Professionnalisme était toujours le mot d’ordre quand il s’agissait de se rendre à l’ecclesia, un lieu où il était important de laisser une bonne impression de soi-même, mais surtout de la fratrie derrière soi. La plupart du temps, Miko Amouretti savait rester professionnel avec les pompeux du conseil et leurs lèches-bottes, mais là c’était une occasion particulière, car la porte lui est fermée et la réunion commence sans qu’il puisse assister son grand frère dans ses nouvelles tâches d’ambassadeur. Le silence s’est fait dans la place pour laisser aux ambassadeurs toute leur concentration durant cette réunion de la plus "haute importance" dans leurs mots. Encore fumant qu’on refuse sa présence, Miko était adossé au mur, une moue irritée se dessinant sur ses jolis traits d’habitude traversés d’un sourire aussi charmeur que moqueur, il n'y avait personne à enjôler ou le distraire...enfin presque personne.

Un si bel outfit gaspillé sans aucuns regards pour l’admirer et ça ressemblait vraiment à une provocation de la part de David, se complaisant dans son manque de goût sûrement, ça voulait dire que la prochaine fois il faudrait faire encore mieux et on avait déjà une vision de ce qu’il faudrait porter. Le fils du foyer aurait pu passer un bon moment perdu dans ses pensées de coton, mais une silhouette près de lui l’empêchait de totalement se concentrer.

Si la température de la soirée avait été plutôt douce pour la saison, les mots lâchés par le plus jeune semblaient glaciaux. “Tu peux te tasser un peu? Tu me gâche la vue.” Ellair avait beau être son aîné, sa simple vue était désagréable à Miko qui se retient de lever les yeux au ciel. Tout ce qu’il voit devant lui est un homme qui avait renoncé à sa dignité pour suivre un pauvre type en tournant le dos à son clan la queue entre les jambes et la nuque en laisse.

D’un geste involontaire, il fait tourner la bague de Seraph, trop grande pour la plupart de ses doigts, autour de son pouce à l’ongle récemment manucuré. Il se demande si c’était une bonne idée de provoquer quelqu’un de cette façon, mais il était trop tard pour faire marche arrière, autant il y aller à fond. "T’as pas une niche dans le bureau de Cecil pour l’attendre?" Est-ce que c'était trop honnête?

Qu'est-ce qu'il vient de dire là? Alors là c'était la meilleure de la journée et Miko aurait presque pu en rire entre ses dents, mais là l'accumulation de petits soucis lui donne envie d'exploser un peu. "Me mets pas à ton niveau, je suis pas du genre à lécher les bottes de pauvres types par plaisir." Ah s'il pouvait juste lui enflammer les sourcils pour lui donner une leçon de respect, vraiment ça lui réchaufferait l'âme. Pourquoi est-ce qu'il n'ajoute rien? C'est frustrant, ça le pousse à continuer et découvrir ce qui fera ciller ce Coeur de pierre.

"J'ai peut-être quitté le clan, mais au moins je suis revenu." Dans n'importe quelle autre situation, Miko aurait pu compatir un peu avec Ellair (enfin un peu) et peut-être aurait pu mieux mesurer ses mots, mais il y avait des limites à ne pas dépasser quand même. "'Fin, je m'attendais pas à ce que l'idiot qui suit l'imbécile comprenne le concept de loyauté." Pourquoi tout sacrifier pour une personne plutôt que tous ceux qui comptaient sur toi? Comment est-ce que deux mains froides pourrait équivaloir les regards de ceux qui te regardaient avec admiration? Miko ne comprend pas et ne veut pas comprendre, ayant déjà considéré les arguments comme stupides avant même de les avoir entendus. "Au moins tu dois être confortable entre les jambes de Cecil pour pas te rendre compte à quel point t'es tombé bas mon vieux." L'image est aussi pathétique qu'elle en est drôle, Miko ne peut s'empêcher d'en rire, cherchant d'autres cartouches à tirer avant d'être distrait par un ding sonore venant de sa poche.

Clairement, ce n’est pas avec des mots qu’on allait attirer l’attention d’Ellair, entre avoir la peau dure et être dur d’oreille il n’y a qu’un pas, mais il était trop tôt pour abandonner la partie et on devrait retourner subir la longue attente en silence.

Accessoirement, on voudrait aussi comprendre pourquoi. Pourquoi est-ce que tout s’est passé ainsi? Pourquoi était elle inévitable? Comment est-ce qu’on peut abandonner une famille et parader comme si tout était normal et, encore pire, comme si c’était nécessaire? « C’est vrai ce qu’on dit: à rencontrer ses héros, on finit par être déçu. » Aucune accusation dans sa voix pour une fois, enfin, un simple fait. Les yeux autrefois emplis d’admiration sont maintenant brillants d’étincelles d’amusement après avoir trouvé une nouvelle tactique impossible à ignorer. Elles ont l’air si réelles qu’on croirait presque sentir leur chaleur alors qu’elles dansent dans les prunelles noires. « J’ai fini, promis. » L’air de rien en regardant son rainphone, se voulant l'image de l'innocence.

Fausse alarme, c’est seulement la chaleur des flammèches apparue sur le livre d’Ellair et commençant à dévorer le papier aussi voracement que Calcifer. Il faut faire vite, sinon ça va sentir le roussi. Une impression d’être revenu en enfance et la curiosité du danger arrachent un sourire se voulant innocent, comme s’il avait lu un texto rigolo.

Embêtant, on l'aimait bien ce téléphone. Enfin, ce serait pas très compliqué de s'en procurer un autre, même si ça voulait dire plus de temps à perdre et des trajets qui auraient pu être évités. Est-ce que c'était immature et inutile de sa part? Oui, totalement. Est-ce que c'était satisfaisant? Absolument, alors ça en valait bien un peu de verre cassé. "D'habitude les mecs qui me disent ça sont moins habillés, bizarre." Entre gladiateur et modèle, il y a parfois autant de vêtements impliqués et c'est fou à quel point Miko avait la mauvaise habitude à jeter l'huile sur le feu au risque de se brûler. "Au moins t'as encore un peu de crocs, c'est déjà ça." Ce n'est pas sain de s'accrocher aux émotions négatives, valait mieux trouver un moyen plus productif d'extérioriser tout ça: le combat par exemple!


Ah les choses qu'on voudrait dire et les coups qu'on aimerait échanger, mais le terrain n'était pas propice aux éclats de violence qu'on désire et peut-être serait-il mieux de ralentir rien qu'un peu. "Pour me faire pardonner..." On lui prend le poignet avant qu'il puisse l'éloigner, aucuns signes d'agression ou de violence dans les mouvements, seulement que de l'audace et de la décision. Le doigts se perdent dans les mèches décolorées. "Assommes-moi si t'en a vraiment envie." Une invitation dite avec les yeux brillants d'aplomb (ou d'inconscience), prêt à tout ce qui arrivera. Dans un cas, rien ne se passe et il s'en sort sans perdre plus de neurones et dans l'autre on a une raison de revenir demander une revanche, Miko ne voit aucune pertes et que des bénéfices.

Si on s'attendait à l'extinction des lumières, la chute sur le côté était toute une surprise, quoique bienvenue. Miko n'en perdait même pas son sourire, même s'il était mitigé entre la confusion et l'exaltation alors qu'il regardait le sol pui Ellair. Ils se fixent des yeux, bien que leurs intentions soient toutes opposées et le fils d'Hestia se demande si c'était sain que de vouloir ce noyer dans ce regard empli de haine qui ne regardait que lui sans pour autant en comprendre les implications. "Parfait." Rien de plus, tout était parfait comme ça et s'il fallait perdre quelques cheveux alors ainsi soit-il.

"Tant que tu me poses pas de lapin." On se relève et se dépoussière, reprenant un peu de dignité pour le reste du monde qui le verra. On se demande quand est-ce que le sort s'abattra sur lui et qu'il paiera enfin pour avoir secouer le nid de guêpes, mais ce n'est pas important pour Miko dans le présent, cette impression éphémère et faussement flatteuse qui l'accompagnait et tordait ses idées. Au moins ça le rendait heureux et personne ne pourrait le convaincre du mal qu'il se magasine, car il n'a jamais été doué pour écouter les autres.