Tu ravales ta salive, tendant le message à son destinataire face à toi, en bas des marches menant à l'éclesia.
Ton regard transpire d'une haine difficilement dissimulée, mais tu retiens tes mots. Tu avais eu ta leçon face à Jacinthe. Ils sont intouchables, et vider ce que tu as sur le coeur ne mènera à rien. Encore plus quand cela concerne Ellair.
Parce qu'il est libre de faire ses propres choix. Parce que ce que tu dis n'y changera rien, et qu'à jamais il restera son chien.
Il avait bien changé le chiot que tu avais prit l'habitude de tourmenter lorsque vous n'étiez que de jeunes demi-dieux. Innocents au danger. Dont le seul problème était de bien manger, jouer et s'entraîner.
Non tu ne peux rien y faire, lui hurler dessus ne ramènera pas les parents que tu as perdu.
L'envie y est pourtant. Il est fort, lui, en s'y mettant à plusieurs, tu es certain que le Sphynx aurait fini par rebrousser chemin. Oui, tu es certain qu'il faut donner aux monstres une raison de vous craindre.

Et quand finalement, il prend le message, tu ne résistes plus, grognant à son encontre.

"C'est bon, j'peux y aller ?"

La haine dans tes yeux brûle désormais librement, dégoût affiché ouvertement. T'avais entendu, tout ce qu'on disait de lui. Ce que l'on disait de celui qui aurait trahi sa propre fratrie et les maîtrisaient pourtant toujours par la force. Celui qui envoyait ses subordonnés faire le travail pour lui. Merde même toi t'avais pas laissé ce message à un de tes sous-fifres. Trop conciencieux dans ton travail peut-être.
Peut-être aussi, espérais-tu voir son visage se décomposer à la lecture du message. Tu espérais qu'eux, ces olympiens soient reniés par leur parent divin. Tu espérais surtout en vain.
Mais surtout lui. Lui.
Oui lui, tu n'avais aucune excuses pour le débecter autant et pourtant. Peut-être Ellair était-il une raison suffisante pour ton coeur. Maudite soit Aphrodite, d'ainsi jouer avec ton âme.

Alors pour la forme, pour te décharger un peu, tu marmonnes.

"Putain de chien, j'ai vraiment pas de chance."

Prêt à partir. Prêt à en finir. A ne plus voir son visage.
Tu sers le poing. Bon sang ce que tu aimerais le défigurer, ce stupide visage et déformer les expressions qui y sont liés.
Si tu pouvais, tu cracherais là, à ses pieds.
Mais tu te retiens. Là encore, l'heure n'est pas au sang de couler.
Non un jour, tu libererais Ellair de son emprise, tu t'y prends à rêver.
Un jour, tu lui feras voir la vérité.
Mais aujourd'hui, ça ne servirait à rien.
Alors tu te retiens, frôlant la lame à ta ceinture pour respirer.
Tu espères être facilement congédié.
Histoire de pouvoir te tirer de ce cauchemar et vider la haine qui en toi sied.

Tu l'attrapes par le col.
T'y peux rien,
c'est l'instinct.
T'avais été bon jusqu'à là, t'avais répondu non à sa question, t'avais ignoré l'appel de ton nom comme celui qui invoquerait un démon. T'avais été bon.
Sauf qu'il avait ramené Ellair dans la conversation.
Et ça, venant de sa bouche si impure, ça te débectais.
Alors tes doigts se resserent autour du tissu, et de l'autre tu empoignes ta dague, prêt à commettre l'irréparable.
Tu ne sais pas ce que te retiens,
peut-être une intervention du divin.

Le fait est que tu prends une inspiration, pincée, puis une deuxième, coincée. Une troisième d'amblé, pour diluer la colère soudaine qui à dû mal à passer.

"ça te fait marrer c'est ça de l'utiliser comme un chien ? Tu trouves ça marrant ?"

Tu relâche son col, maîtrisant ta colère. Conscient des yeux qui se sont posés sur vous. C'est pas ton genre d'ainsi perdre pied, de te laisser aller. Mais tu as trop perdu ces derniers jours pour oser jongler avec les sentiments qui t'habites.

"T'es qu'une putain d'enflure Warren."

Tu fais l'autruche aussi, ignore de ton mieux ses propos qui pourraient suggérer quelque chose qui n'existe pas. Quelque chose qui n'a pas lieu d'être. Non, tu te concentres sur la forme de ses mots, et pas son fond.

"J'le connais depuis que j'ai 11 ans, si quelque chose lui arrive, t'es le premier sur la liste des têtes à tomber."

Et rien ne pourra t'arrêter, que ce soit dit et écrit.
Et rien non plus, ne semble t'empêcher de te voiler la face, même face à lui. Surtout, face à lui.
Ne rien montrer. Ne pas se laisser perturber. Laisser couler.
Tu n'as cesses de te le répéter, comme un mantra usé.
Ne rien montrer. Ne pas se laisser perturber. Laisser couler.
Ne rien montrer.
Ne pas se laisser perturber.
Laisser c o u l e r.

Pour peut-être oublier,
les sentiments qui te font vibrer.

Tu ignores les insultes en ton nom, laissant couler comme tu te forces à le faire depuis le début de votre conversation.
D'ailleurs, tu es presque prêt à abandonner, à rebrousser chemin et partir comme un
p e r d a n t.
Puis finalement, la phrase qui te fais vriller.
Toi ? Toi en pincer pour Ellair ?
Tu te retourne vers lui, tes yeux bleus s'assombrissant comme ils le l'ont jamais été alors que ton visage reste fermé. Interdit par la calmonie qui à osée être prononcée. Ah. Si tu te voyais dans un miroir, tu ne te reconnaîtrais pas.
comme souvent depuis la mort de tes parents

"Tu te rends compte des conneries monumentales que tu t'inventes dans ton petit monde fictif Warren ?"

Alors pourquoi.
Pourquoi ton coeur se serre-t-il alors que tu prononces ces paroles.
Pourquoi est-ce que tu as l'impression d'étouffer.
Pourquoi es-tu si énervé.
Tu manques d'introspection de ce côté.
T'as juste envie de l'empoigner à nouveau. De lui en coller une pour te défaire de la frustration qui menace de te noyer.

"Ma vie est assez dure sans que tu rajoutes tes fabulations."

Quelles fabulations ?
Où est-ce qu'il à manqué ? Hein Stian ? Où est-ce qu'il a tord, au juste ?
Après tout, pourquoi retournes-tu emmerder Ellair, à chaque fois, comme si tu n'en avais jamais assez d'être brîmé.
Pourquoi ris-tu aux éclats, lorsqu'il laisse sa colère l'emporter ?
Pourquoi oui pourquoi ?

Et toi, qui est d'habitude si stoïc, qui ignore toujours les insultes, tu pâlis. Tes traits se sont adoucis un instant alors que tu pensais aux instants partagés.
T'as perdu ton masque si dûrement travaillé.

La colère tord à nouveaux ton visage. Cette fois envers toi même alors que tu grondes.

"Va te faire enculer Warren."

La dernière barrière que tu tentes d'ériger.
La dernière objection que tu oseras prononcer.

Le rire dégoûté sort plus vite que tu ne peux le retenir, tes yeux dérivant un instant sur le pommeau de son épée. Tu dois te retenir pour éviter la confrontation physique, sachant que tu n'aurais pas l'avantage.

"Des spartes, et puis quoi encore après que tu oses suggérer un olympien ?!"

Tu rediriges ta colère, encore, comme les lames des couteaux que tu manies, ta main se déposant sur la paume du tiens pour l'empêcher de sortir par réflexe de ta télékinésie.
Tu nies en bloc aussi, ce crush d'enfance que tu te refuse d'avouer. Tu siffles entre tes dents.

"Il me semblerait que de nous deux, tu es celui qui souhaite le plus la prendre dans le cul."

Vulgaire, mais c'est ton dernier recours. Tes derniers remparts.
Puis les digues se rompent. T'en a marre de faire semblant. Marre de te cacher. Marre de toujours porter un masque. Alors que ton regard se fait toujours plus sombre, tu hausses un sourcil. Railleur.

"Puis qu'est-ce que mes histoires de coeur peuvent te faire d'abord ? Hein ? Depuis quand tu t'intéresse aux histoires de coeur Warren ? Tu veux jouer aux cupidons en plus de convoiter la place de papa ?"

Rire sarcastique.

"Dit moi tout Warren, j'suis prêt à écouter tes déboires. Tu m'as pas l'air très doué dans le genre."

Tu la ferme à sa voix. C'est automatique. Avec un peu plus d'introspection, tu remarquerais que t'es pas un leader mais un follower. Cependant, empêcher le naturel, il revient au galop, et te voici à hausser un sourcil en le voyant s'avancer avant de laisser échapper une onomatopée mal contenue. Un "mph" à la manière dont il agrippe ton visage sans délicatesse aucune, manquant de rouvrir la plaie qu'Ellair t'avais laissé, douloureux souvenir de votre dernière rencontre.
Tu restes coi, muet à ses paroles. Réfléchissant à la meilleure manière de te sortir de la situation dont tu t'étais empêtré.
Puis tu te permets de lui rappeler.

"Tu es l'exception qui confirme la règle, Warren."

Tu n'as pas peur. Tu sais que tu as fait tes preuves jusqu'à là. Tu as toujours été un excellent messager. Ce n'était pas le premier message que tu lui avais apporté. Bien que tu doutes qu'il s'en souvienne. Tu n'avais pas eu ta position par la chance, tu avais trimé et bossé pour y accéder.
Alors qu'est-ce qui avait changé ?
Tu n'oserais pas l'avouer, pas à lui. Tu ne lui montrera pas ta faiblesse.
Mais tu venais de perdre tes parents. Et si la raison parvenait à ses oreilles, cela ne ferait que renforcer sa politique de fermeture. Tu t'étais posé la question Stian, de si ils n'avaient pas raison. Mais tu aimais trop ta liberté pour te laisser bercer d'illusions. Puis le siège d'Hermès était à New York, tu n'aurais de toute façon pas le choix de sortir, quelle que soit la décision du conseil si elle venait à tomber.

Tu te débarasse de sa main, plus délicatement que tu l'aurais aimé. N'osant pas t'avouer le respect nouvellement né pour l'homme qui avait sû te remettre à ta place en quelques mots bien placé.

Mais ces derniers mots résonnent dans ton crâne. Et juste l'espace d'un instant, juste pour l'amusement. Tu en appelle à la brume, reculant d'un pas, puis d'un autre, la combinant à ta capacité de dissimulation pour disparaître à ces yeux. Un rire, malicieux. Sarcastique.

"Trouve quelqu'un d'aussi déterminé à échapper aux monstres pour vous apportez vos satanés messages que moi et on en reparlera. Il faut vouloir faire l'aller-retour entre New York et Nausikaa, et d'expérience, vous olympiens, ne vous y frottez pas."

Tu n'es pas bête, tu connaîs bien son poids au conseil. Mais tu connais aussi ta valeur en tant que mistique capable d'en appeler à la brume et à ton talent pour la dissimulation pour échapper aux monstres. Après tout, après toutes ces années à travailler, le Sphynx avait été ta première vraie altercation, alors que tu avais ta garde baissée. Un rappel à ta confiance qui était devenue débordante, à force d'échapper aux harpies. D'un claquement de doigts, tu annules tes capacités. Pas la peine de t'épuiser. Le but était simplement de lui rappeler la raison pour laquelle tu étais égaré. Ce n'était pas de ta faute, si le pouvoir des mistiques était associé à Hécate, et si certains avaient fait l'amalgame alors que tu étais encore au camp. Certes, tu aurais facilement pû regagner ta place de fils d'Hermès brillant, mais tu avais trouvé réconfortant de t'associer aux futurs enfants égarés. Probablement pour soulager ta jalousie maladive.

Puis tu hausses les épaules, soudainement fatigué par toutes ces réflexions. Par votre altercation. C'est pas ton genre d'être aussi confrontationnel, tu ne te reconnais pas. Ton visage se fait plus sérieux et tu courbes l'échine. Finalement.

"Désolé. J'ai clairement dépassé les bornes."

T'es honnêtes. Tu n'as jamais eu de mal à t'excuser. Et pourtant, cette fois, ça laisse un arrière-goût astringeant sur ta langue. N'importe qui, mais pas à lui, tu hurlerais presque de ton fort intérieur. Mais tu te retiens, reprenant la maîtrise qui te caractérise habituellement.
Tu deviens volatile Stian, c'est dangereux.
Pour toi, comme pour les autres.