Elle avait autrefois le cœur plein de vertiges chaque fois qu’elle suivait la trace de ses pas. Les fragrances de son parfum qui tiraient son regard, elle suivait Dionne de ses yeux innocents, l’attachement toujours en nœud autour de son myocarde.

Et puis Achlys avait coupé la corde, rendue sa liberté factice pour à la place enrober ses poignets des chaînes de l’angoisse. Aujourd’hui, Sinistra ne réagissait plus vraiment à la présence Dionne ; celle-ci était un autre fantôme d’un temps perdu.

Alors quand elle redresse à peine la tête pour saluer la personne qu’elle croise, elle s’arrête un instant, frappée par la stupeur de ne pas l’avoir vu avant. Ah. qui traverse sa gorge. Dionne qui siège au-dessus d’elle dans les escaliers de l’Ecclesia lui envoie une boule dans l’estomac. Salut Dionne, désolé je ne t’avais pas vu.

Et elle aurait aimé ne jamais la voir, ne jamais l'aimer pour pouvoir oublier sereinement qui elle était. Du coup tu es toujours ambassadrice… Le silence qui revient immédiatement, la question transformée en affirmation certaine. Oui tu l’es toujours, pardon.

Elle se décale pour continuer son ascension. Tu sais si l’ambassadeur de Perséphone est là-haut ?

Devant Dionne, elle se sent si fragile.
Déjà les lèvres se pincent pour contenir le rugissement intérieur. Dionne se dressait comme une force de la nature qui venait briser les barrages, ravager les confins de son jardin intérieur. Sinistra avait pour pris soin de quotidiennement l’arroser, avec le meilleur désherbant. Elle s’était entêtée à ce que plus rien ne pousse outre les quelques herbes sauvages qu’elle ne pouvait dompter.

Rien ne devait demeurer à Dionne en son sein.
Elle avait bien évidemment échoué.

Même à sa hauteur, elle se sent insignifiante, et bien vite le visage se tourne vers le lointain : tout est fait pour ne pas croiser le regard qui lui rappellera une tendresse aujourd’hui interdite.

Rien de grave je t’assure. Je voulais juste… avoir des nouvelles suites aux derniers évènements. Et aussi un de mes adelphes a décidé de se marier sur un coup de tête, alors… je dois le prévenir… ça ne va pas être amusant je pense.  Une moue amère qu’elle cache à peine, l’immobilisation se fait totale quand en relevant les prunelles, elle capte l’ombre d’Achlys.

Le malaise qui hérisse sa nuque, elle vient se frotter nerveusement le bout de ses indexes. Donc ouai, ne t’en fait pas, je vais finir par le trouver haha.

Dans les pliures de sa mémoire sortent des photos en noires et blanches. Elle les avait longuement contemplé, c’était demandé : qu’ai-je fait de mal pour que se finisse ainsi cette histoire ? Dionne avait remis en cause un monde ; elle avait aimé le Temps lui-même. Quand Dionne parlait, se lisait une éternité épuisante.

Maintenant sertie de secret, Sinistra se sentait incapable de lui résister bien longtemps, de dissimuler Achlys qui déjà se dressait tout en haut des marches, maîtresse incontestée. Alors Sinistra glisse l'œil vers son démon personnel, les lèvres revêches se crispant un peu plus.

Pour Dionne et elle, il n’y avait plus rien à vouloir, plus rien à semer et les rares floraisons seraient les raisins de la colère. Oui. Oui je suis sûr. Un mensonge déjà qui se forme sur ses lèvres. C’est juste… compliqué avec tout ce qui s’est passé.

Un demi-mensonge seulement, car la peur s’est enroulée autour de sa gorge, car elle s’inquiète pour les siens et aussi pour elle. Les petits du camp ont bien sûr entendu parlé, ils se sont mis en tête d’invoquer les fantômes en plus sauf qu’on ne fait pas ça comme ça.

Elle parle et le mensonge devient une vérité, alors elle se permet un sourire. Tu vois ? Rien qui ne requiert t…. Elle se tait subitement, le pince qui l’éprend à l’idée de chasser définitivement Dionne de sa vie. ne requiert d'alerter tout le monde.

Achlys sourit doucement. De ses prunelles, coulent des larves qui se dessinent en larmes, arrachant un frisson de pur dégoût à Sinistra. Elle la voit descendre d’un pas, encore et encore jusqu’à se glisser tout juste à côté de Dionne. Tu l’as aimé ?

Sinistra détourna le regard pour mieux s’imprégner du tableau final.

Dionne. Tout va bien, ne panique pas. Simplement les beaux jours reviennent, ça impacte les enfants de perséphone. Le mensonge coule naturellement contre ses lèvres et sans même s’en rendre compte, elle hausse les épaules.

Son contact l’afflige et la peine, pourtant, elle n’en fait rien, ne se sépare pas. Elle n’a jamais réussi à lui dire au revoir.

Encore une fois, tout va bien je t’assure, tu n’as pas à t’en faire.

Elle cligne des yeux, cherche l’absence et le vide. Achlys disparaît subitement. Tu vois ? Une sieste et je me sentirai en pleine forme. Elle observe finalement Dionne et expire. Puis que tu es là, autant que je sache, comment ça se passe au conseil ? Est-ce vrai que des… factions se forment ?

Dionne, s’il te plait, dis moi que tu continueras d’agir pour les plus faibles.