Il est bien connu qu’après le déluge, on s’égare souvent ; et pour cause ! Le vent et la marée ont mis à l’envers le paysage, arraché des arbres centenaires, refaçonné les montagnes, tant et si bien que le monde paraît tout à fait nouveau.
On en vient parfois à se sentir étranger dans sa propre maison, les pieds habitués aux anciens chemins se cognent dans un mur qui ne se trouvait pas là hier.
Malik, ces temps-ci, se sent étranger dans sa propre vie.
Danser à l’amphithéâtre depuis son changement de propriétaire ressemble à un tout autre métier. Il n’aborde plus ses adelphes qu’avec une réserve timide et chagrinée. Même les maux d’amour n'arrivent pas à le distraire.
Alors, il s’efforce de s’accrocher à ce qu’il reconnaît encore, de revenir aux quelques habitudes que personne n’a chamboulées et c’est tout naturellement que ses pas le mènent devant l’appartement d’Eugène, comme toutes les semaines depuis 6 mois.
Il est à l’heure aujourd’hui, plus que d’habitude, et prend la peine de frapper à la porte avant de s’autoriser à entrer.
Comment avait-il vécu les évènements récents, lui ? Avant l’accident, Eugène se serait certainement mêlé aux combats, comme on l’attendait d’un enfant des Grands. Mais aujourd’hui, il avait vécu les choses de loin. Comme lui.
“Coucou !” le salue-t-il vivement, par voie télépathique, comme à chaque fois. Parler avec Eugène requiert toujours plus d’efforts que d’ordinaire mais il le fait encore de bon cœur.
“Comment tu te sens aujourd’hui ? J’ai acheté des falafels sur le chemin, ça te dit ? Fais-moi de la place, j’ai troooop besoin de m’asseoir, là…”