Les égarés lui ont tout racontés.
Et il s'est excusé pour leur avoir fait encourir ces risques. Qu'il est heureux de les voir, relativement sains et saufs. Et que cela pourrait, malheureusement, se reproduire.
Mais parmi eux, aucun frère.
Alors Emon attend, sans que le sommeil ne le trouve; le retour de son frère se fait long, ainsi que celui d'un vieil ami d'enfance à peine retrouvé.
De ces deux là, dont la disparition taraude le fils d'Hadès, n'en reviendra qu'un.

Emon a attendu longtemps, dans la chambre de Blue.
Il aura versé son lot de larmes discrètes à l'abri des regards, en silence, dans le coin de la chambre quand ses appels se feront sans réponses.
Aura épié sévèrement les soignants venu prendre soin de lui, et une fois seuls, guette avec inquiétude son réveil.
Un, mais pas deux.

Et quand il grogne, Emon revit.
Il bondit hors du fauteuil pour s'approcher.

- Blue !

Sourcils froncés, à peine son regard croise le sien qu'il se rendort.
C'est trop.
Emon fronce les sourcils à son tour et donne un léger coup dans l'épaule du blessé, retenant le plus possible sa frustration dans cet acte violent.
Mais elle s'échappe à travers ses dents;

- Je t'ai vu dormir suffisamment pour voir que tu fais semblant !

Soupir long, soulagé et frustré à la fois.

- Désolé... J'ai attendu longtemps.

Blue est conscient, en vie.
La tension redescend brutalement, même pour lui.
Cela lui demande plus d'effort de paraitre stoïque.

- Comment te sens tu ?

Les obsidiennes qui lui servent d'iris cherchent un verre, de l'eau à lui servir, à proximité, à  la seconde où Blue lui avoue avoir soif.

- Ils vont biens.

Ils tiennent debout et sont déjà retourné aux soucis du quotidien.
L'ambassadeur  s'écarte de son lit, et verse un verre d'eau pour le blessé. Tournant à moitié son dos à lui, son air se fait plus sévère. Ils lui ont raconté e coup de génie du petit frère. C'est depuis ce moment là qu'il se fait de marbre, prétendant ne pas s'inquiéter chaque seconde du sort d'un être cher.
Mais Blue le désarçonne dans sa colère paternelle.
C'est celui dans un lit d'hôpital qui se préoccupe finalement de l'état de l'autre. Regard furtif vers la porte donnant sur le couloir, suivi d'un silence. Alors il vient lui donner le verre d'eau, avant de céder.

- Ca suffit.

Et enfin il repose ses yeux sur lui, le toisant du regard.

- Tu penses que j'étais serein, à vous envoyer dans un repaire de monstres ?!

Toutes ces vies risquées pour Bellamy de Lioncourt. Stian aussi n'était pas revenu indemne. Et Kastiel... Seuls les dieux savent où  il est.
Est-il si précieux, comparés à eux ?
Risquer sa famille pour un collègue.
Toute cette angoisse pèse sur lui, et s'échappe enfin.

- Ils m'ont ce qu'il s'est passé Blue. Qu'est-ce qui t'as pris ?! Ils étaient trois !!

Une grimace lui échappe.
Dialogue irrationnel de sa part, lui même  le reconnaît.
Car Blue a agi honorablement, il le sait bien.
C'était la seule chose à faire.

- Fils d'Hadès... C'était le moment pour l'assumer, vraiment !

Mais c'était trop pour lui.
Il se fait un sang d'encre. Son coeur s'et arrêté en ne le trouvant pas parmi l'équipe ramenant Bellamy, et Blue s'en moque.

Ah, voilà qu'il s'emporte.
Tant mieux.
Emon n'en pouvait plus de le voir insensible à ses paroles et à ses inquiétudes. Frère de sang ou non, c'était stupide de se revendiquer ainsi et de risquer sa vie. Qu'importe la haine qu'il porte au seigneur des enfers, il l'a insinué pour sauver Bellamy et le reste de son équipe.
Pour son pardon, il ira prier ce soir au temple.

C'est vrai, c'était intelligent. Sacrifier un pour sauver tous.
Que malgré la douleur, Emon les a envoyé vers une mort certaine.

Jouer au daron.
Ca vrille, encore.

- J'étais inquiet, Blue !!

Voix brisée par les heures à se demander s'ils ne se jetaient pas dans la gueule du loup. Si Stian n'irait pas chercher la mort pour rejoindre ses parents malgré ses tentatives de le garder parmi eux, les vivants, mais non c'est Blue le plus incorrigible des deux.

- Je sais que je devrais vous faire confiance, mais quand je les ai vu revenir sans toi...

Les mots s'arrêtent là. Coincés dans sa gorge. Alors il détourne le regard et croise les bras. Tant pis si ce rôle lui va mal.
Blue est revenu vivant. Les mots qu'il ne peut adresser à ceux qui n'ont pas eu cette chance lui reviendront, avant qu'il ne regrette de ne jamais les avoir prononcés.

- C'était la meilleure chose à faire, je le sais... Tu les as sauvé. Je n'aurais pas du douter, ni de toi, ni de la prophétie...

Et tant pis pour ses frayeurs.
Ce sera l'un des derniers moment de faiblesse qu'il s'autorise.
Un soupire et il lui tourne le dos.
Quel service, de proposer plusieurs vers en carton quand même... Il peut se servir un verre d'eau et s'y réfugier après cette vulnérabilité.

Après la peur, Blue arrive à le faire rire.
Il a les mots, son frère, pour lui redonner le moral : ceux qui souhaite le malheur des Olympiens.

- J'ai si hâte de voir David... Croiser son regard, s'il n'évite pas le miens.

Cette victoire ne sera pas oubliée.
Ni par lui, ni par ceux qui le regardent de haut.
Elle sera ramenée sur la table à foison, aussi longtemps qu'il le faudra. Et cela laisse un sourire sincère à ses  lèvres. Sa vengeance ne fait que commencer...
Et doucement, ses épaules se détendent.
La frustration le quitte, maintenant qu'ils ne se hurlent plus dessus. Qu'il lui ait tout dit, et qu'il l'ait entendu.
Pas besoin de réponses.

- D'abord, m'assurer que tu ailles bien.

Et finalement, le fils d'Hadès se tourne vers son frère, croisant les bras.

- Mais si tu as la force de me chercher et de me lancer un verre d'eau dessus, j'imagine que tu es en forme...

Son air sérieux s'évapore vite, laissant un début de sourire amusé. C'est bien, s'il trouve la force de se disputer. Les dégats sont donc minimes, bientôt il sera de retour à l'Atè.
Puis, dans un soupir, Emon songe à  la suite.
Aux messages de Simca, et des Spartes.
Ce moment de réconfort n'est qu'une brève pause dans une lutte interminable. Sauver Bellamy ne suffira pas. Seuls, les égarés resteront sans voix. Tant de choses qui préoccupent l'ambassadeur, en plus du deuil, en plus de l'inquiétude pour les siens et le manque de sommeil qui en découle...
Son regard esquive celui de Blue, d'à peine une dizaine de centimètres.

- Ensuite... Mettre fin aux raids Spartes.

Les mots de Seraph encore gravés dans un coin de sa tête, inoubliables.
Ils arrivent encore aujourd'hui à refermer ses traits malgré lui.
Et le  silence vient, pendant qu'il essaie de trouver une solution, n'importe laquelle, qui n'implique pas un sacrifice de leur part... Mais rien.

- Négocier avec...

Légère grimace, puis il soupire à nouveau, posant ses mains sur ses hanches, et ses yeux sur le blessé.

- Que des trucs pénibles de prévus. Alors je compte sur toi pour rester chez toi et te reposer !

Le naturel revient, et il daronne à nouveau.

C'est peut être lourd, mais ça fait beaucoup de proches qui agissent impulsivement et qui l'appellent ensuite au milieu de la nuit pour venir les chercher ou les sauver !
Ces  chers amis disparaissent sans crier gare, laissant à Emon des non dits à ruminer des années durant, jusqu'à ce que lui même viennent à rejoindre Hadès indéfiniment, et les retrouver là bas, peut être.

Un long soupir lui échapper alors que Blue s'interroge.
Les égarés ont peu à offrir, c'est que ce les demi dieux de la surface s'imaginent, c'est ce qu'on leur force à croire à eux aussi. Dans les moments de doute, Emon aussi y croit.

- De l'efficacité.

Un regard en coin, vers son frère, tandis qu'il croise les bras à nouveau.

- Nous avons retrouvé Bellamy.

Nous retrouverons bientôt Midas. Mais c'est une autre histoire...

- Tu penses qu'ils auraient mis combien de temps, sans nous ? Sans toi ?

Blue se blesse d'un geste anodin, Emon était presque sur le coup à s'approcher pour aider.
Emon laisse un souffle lui échapper, le vestige d'un rire, tut à la seconde où il s'échappe, ne laissant derrière lui qu'un rictus désabusé.

- Ah ça ! Seraph est sourd et aveugle, il faudra plus que de l'efficacité pour le convaincre, c'est vrai...

Le fils d'Hadès s'agite : les cents pas commencent, il tourne autour du lit de son précieux frère tandis que les mots du chef Sparte le tourmentent encore. S'allier à un sale type comme lui... Il faut vraiment être dans une situation désespérée pour en venir là.

- Mais nous n'avons pas d'autre choix. Plutôt ça que les Olympiens.

Un aller retour, autour du lit.

- Au moins pour éviter d'autres raids... Ce serait déjà suffisant, tu ne penses pas ?

Il en sait rien lui.
Etranger à ces problèmes, il vit sa vie de son côté.
Ah, être jeune.

- Un monde plus juste...

Des lèvres même du chef du clan Sparte, on lui a fait comprendre que ce n'était pas leur but. Ce n'est que la loi du plus fort, et préférablement, le reste des demi dieux écrasés sous leur botte.

- Oui... Peut-être...

Un faible sourire pour son frère.
Face aux olympiens, aussi agaçant soient-ils même aux yeux des Spartes, les égarés ne font pas le poids. Les Spartes adoreraient les renverser, mais sans eux. Et aider les Spartes à régner en maître sur Nausikaa serait terrible aussi.
La force, la brutalité, c'est ce qui leur manque et le seul langage qu'ils comprennent. Si Seraph était détrôné par un égaré dans un duel digne de ces brutes, là, peut-être...

- Ah, si seulement on pouvait se battre aussi bien qu'eux ! Là, ils nous écouteraient.

Un os cassé bien réfléchi, et Emon l'emporterait sur un Sparte.
Mais se battre, c'est autre chose pour eux. Ce genre de victoire ne lui apporterait aucun respect.

Ses yeux détaillent Blue, ses blessures.
Il ira prier Hadès après sa visite, remercier les dieux d'avoir préservé son frère de ces monstres et vanter ses mérites.
C'est l'air moins grave qu'il décide de changer le sujet.

- Je verrai ça plus tard, de toute façon. Et toi, hm ? C'est quoi ton programme ?

Ne pas s'attirer d'ennui: c'est ça que l'ambassadeur veut entendre.

- Oh, et passe à la maison quand tu sortiras, d'accord ? Tous les héros ont besoin de repos. Et de nourriture.

Emon challenge ne pas nourrir les chats errants, ou les égarés.
A force, il les collectionne...

Qu'il le fusille du regard, de son lit de grand blessé ! Menace incapacitée, toujours à bouder plutôt que le remercier. Ingrat, comme tous les enfants sont. Mais cela fait sourire l'apothicaire, c'est comme  ça qu'il le reconnait.

- C'est bien...

Juste vivre, un bon programme.
Ni révoltes, ni réunions. Aucune lutte constante contre les privilégiés de l'Olympus.
Bue se pose confortablement dans le lit. Ah, il était déjà l'heure de le laisser ?
Oui... après tout, Emon a attendu si longtemps son réveil. Son frère va bien, il peut partir. L'apothicaire acquiesce, avant de sourire, amusé.
Maman ?
Ah, peut-être bien, oui.

- D'accord... Repose toi bien, Blue.

Sa main se pose délicatement sur son épaule, pour ne réveiller aucune douleur. Un sourire rassuré, puis Emon lui tourne le dos, récupérant ses affaires, puis sort de la chambre.
Ah, il aurait bien dit qu'il est heureux qu'il aille bien.
Cela l'aurait énervé, à coup sûr.
Blue est un grand garçon, et même s'il joue le rôle d'un parent contre son gré, était ce seulement sa place ? Il le lui dira quand il viendra manger à la maison, tout simplement.