Je déteste quand tu joues au lâche. Elle souffle enfin, le visage tendu par la contrariété, immobile, sur ses appuis.

Tu te trompes, toi. Sur tout et surtout sur ellui-même. Elle ne se laisse pas abattre par ce regard qui pourrait la tuer sur place, et qui s'adoucit un instant après ; elle est inflexible, ne se laisse pas intimider. Sans y réfléchir, elle se rapproche d'un pas de lui et l'incendie à son tour - Je suis ton travail, Cassiopée. Nous sommes collègues. Sois mieux que ta mère, alors, sois mieux que les dieux par ce qu'il te reste d'humain. Pour tes adelphes, donc. N'ose pas m'écarter d'une opinion que j'ai le droit de te donner. Contrariante, elle l'a toujours été.

Mais elle est touchée plus personnellement quand elle est écartée par le coeur - Comment ça, cette discussion ? Iel pointe bien que le problème relève d'une discussion personnelle, d'une contrariété relationnelle entre eux - De quoi est-ce que tu parles ? Tu t'es fait attaquer par un monstre ? Comment étais-je censée le deviner, Cassiopée ? Et elle lui demande, bien que cela lui coûte - se rapproche, proche jusqu'à lui - chasse de sa main celle de son ami qui dissimule ses traits, entoure sa joue de ses doigts pour examiner ce faciès jeune qui a perdu de sa tendresse. Que s'est-il passé ?