après le rp midas-ezra ※ appartement de ezraQuatre-vingt troisième heure.
Une trentaine de minutes, et les secondes s'accumulaient, entassées les unes avec les autres pour former un amas informe de solitude ; au creux d'une poitrine vide de tout, froidement grondant entre les entrailles, les mains étaient froides lorsqu'elles se refermèrent sur les clés de l'appartement - puis sur la poignée de la porte d'entrée.

Le regard était éteint, il ne persistait dans les pupilles aucune lumière, n'existait au-dessus d'un faciès glacial qu'une fausse douceur dessinée à l'aquarelle.
Dans l'entrée, une chienne curieuse s'était invitée près d'elle, et Simca haussa les sourcils, se pencha légèrement en avant, une main dirigée vers sa truffe ;

Qu'est-ce que tu fais là, toi ? C'est Ezra qui t'a adoptée ?

Et à peine la chienne s'osa à humecter son parfum qu'elle repartit, la queue entre les jambes, prise d'un frisson visible lorsqu'elle couinait jusqu'à la chambre.

Ah.

Les tentures étaient fermées, et Simca fit entrer la lumière dans le salon ; pas qu'elle s'y plaisait particulièrement, car elle préférait l'obscurité, mais elle avait remarqué quel effet les rayons tendres du soleil avaient parfois sur Ezra ; qui plissait les yeux et s'armait d'un rictus invisible.

Elle s'était dirigée vers la cuisine, avait fait chauffer de l'eau, regardait l'heure d'un oeil timide. Sans doute la chienne avait réveillé Ezra, car des pas se firent entendre ; Simca songea que ce n'était pas une heure à laquelle il se réveillait habituellement. Elle l'attendait plus tard ; et puis les pas n'étaient pas les siens ; il était plus discret. Alors en versant l'eau chaude dans sa tasse, Simca ne tourna pas le dos en levant la voix vers celui qui s'était invité dans l'encadrement de la porte de la cuisine.

Je ne veux rien savoir de ce que vous faisiez dans la chambre de mon frère.

Se retourna ensuite et papillonna des paupières.
Sa vue périphérique en avait déjà vu bien assez : elle se concentra avec force pour que son regard reste figé sur le visage de celui qui s'était présenté dans son plus simple habit ;
Midas, debout, là, nu.

Ah. Midas, c'est ça ? Un vêtement ne serait pas de trop.

après le rp midas-ezra ※ appartement de ezraLe regard était las, épousait sans conviction des formes brutales, des traits abrupts ; ses épaules carrées qui donnaient l'impression de pouvoir y porter le monde. La voix vrombissait au-dedans d'une cage thoracique trop large pour le pauvre palpitant qui s'y débattait avec peut-être trop d'ardeur mais surtout vainement ; l'existence qui s'articulait devant elle ne lui inspirait rien sinon le vide ; et Simca songea que, peut-être, il était plus facile d'exister en étant celui qui grondait le plus fort, lorsqu'à l'intérieur c'était aussi mort que chez elle.

Es-tu idiot ?

La question posée avec une brute sincérité ; ce n'était d'aucune véhémence, d'aucune violence qu'elle siffla entre ces lèvres des mots pourtant rigides ; mais la question se posait. Car Simca ne préparait rien sinon le thé qu'elle avait entre les mains, et aucune odeur ne flottait dans la cuisine.

A défaut d'y croire, tu pourrais au moins faire semblant de t'intéresser à Ezra.

Et savoir alors que l'alimentation n'était pas aussi simple que ça ;
Pas aussi simple que sa soeur qui amènerait du bacon et des oeufs, les ferait cuir alors que l'odeur même pourrait suffire à lui filer la gerbe ; il avait ses phases, Ezra, et Simca n'avait aucune intention de les lui brusquer. S'informerait de son état avant de décider quoi que ce soit.

Ce doit être l'adage des gens de votre espèce, j'imagine. En dépit de toute votre bonne volonté, les capacités peinent à suivre.

Un rictus au bord des lèvres.

Enfin, je crois au moins comprendre ce qu'il te trouve.

Ezra n'avait jamais été très difficile ; il ne fallait pas tant prendre soin de lui pour le toucher ; seulement s'intéresser à lui - c'est qu'à défaut d'avoir qui que ce soit dans sa vie il prenait n'importe qui.
Alors il suffisait de peu ; et un seul coup d'oeil de Simca eut suffit à faire l'inventaire de ses atouts, le regard se relevant avec la nausée en supplément.

après le rp midas-ezra ※ appartement de ezraAu spectre qui traversa la cuisine, Simca n'adressa aucun regard car les pupilles dilatées s'étaient enquises de la silhouette rustre ; aux cheveux dorés au regard persistant, à la voix qui s'écrasait contre les tympans sans qu'aucune mélodie n'y chante. N'aurait pu détourner le regard, car cela voulait dire le laisser s'échapper ; qu'il s'abandonne à l'emprise de ses doigts invisibles comme ceux d'un fantôme. Un murmure inaudible glissa à ses lèvres froides et un frisson dut gagner la colonne vertébrale du doré colosse. Un rictus tendre aux joues laiteuses, les ongles de Simca gagnèrent le crâne de Ezra qui reposait alors contre elle lorsque Midas s'éclipsa le temps de s'habiller ; il était temps.

C'étaient de murmures qu'elle inonda l'air autour d'eux, asphyxie au bord des poumons vidés de tout air.

Tu as l'air fatigué, mon ange. On ira chercher des fleurs, plus tard, toi et moi, d'accord ?

Et au retour du titan ; Simca papillonna des paupières ; à la lumière éclatante et vulgaire de sa voix qui hurlait trop fort - hurlait-il d'ailleurs ou était-ce le ton naturel de toutes ses interactions ? - adressa un sourire froid.

La voix claire de Simca s'éleva avec tendresse, mesurée et pleine d'un amour froid et impersonnel.

Oh, pars-tu si tôt, déjà ? Serait-ce moi qui te fais fuir ?

Elle secoua la main devant elle, habillée d'un sourire doux, levait ses joues jusqu'à plisser des yeux comme si la joie éclaboussait son visage pourtant froid.
Comme habité par la mort ;
Un fantôme murmurant dans le dos de Midas - imperceptibles mots, rien que des désagréables impressions.

Loin de moi l'idée de te forcer la main, bien entendu, mais tu es le bienvenu si tu voulais petit-déjeuner avec nous.

Posait sa joue sur la tête de Ezra près d'elle.

Pas vrai, mon doux ?

Caressait sa joue avant de lui faire relever la tête avec douceur, avant de se diriger vers le frigo.
Elle y avait laissé des tas de victuailles ; des oeufs, des salades, parfois elle y déposait des boîtes à repas auxquelles il ne touchait jamais. Ca n'était pas très grave. Elle préférait donner les restes aux chiens que de le savoir en proie à trop d'impuissance ; à cuisiner, à planifier, à s'acheter à manger.

Midas, tu iras bien nous chercher du bacon et du pain à l'épicerie en bas ?

Referma le frigo.
Ne le laisserait pas partir sans avoir gagné du terrain ; sans s'être assurée d'avoir une prise, au moins minime ; devait avoir le contrôle ; qu'il ne lui échappe surtout pas.

après le rp midas-ezra ※ appartement de ezraNulle guerre aux abords des Enfers ; seule était la désolation qui faisait gronder les entrailles. Simca ne menait nul combat ; sinon celui contre elle-même ; et c'est de silence qu'elle se drapa entièrement lorsque Midas les quitta.
Quinze minutes seulement.

Lorsqu'il revenait, c'était elle qui sortit des placards la poêle et du frigo les oeufs ; plus vive que son frère ; ce n'était pas bien difficile.

Nulle amertume aux lèvres et pourtant c'était comme acide que sa voix sifflait ; Simca s'ignorait elle-même, l'impression autour d'elle était glaciale.

Comment aimes-tu tes oeufs, Midas ?

Accorda une tendresse du regard à Ezra.

Comme d'habitude, pour toi, hm ?

Mais n'avait attendu aucune confirmation avant de préparer les oeufs de Ezra ; brouillés et baveux.
Avait fait cuir des tranches de bacon sur la poêle à côté.
Le bruit et les odeurs rendaient une impression de foyer.
Comme elle s'attelait toujours à le faire lorsqu'elle venait choyer son frère ; avec des odeurs supplémentaires. Simca n'était pas certaine de détester la présence de Midas à son chevet. Serait-elle plus sereine s'il maintenait cet état de vie auprès de Ezrael ?

Elle accorda un regard en coin aux deux, près de la table, avant de retourner à ses oeufs.

On dirait que le fantôme t'apprécie, Midas. Excuse-le, il est impoli.

Elle claqua de sa langue contre son palais ;
Ouste, dans un murmure.

Et l'impression glaciale quitta la colonne vertébrale de Midas, le laissa respirer librement ; chaudement.

Est-ce dans vos habitudes de crouler sous une indécente opulence, ou n'est-ce qu'un trait propre à ta personne, Midas ? Il y en a pour un régiment.

S'habilla d'un sourire en se retournant, le bas du dos appuyé sur les armoires de cuisine.

Je me demande ce que quelqu'un qui peut tout avoir peut bien vouloir à Ezrael ? Les personnes dans ton genre ont tendance à passer à côté de la préciosité des choses qui ne brillent qu'à l'intérieur. Qu'est-ce que tu cherches ?

Avec candeur.

après le rp midas-ezra ※ appartement de ezraAu précieux il nomma le vrai et Simca termina de cuisiner leurs oeufs ; ne regardait ni dans la direction de Midas ni dans celle de Ezra ; la poêle amourachée des grésillements et des odeurs tendres. Éteignit le feu quand celui au fond des entrailles du demi-dieu semblait encore crépiter, elle s'était habillée d'un sourire froid et sans doute aurait-on imaginé des sentiments épouser ses lèvres ou ses yeux mais Simca était restée inhabitée.

Je vois !

En servant deux assiettes ; celle de Midas bien remplie ; ses lèvres étirées ne semblaient porter aucune animosité ; et pas plus d'affect d'ailleurs. Mais elle avait déposé près de Midas une coupelle avec de l'eau froide et un glaçon ; comme pour lui laisser le loisir d'y tremper les doigts qu'il avait aventurés dans la poêle.

Un léger rire sonna au-delà d'une main qu'elle leva devant son visage avec douceur et Simca pencha la tête.

Tu es amusant. Peut-être que je devrais t'empoisonner pour te séquestrer ici et nous amuser. Tu devrais faire attention à tes oeufs... ?

Elle ne s'était pas servi d'assiette, récupéra sa tasse de thé pour la garder entre ses deux mains glacées, et s'appuya à nouveau contre le plan de travail de la cuisine, face vers la table.

J'imagine que ça a l'air d'un interrogatoire. Je m'excuse, on a pas l'habitude d'avoir des invités.

Comme une évidence.
Midas ne devait pas ignorer la réputation qui était la leur ; et le rejet que cela créait autour.

Quoique ça ait l'air, je suis contente de te rencontrer, Midas. Depuis le temps qu'on ne fait que se croiser.

Elle adressa un regard à Ezra ; mais continua de s'adresser à leur invité improvisé.

Et puis si quand je ne suis pas là, tu pouvais faire rentrer le soleil dans l'appartement, ça serait une grande joie de te savoir dans les parages.

Il était parfois hasardeux de décider si Simca était sincère ou polie ;
Mais de politesses elle ne s'encombrait qu'à partir de sentiments qui existaient pour de vrai ; de là à les identifier, l'histoire n'était pas la même.

Ezra ne me fait pas beaucoup rencontrer ses amis...

Le souffle sifflait entre ses lippes.
S'avançait légèrement jusqu'à arriver dans le dos de Ezra, gratter de ses doigts à l'arrière de son crâne au travers de ses cheveux en pagaille.

Il a peut-être peur que je les fasse fuir. Mais tu n'es pas un lâche, Midas, cela me fait grand plaisir.

Et plus bas à son frère ;

Je l'aime bien, lui.

après le rp midas-ezra ※ appartement de ezraLe regard s'était fait indiscret, les yeux épousaient les visages, épousaient les yeux en face, épousaient tout ce qui leur était offert ; dévoraient une scène qui n'était pas la sienne, et Simca papillonna de ses paupières pour s'extirper de l'emprise qu'elle avait sur elle-même ;
Inspira profondément, s'habilla d'un sourire poli, avant de se redresser.

Très bien, alors, Midas. Puisque tu le dis avec tant de vigueur, je vais le prendre pour acquis, et compter sur toi, dans ce cas.

Pencha la tête.
Aucune émotion ne semblait traverser ni le faciès ni le coeur ; elle n'était habitée de rien sinon de l'habituelle froideur qui embrassait sa peau et sa voix à longueur de journée. Elle était fatiguée d'être vide ; s'époumonait à exister au travers d'autre chose mais sans jamais y parvenir.

Une nervosité au bout des doigts qui se pressaient contre sa tasse.
Elle allait déraper.

Mince, j'ai complètement oublié de m'occuper de mes plantes, ce matin ! Ezra, je reviens plus tard, mon ange.

Ezra savait que Simca n'avait pas de plantes chez elle ;
Elle les faisait systématiquement mourir et avait abandonné l'idée depuis déjà des années.
Mais elle préservait son petit frère - et sa relation - des impulsions morbides qui pulsaient sous ses paupières lorsqu'elles se fermaient.

Midas, j'imagine que tu seras parti lorsque je reviendrai, mais ce fut un plaisir de te rencontrer. Bref mais agréable, hm ?

Lui adressa un sourire.
Laissa sa tasse sur le rebord de l'évier, avant de s'éclipser.

A tout à l'heure, je t'aime !

Ferma la porte derrière elle, partie aussi vite qu'elle était arrivée.