il lui a proposé de cuisiner chez elle pour l’occasion du temps qui s'éternise entre leurs prises de parole. c’est usuel alors de se dire pourquoi pas - ça fait longtemps, quand on n’a plus le goût ou l’odeur de la famille. on promet de se revoir pour finalement mieux se laisser, pas un mot, pas une pensée entre les faits. on s'effleure dans les brèves sollicitations - se revoir c’est la piqûre de rappel dans tout ce qu’on aime et on déteste chez elle, réveille les plaies qui n’étaient pour autant pas de surface malgré les échanges feutrés.

rhys s’était installé dans une des chambres d’ami, pour quelques jours - c’était seulement pour ne pas voir aubépine après le procès. c’est plus facile de justifier auprès de qui on ne tient pas vraiment d’être un poids pendant une période dite difficile parce qu’on ne se doit rien. si heidi l’a accueilli c’était pour elle aussi - il la voit combler, l’incapacité traduite de son coeur devant les excès, transparaissait tout du long du procès. oh et, aussi le violet.

elle avait disparu après tout. y’a à dire des absences, la sienne n’a jamais été plus articulée que des vents sur la conversation de famille quant aux réunions mensuelles. elle, était revenue avec l’air désolé qui lui était complètement aliénant. se rattraper de quoi, de pas avoir été là ? pourquoi s’excuser d’un truc qu’il ne connaît pas ?  

heidi a des airs - avec sa fatigue qui tire ses muscles et les rides du sourire - des mamans comme on l’entend communément. ses soupirs sont en discrétion comme ses plaintes, qu’il n’entend pas. il en voit beaucoup des parents, et aussi des enseignants - des comme elle, des pas si différents. sa présence peint de la chaleur des blancs cassés, des étincelles doucereuses (la joie resplendissante) d’un tout de gentillesse maniéré - les repas à plusieurs lui vont bien au teint, comme les rires aux moments adéquats, jamais trop forts. il pense qu’il y a à la juxtaposition de sa disposition quelque chose d’hypocrite. c’est souvent pour les autres la tendresse et ce tout plein de cœur, tout ce bonheur - elle déborde à se plier dans des façons pas forcément pertinentes. il la trouve transparente dans le mauvais sens du terme, et pourtant, elle suffit à hestia. la déesse s’est montrée à elle malgré ses torts et toutes ses insuffisances. et rhys ne sera jamais comme elle.

lloyd lève le couvercle qui couvrait la soupe, son bouillon et ses légumes. des navets, des pommes de terre, des herbes et la viande de bœuf - qu’il prend à la louche pour lui servir. le plat est certainement fade, plein de gras dans les bulles  qu'il n'a pas récupéré dans des pots - mais il s’excusera sans le dire, aux airs qu’il ne cuisine pas, que c'est de lui au delà et peut être ça lui plaira qu’il fasse l’effort, qu’elle ne se retrouve pas à aller distribuer ce qu’elle faisait aux autres. rhys la voulait à lui sur le temps qu’ils avaient. t’as été voir hestia cette semaine? il ne sait pas si l’adelphie continue de se voir depuis l’arrestation de sasha, demander maintenant serait faire preuve d’affront à ce qu’il pourrait vérifier de lui-même - et il n’a pas envie de faire de cette pierre son lot à porter.

c’est rien de spécial, hein. au compliment. que ça lui plaise un peu rassure tout de même à travers les aprioris et toutes ses raisons qu’on a d’être aigri contre celleux qu’on appelle famille. je suis pas allé la voir, non. elle doit venir à lui pas l’inverse. pourquoi faire d’autant plus, pleurer ? la prier ? sans en croire même à moitié? ça serait pire qu’un sacrilège, une attaque à leur intégrité - un affront à toutes ses années de silence et de discrétion. ouais on peut l’ouvrir, vaguement à la bouteille de vin dans sa main. t'as de la compagnie ici souvent pour boire avec toi ? il imagine du monde, il croit beaucoup - on en voit des gens à sa place - quand on se spécialise dans l'aide des autres, mais peut-être qu'on est seul, il sait pas - il demande, mais rhys ne veut pas vraiment savoir.

et lorsque c’est bon il vient se servir lui aussi, laisse le couvercle sur la table qu'ils se servent davantage en cas d'envie. il parle, mais pas d'eux - les yeux un peu plein de nostalgie - je me souviens plus du dernier vrai repas que j’ai fais. son sourire est lueur de tendresse, avec cet air de parler des choses qu’on pourra pas rattraper, parce qu’on ne le laisserait pas. à l’appart avec abel j’alternais entre pas graill du tout ou commander et manger des trucs sur des semaines. ou encore prendre du surgelé ou du tout fait, il n’aimait pas les produits frais et pestait que c’était trop prise de tête de s’intéresser à choisir en fonction de la saison et encore pire de préparer tout ça en amont. un petit moment depuis qu’il n’avait pas travaillé d’ailleurs, justifié par des problèmes de santé inventés sans qu’ils le culpabilisent. fin ça date apres hein, abel veut plus j’sois là bas, j’te fais pas un dessin du pourquoi.

tu comprends, indirectement. la compréhension qui ne demande pas vraiment d’en parler, qu’on ne voit pas tous les travers parce qu’on s’épargne, douloureusement. faire autrement serait se marcher dessus dans l’intimité au nom de l’adelphie qui leur a été imposée. il n’a pas l’énergie de se réapproprier les cartes qu’on lui a données pour en faire une force, trop certain d’avoir tout cerné.

puis il s’installe, à son tour porte la fourchette dans sa main, sur l’une des chaises près de la table de la cuisine. plus petit, mais mieux pour accueillir un public plus restreint. sans réfléchir il mène à sa bouche un bout de viande trop chaud encore - pousse une onomatopée quand elle le brûle. comme ces enfants, sa première réaction est de souffler dessus avant de s’écraser en froncement et venir couper l’intérieur de la viande avec la fourchette. la texture est filandreuse, un peu dure, mais c’est mieux que ce à quoi il s’attendait, pas assez salée.

comment c’est guez, mais il fait abstraction entre les interjections, prend le sel sur la table pour pallier à ses faiblesses - d’un rire à moitié ravalé - mange comme c’est parce qu’il avait insisté. ça a pris des plombes de faire cte connerie - peut-être c’était pour ça qu’il venait pas au repas de famille.

avec les yeux il fait le tour quand il la voit chercher - baisse le regard devant l’éventualité que s’échanger des bons plans soit une excuse pour plus longtemps se retrouver. c'est hors de question. leurs schémas s'illustrent dans des aprioris, si elle prend plus de place dans sa vie c'est difficile d'entretenir son ignorance. viens pas. c’est trop loin brooklyn. et puis il vivait pas seul, comment expliquer qu’à son âge que sa soeur - aux airs d’une mère dépassée par la distance, par les silences -  vienne le voir avec des plats tout préparés? aubépine n’en penserait rien peut-être, il veut pas savoir, en fait, c’est lui que ça gêne cette compassion malléable et cette dévotion sans raison. c’est à sa disposition alors il n’en veut pas - comme les recettes qu’elle lui propose. et ses doigts se serrent parce qu’elle sait se faire percutante dans l’implicite de la solitude qu’il ait été des premiers à lui offrir ce qu’elle donnait dans sa nature. il ne demande même pas qu’elle lui envoie ce qu’elle fait, dans son cahier aux airs bombés de trésors faits et écrits à la main. à la place se sert de son verre à vin.

heidi reprend alors, parle de "maman". toute cette sincérité dans l’amour et sa reconnaissance lui donne les penchants d’un dégoût qu’il ravale. ses doigts jouent avec la fourchette, il ne sait pas quoi en faire. d'heidi il sait pas quoi faire après tout ce temps. avant peut-être. c’était révolu. pourquoi tu me dis ça? c’est à cause de toi et des ambassadeurs que je peux plus approcher les petits d’ici. le paiement à pascal, comme l’éloignement, s’inscrit dans un sens qui l’ancre - il pouvait hausser des épaules en disant sa sentence était le prix d’un pardon qu’il n’a pas tout à fait verbalisé. mais on lui a pris de sa liberté, celle d’exercer son métier sur l’ile. pour une faute dans un contexte qui s’inscrit dans la terreur de la réalité de ses choix. le punit-on d’audace de n’avoir su bien cacher jusqu'où il irait, ou de n’avoir été (un demi dieu) adéquat pour savoir se défendre comme on attendait? quoi qu’il en soit, il avait vu le déroulé des gens décider qu’il devait se reconstruire s’il veut rester en sécurité entre leurs murs. j’irais pas la demander. elle était descendue en avril dans le contexte d’horreurs qui leur arrivent - pas celles ou les hestia sont acteurs, moteurs. s'il s'y prend de face, c'est trop dangereux, on l'attrapera, pourquoi il aurait ce qu'il veut s'il vient demander ? il n'y croyait. je veux pas la voir, n’est pas tout à fait vrai.

la vue de son silence lui tire le rictus des amertumes qu’on sait anticiper. la colère devrait l'ériger d’haine qu’elle n’ait même pas un mot à lui dire sur ce qui s'était produit. tous ces mots doux et même pas un écart pour la violence qu’elle lui fait subir marque d’effroi le pire. c’est le bleu en abondance qui le pique, il se restreint tout de même devant la politesse d’un sourire qui à peine tient. c'est que la peine se renverse sur lui au niveau de la gorge nouée - en miroir. ok - cassé à la voix, des revers d’empathie - j’vois c'est comment - trop demandé d’avoir le répondant pour avec lui jouer aux accusations lourdes, celles qui peinent et déchirent pour après se reconstruire dans un peu plus de vrai. heidi et ses déceptions qu’elle traine, de chaines aux pieds, jusqu’à lui. il emballe les conventions d’un repas de famille pour avancer, se sert du vin - cruauté de la lâcheté n’est qu’une part du contrat souscrit. il aimerait qu’elle ait les épaules d’assumer la fragilité dans la substance qu’elle a à lui donner -
du répondant qu’il lui offre à la place -
c’est qu’il faut que t’ailles la voir qu’elle se préoccupe vraiment de s’qui passe qui me soule. faut absolument que tu viennes avec un truc à lui donner, un truc à lui dire. il a laissé la fourchette sur l’assiette, la soupe n’est pas encore tiède. elle va rien faire pour moi de son propre gré. ça lui vient comme ça qu'il ne voulait pas plus d'une déesse qui l'écoute autant qu'une mère.
mais voilà la voilà la condition
des pouvoirs qu'on lui a insufflé
à perdition.

après ce que j’ai fais j’veux pas m’rendre la bas, j’trouve ça trop dangereux, en elle, son pardon, il ne croit pas - d’ailleurs il ne sait pas s’il en veut même si ça existe, il faut qu’elle l’attrape, qu’elle le punisse, et d’une façon toute particulière. si heidi venait prier pour lui, lloyd craignait que ça nourrisse la compassion passive de la déesse pour son fils. pourquoi tu forces autant? pas en son terrain, comme ça. j’cherche pas à être rassuré ou quoi. ou de solution, d'ailleurs. tu l'fais juste pour toi à c'niveau là.

au fond c'est pas si grave si j'peux plus passer au camp - je me suis fais une raison, c'est bon. tu te plies en mille dejà pour tout le monde, dont les petits, pour tout le monde, d’ailleurs, j’crois que tu leur suffit déjà ne sort suprêmement pas aussi aigri qu'il s'attendait. après tout, même s'il avait voulu, faire ici son métier ne tenait ni queue ni tête pour lui s'il fallait enseigner des valeurs à la préservation de l'ile et l'adelphie qui la peuple.

il ne l’entend pas parler de sa valeur. qu’en sait elle ? il ne la laisse pas entrer dans sa vie pour le constater, c’est ces mots qu’on donne sans penser, en espérant qu’ils percutent, et comme ces fleurs qui ne fanent jamais - heidi a leur beauté faite pour (par) les hommes, éternelle. si elle est tendre c’est pour panser une plaie que le vin viendrait empirer autrement. on se fiche bien de la véracité ou les tréfonds de l’affection qu’elle porte, ou du moins on suppose que c’est là comme la permanence émotionnelle - mais on l’imagine plus profonde qu’elle l’est vraiment. ses paroles elles, le font faner lui -

j’vois pas l’interet, ça va rien faire pour moi - du moins j’vois pas ce que ça pourrait faire. simplement il n’y croit pas, est-ce que si j’te donne ma colère ça va annuler la décision au conseil? est-ce que si je pleure ça va faire tu vas arrêter de la défendre à tout va? genre oui ok, tu suffis pas. c'est pas la fin, t'es qu'une personne. t'es partout pour d'autres gens - tu as le droit, parce que tu es comme moi - faillible, pas complètement divin(e). il ne rajoute pas sur la déesse du foyer, c'est déjà assez.

on verse le cinéma quand on a à se montrer, pour appeler à la pitié et l’empathie et un peu des deux, comme lors d’un procès. pas ici, quand le sel s’efface des larmes, et l’odeur s’ancre à la peau  - j’doute pas de ta bienveillance. c’est là le problème, le long de ce qui se refroidit, comme le plat. depuis qu’elle t’a mis ambassadrice tu me regarde comme d’la charité. j’t’avais pas vue en faire ton problème avant - tu crois vraiment tu l’fais pas pour ta conscience?
peut-être là avec cet extrait qu’elle ne suffisait pas, y’a quelque chose, ça le frappe, trop occupé à être son problème (ou du moins à le devenir d’une façon de n’être adéquat) il pouvait plus se tenir à côté d’elle pour aspirer à s’occuper de qui que ce soit. toute cette douceur est mal placée, mal ajustée le dévolu qu’elle lui offre n’est jamais qu’en réaction à la sentence qui est tombée. seulement, voilà se définir par extension aux autres et dans la redevance et l’offrande est particulièrement aliénant à son sens de l’identité. pourquoi on lui demande ou lui parle-t-on des choses qu’ils a à donner qu’il ne veut pas offrir ?

j’trouve ça plus facile à accepter qu’tu l’fasse,
plutôt qu’heidi attentionnée qui se morphe en couteau
pour lui ouvrir la peau quand elle le connaît,
quand elle sait que les attaques
les plus efficaces visent sa liberté.
autrement ça fait peur, un peu.
de l'accueillir, de l'accepter, pour lécher
les plaies qu'elle lui avaient infligées.

c’est manufacturé l’éclat dans ses yeux
certainement, parce qu’à heidi
on lui demande elle donne sans
distinction, toutes ses attentions.
elle se fait machine dans sa
distribution d’amour, d’elle l'extension.
comme ça n’est-elle pas
comme hestia ? à donner, donner
sans demander, prendre les enfants
aux airs abandonnés. heidi aux
airs de déesses lui sourit et il
frissonne.

on apprend en copiant
on apprend sans vraiment être
en phase avec ce qu’on ressent -
devant lui elle était
le pur produit, d’hestia la fille;
de son environnement.
un modèle, heidi - on la façonne
à son image.

j’vais pas chialer pour ici, meme si j’ai
perdu cet avantage ça a jamais vraiment
été la maison. parce qu’il ne la laisse pas.
et désolé si j’suis pas à la hauteur -
et pour l'humiliation que ça a du être.
un fils du foyer avec le feu a trop, trop joué.

alors qu'à la place il devrait être en famille,
à fêter noel pour le culturel, dans la joie
de se retrouver dans une famille plus ou moins
fonctionnelle, plus ou moins abimée il ne
lui demande pas si elle compte le fêter cette
année - mais s'enfuriera pas avant janvier.