Première sortie à New York, Ellair déteste déjà.
Mauvaise compagnie, mauvaise ville. Ellair ne fait que regarder par la fenêtre, sourcils éternellement froncés, la mine agacée. Il ne garantit pas la sécurité de Cecil aujourd'hui, ça le tend. A la place, la vilaine.

Elle lui cause, et lui n'a pas de peine à faire mine de ne rien entendre, toujours à observer les buildings dehors, les mortels, toujours une expression déplaisante au visage. Le bagne. La punition. C'est tout ce que cette sortie lui inspire.
C'est la  première fois qu'il voit New York, si on ne compte   pas le voyage pour arriver à Nausikaa. Ce fut un bref passage, qui contrastait avec le foyer paumé d'où il vient.

- Tu comptes bavarder longtemps ?

Malice ne se tait jamais.
Un lourd soupir lui échappe, puis sa tête se pose contre la vitre. Qui tuerait pour être dans cette voiture, sérieusement ?
Pénible.

Son regard se perd dans le rétroviseur, alors que les  mots coulent sans fin. Des voitures derrières, à perte de vue. Mais quelle plaie, était ce vraiment nécessaire, de venir ici ?!

- Jamais.

Qu'elle cesse de se demander, maintenant qu'il lui a gracieusement offert la réponse !
Le passager grogne en se détachant de la fenêtre. Il se redresse, se réinstalle, puis se tourne vers l'arrière de la voiture, pour regarder derrière, autour d'eux.

- Tu peux pas aller plus vite ?!

Cela l'angoisserait presque, d'être enfermé dans cette voiture. Sans les fenêtres, il serait beaucoup  moins tranquille -c'est dire-.

- Tu ne m'as toujours pas dit où on va !

Enfin, de retour dans son fauteuil, se laissant presque tomber dedans d'ennui.

Ellair retourne à son mutisme, au fond de son siège, et attend désespérément que le voyage se termine. Parler pour ne dire rien dire, c'est bien la spécialité de Malice de Maupas. Il n'y a qu'à la protéger de ces misérables mortels, et possiblement de monstres qui n'attendent que de pouvoir enfoncer leurs crocs dans sa chair et voler sa vie.
Ah, il comprend.

Enfin, la voiture s'arrête. Ellair s'empresse de sortir, claquant naturellement la porte. Le voila plus à l'aise, apte à respirer, enfin. Le protecteur en profite pour regarder la ville avec un meilleur point de vue.
C'est laid, cet endroit. Trop de voitures. Trop de mortels, trop de bruits.

- Mouais...

Rien à admirer, ici.
Il grimace d'avantage quand elle ose croire qu'il cherche les ennuis.
Oh non, ils viennent à lui d'eux mêmes, mais personne ne le croit, même pas  le plus misérable des nettoyeurs de bains publics.

- Compris.

Ellair la suit, lui aussi mains en poche.
Ca toise du regard ces mortels qui s'approchent trop d'eux à son gout, surveille le dos de Malice, les sourcils éternellement froncés : pourquoi l'avait elle trainé jusqu'ici ? Les olympiens se  montrent pourtant timides, quand il s'agit de  le faire travailler un minimum. Se croient ils tous intouchables ? Et Malice, de tout ces olympiens, seraient la seule à assumer avoir besoin de sa protection ?
C'est insensé.

Elle s'arrête, observe la boutique.
Ellair tourne la tête à son tour
La vitrine surprend le demi dieu. S'il s'attendait à voir des mannequins aux formes parfaites à peine vêtus ! S'il détourne le regard, il se fait accrocher par un autre modèle, par la dentelle, et s'y perd contre son gré.
Jusqu'à ce qu'elle le rappelle  à l'ordre, porte de la boutique ouverte.

- Vraiment, Malice ?

Ce n'est pas  comme ça qu'il s'imaginait protéger l'ambassadrice d'Aphrodite.
Après, ça reste Aphrodite.
Devait il s'attendre à autre chose ? Après tout, il n'y a qu'un seul rejeton de la déesse qui parle son langage, et il préférerait assurer sa protection à lui, là tout de suite. Le chien de garde grogne, ses pas lourds suivent finalement les siens et la suit à l'intérieur de la boutique. C'est un visage fermé qu'il veille à ne même pas adresser aux vendeurs : c'est le caprice de Malice, et il attend près de la porte péniblement qu'elle en ait fini.

C'est le dernier type de magasin qu'il s'imaginait visiter avec Malice. Il  l'ignore, elle et ses mots trop nombreux. Ils sont entendus, mais ne se donne pas la peine de le lui dire ou de le lui montrer. Son regard ose observer les articles proposés, mais jamais ne croise le caissier ou les employés.

Bien vite, trop vite, Malice revient pomper son air.

- Aucun...

C'est à peine soufflé, et c'est faux. Ses yeux s'attardent peu sur le satin, détaillent au moins la moitié de ce qu'elle lui propose.
Et enfin, Malice les retire à sa vue, le libère.

Ellair passe sa main sur son visage dès qu'elle part en cabine, lui tournant le dos. Le protecteur ne tient pas en place, tel  un animal en cage, il attend la première opportunité pour s'enfuir de cette situation inconfortable. Il fuit les regards des employés, fronce les sourcils et attend avec impatience qu'elle en ai fini.
Quel soulagement, de l'entendre sortir, de la voir habillée surtout !! C'est mieux, si elle compte le coller ainsi.

Ce qu'il voit sur l'écran finit enfin par le prendre de court : ce sont des photos bien trop intimes pour de simple collègue. La fourbe a fini par l'embarrasser ! Le rouge teint son visage, mais le chien de garde s'efforce à rester droit, digne, imperturbable -ah, ce ne sera pas difficile à voir qu'il n'y arrive pas devant de telles photos-.
Malice explique l'origine de ses talents en photographe, en pose. Bien sûr, une enfant d'Aphrodite ne peut que savoir comment se faire désirer, tout aussi insupportable soit elle !
Ellair refuse de voir son sourire ou son clin d'oeil, même s'ils restent en périphérie de son champ de vision. Son expression se renfrogne, et une fois toutes les photos vues, il repousse son téléphone dans un grognement.

- Me montre plus jamais ça.

La voix porte peu, peut être qu'elle manque de conviction, mais elle gronde néanmoins. Un regard noir du coin de l'oeil comme avertissement, et comme cela ne suffira jamais avec cette garce, en s'écartant, Ellair la bouscule légèrement.
Elle insiste sur son choix, le stoppant dans sa fuite. Un nouveau soupir, et sa main vient masser ses yeux fermés; les doigts cherchent  à chasser l'image désormais imprimée dans son esprit de l'olympienne, en vain.

- Ugh... La noire.

La dentelle, au fond, lui rappelait certain de ces tableaux qu'il admire pendant de longues minutes. C'est tout aussi délicat, doux et impressionnant, c'est juste à admirer sur un corps et non une toile, à frôler sans risquer d'abimer le vernis. Sa splendeur se révèle alors dans les volumes qu'on lui donne.
Et quand il songe au corps en dessous, ces photos, il râle bruyamment. Il voudrait se laver les yeux de ces images tout de suite !

- On y va, maintenant ?!

Mains sur les hanches, il tourne à peine vers elle, l'air sévère.
Elle l'a  fait exprès.
Et ce n'est que le début.
D'autres attendent, cela  le désespère.
Quelles autres tortures lui a t elle seulement réservé ?