You could be a better

boyfriend than them

ft. libellule

elle redouble d’efforts et assène des coups brefs et puissants. depuis ses plus anciens souvenirs juvéniles, elle se revoit le front luisant de sueur avec des mèches de cheveux collées à celui-ci et la tête pleine de mépris à son égard. elle fait l’analogie de la situation et décrète qu’aujourd’hui rien n’a changé, si ce n’est qu’elle a les bras plus musclés et que ses cuisses lui permettent de couvrir de plus grandes lignées en un temps plus court. elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle fait tâche face aux autres. alors elle masque ces pensées intrusives en les tranchant d’un coup d’épée impétueux. mais en dehors de cette bataille intérieure, le combat n’est pas laid. bien au contraire. sans lui, comment justifier ces cicatrices pourtant si laides aux yeux de ceux qui arborent un chemin de vie dénué de cette abondance sanguine?

concentrée sur son objectif journalier rendant Susano imperturbable, elle ne remarque pas tout de suite que Libellule s’est rendue sur ce lieu si antinomique à son apparence. tout effort mit de côté pour aujourd’hui, la sueur perlant sur ses joues reflétant le rai des torches, Susano s’approche de la fille d’Héphaïstos. à l’entente de sa voix, il lui faut une seconde ou deux avant de comprendre que ce surnom lui est adressé. Suz? son sourcil gauche se hausse. que me vaut ce surnom? —absurde. elle ne le dit pas mais elle n’en pense pas moins. sa question est rhétorique. bien que peu habituée à tant de familiarité, elle ne s’attend pas à une réponse.

elle ne râle pas lorsque Libellule, éhontée, brise la distance entre elles pour joindre sa joue coquette à la joue collante de Susano. elle se contente de la repousser d’un geste bref mais pas brutal, mécanique mais pas instantané non plus. Susano ne prend pas sur toutes les paroles que Libellule profère, elle se contente de la guider presque à l’aveugle, hochant la tête pour signifier je t'écoute, marchant sans trop savoir où se rendre, sans se poser la moindre question. eh bien… l'entraînement est terminé. pour elle, cela répond à toutes les questions venant d’être posées. l'entraînement est terminé, alors oui j’ai du temps pour toi. l'entraînement est terminé, alors non tu ne me déranges pas. l'entraînement est terminé, évidemment que je n’ai rien prévu d’autre. elle est une femme de peu de mots pour en exprimer tant, qu’elle laissera la plus petite deviner. et elle continue de la guider à l’opposé des autres spartes qu’elle ignore désormais. c’est gentil d’avoir fait le déplacement. tu n’étais pas obligée. elle pourrait lui faire preuve d’une plus grande loquacité, mais elle se contente de la remercier à sa manière sans la déranger avec des paroles obséquieuses. elle se doute que si quelque chose se trame dans les envies de Libellule, elle le lui fera savoir sans qu’elle n’ait besoin de lui arracher les mots de la bouche.

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tw: mention d'aiguille

subir les paroles de Libellule et ses gestes trop familiers? non. subir n’est pas le mot. pour subir un acte, il faut aimer ou détester. si j’aime j’accepte de subir, si je déteste c’est un supplice. Susano ne ressent ni l’un ni l’autre envers Libellule. elle se contente de lui tendre une oreille cordiale. après tout, elle n’en a pas vraiment le choix. n’ayant pas fait le geste de se déplacer, refusant catégoriquement de quitter l’île car voyez-vous, en dehors elle n’y voit aucun objectif. si Libellule peut se déplacer, Susano peut écouter. c’est ce qu’il se passe à chaque rencontre entre les deux.

Susano reste passive à la deuxième entente de ce surnom abject, se plaindre n’y changera rien. elle se contente de jeter un regard sur la dramatique Libellule. si Dana te quitte, alors c’est la vie. le ton est monocorde. impossible d’y trouver une once d’empathie mais pas pour autant un grain de méchanceté. Susano parle ainsi et il n’est pas donné à tout le monde de deviner la nature de sa parole. si Libellule s’attendait à recevoir un conseil — pire encore — si elle s’attendait à ce qu’on lui accorde une réponse penchant de son côté, histoire de la rassurer, de la brosser dans le sens du poil, elle a mal choisi son interlocuteur.

Susano s’abaisse légèrement à la hauteur de la plus bavarde lorsque cette dernière murmure presque comme on le fait lorsque l’on dévoile un secret. le mot mère la percute, la réaction de Susano trahit son esprit chamboulé. elle se redresse. comment définir une horrible mère? une horrible personne c’est quelqu’un qui ne rentre pas dans l’idée que l’on se fait de quelqu’un de bien. c’est pour résumer, presque impossible à définir, les limites de bien et de mal étant différentes pour chaque individu. sans la présence de bonnes personnes, les mauvaises personnes n’existent pas non plus, car il n’y a pas d’ombre sans lumière. je ne suis personne pour te dire si oui ou non tu es horrible. si tu le penses, tu as sans doute raison... Susano ne mâche pas ses mots. elle les prononce comme on enfonce une aiguille dans la peau d’un enfant stressé. on compte jusqu’à trois mais on la plante à deux. définir une mauvaise mère, c'est encore bien différent. Susano se permet alors une question, c’est quoi une horrible mère pour toi? car qui de mieux placé pour savoir cela qu’une principale concernée…

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