La musique est assourdissante et le rap de cette époque avale les mots dans un dialecte qui t'est étranger, toi, pauvre étranger. Tu comprends une parole sur deux ; tu t'ambiances à peine en hochant péniblement la tête. Cette soirée est d'un ennui mortel pour un introverti et ta console te manque, ton lit te manque. En voyant Swan passer avec une tête plus déconfite et blasée que la tienne, tu l'attrapes fermement par le bras. Tu étires un demi-sourire à peine expressif et tu laisses tes yeux faire le travail.

Tu l'avais invité à quitter cet endroit pour passer chez toi. Pour ellui peut-être, tu ferais l'effort d'être un animal social.

(...)

Une fois en haut des six étages, tu glisses la clé dans ta serrure. Ni ellui ni toi n'êtes essouflé ; ça promet un bon cardio (le pire c'est que dans son cas tu le sais).

L'appartement est assez banal et mal rangé, tu t'en excuses pas parce que Swan est Swan, c'est pas un ambassadeur ou quelqu'un d'important. C'est juste un.e pote avec qui tu brules du temps. La particularité, ce sont les figurines qui sont exposées un peu partout. Tu ne masques ni ta passion ni l'intensité de celle-ci.

Dans le canapé, tu te laisses tomber à coté de lui. Tu allumes la télé puis la console. Iel te demande si vous jouez et tu hausses les épaules.

Bah ouai. Prévu, non ?

Quand iel a annoncé qu'iel n'a pas sommeil tu as baillé la bouche ouverte puis eu le culot de préciser.

Non plus.

Tu lui glisses une manette entre les mains. Prêt à lui mettre sa raclée sur le jeu de courses - surpris quand iel gagne le premier, que tu gagnes le deuxième mais qu'iel finit par remporter la manche.

Fort.

Tu claques ta langue sur ton palais. Souris avec sincérité, t'es pas un mauvais perdant mais pas le plus beau des deux joueurs.

Swan a l'air d'être confiant.e sur sa victoire. Tu te fais la réflexion que sa vélocité virtuelle n'est pas en accord avec sa passivité indolente. Son jeu de doigt était rapide ; ses réflexes agiles ; iel n'affiche pourtant derrière la manette qu'une moue à peine victorieuse. Tu dois bien admettre qu'iel est fort, et pas qu'aux jeux-vidéos - iel est fort pour te mettre à genoux tant bien sur la télé que dans le fond du canapé.

Non non.

Rapidement, le silence revient envahir vos espaces respectifs. Tu te nourris du silence parce que tu n'as rien d'interessant à dire avec les mots - tu préfères faire parler tes yeux, ton corps tout entier. Tes intentions sont aussi limpides que de l'eau de roche et si ton sourire l'aguiche, c'est pour lui montrer (sans avoir à le prouver) qu'on ne s'ennuie pas du tout entre ces murs.

Bah...

Tu arques un sourcil, le rictus toujours gravé aux lèvres.

Pourquoi ?

Tu as une console, un lit, un ordinateur, des jeux vidéos à explorer et des séries animées à regarder. Tu as des potes (comme lui) qui peuvent venir s'amuser et d'autres chez qui crécher quand tu étouffes enfin d'être enfermé. Tu ne considères pas l'ennui Leslie car ta propre compagnie te suffit.

Bizarre.

Ellui ne te regarde pas mais toi oui. Tu ne te vexes pas du fait qu'iel t'ignore volontairement, préférant se concentrer sur l'écran de jeu. Tu glisses ta main et frôles sa cuisse dès lors que tu veux récupérer sa manette et la poser sur la table basse devant vous. Tu cherches à happer son regard et dès lors que tu l'as en otage tu le questionnes avec les yeux.

Est-ce que ça te dérange si je te touche ?
Un demi-sourire et tu caresses subtilement du bout du pouce le dos de sa main. Puis te lèves.

Soif !

Tu contournes la table et les meubles dans ton chemin pour rejoindre le mini-bar.

Veux un truc ?

Rompre le contact est un bon moyen de vérifier si tout va bien - s'iel aime il viendra de lui même le reprendre.

La chaleur de sa silhouette proche n'est pas réconfortante. Elle est angoissante, à faire monter la tension sans réellement s'assurer qu'elle est réelle et tangible. Tu doutes, Leslie, pas de tes intentions, mais clairement des siennes. Elles sont floues et nébuleuses, si bien que tu t'interdirais presque de le désirer en cet instant - par crainte et naïveté d'être offensant. Heureusement pour ton tourment, il n'est que temporaire - tu n'es pas vraiment du type anxieux, plutôt à te laisser porter par les vagues silencieuses et tranquilles. Et iel n'est pas vraiment du genre tempétueux.

T'avais soif.

Et toi aussi, dis donc.
La gorge sèche, tu te la racles bruyamment. Ton souffle se suspend à l'énième coup de chaud - ses lèvres sont proches, trop proches. Tu l'insulterais bien pour qu'iel se décide enfin à les poser sur ta nuque offerte, putain.

Swan...

Coincé contre le mini-bar, tu te contorsionnes sans efforts pour te retourner et lui faire face. Les reins cambrés, tu redresses le menton et le dévisages d'une témérité chaste.

Mérite ?

Tu n'attends pas de réponses particulières, tu aimes juste laisser vivre ton esprit chaotique.
Ta main droite glisse à ses flancs éthérés que tu effleures avec douceur. Saisis ses hanches ; emprisonnes le relief de ses os ; fléchis les cuisses pour être à hauteur de son nombril. La langue dessine des arabesques moites, à la ligne de ses poils.

Tu n'as aucune idée de ce que tu fais ;
d'où tu vas
ni pourquoi.
Mais tu irais les yeux fermés.

L'innocence est mutilée par une vague de désir - d'ange tu n'as que les traits éthérés et d'artiste une volonté puissante d'en finir. À peine tu commences à le chauffer qu'il ne tarde pas à suivre le mouvement. Tu décales ta tête sur le côté, le souffle déjà échaudé par les baisers mouillés dont tu lui as fait cadeau ; il te dévoile les rondeurs de sa peau, à nu, tu te perds un instant dans sa contemplation. Tu n'as jamais été aussi perdu qu'en cet instant, où le silence ravage ses afflictions. Swan a l'air triste mais tu n'as pas assez de compassion, Leslie, pour lui demander pourquoi ; tu préfères baisser les yeux sur le tissu moite et tendu qui peine à réprimer sa vérité.

Hmmm.

Tu hausses les épaules, ourles un sourire humide et chaud ; suave et fauve. Mordilles sa peau, goûtes au parfum âpre et salé de sa peau qui te hante encore et qui continuera de te hanter une fois le jeu terminé. Tu pourrais le dévorer tout entier - les yeux fermés parce qu'il a demandé (ordonné).

Swan

murmures alors que tu reprends les caresses aussi lancinantes et pressantes sont-elles ; puisses-tu lui arracher des soupires lubriques et honteux - qu'il cesse de te regarder comme s'il était meilleur que toi et imperméable à la faiblesse qu'incombe le gémissement doucereux.

(...)

Le brasier de tes entrailles se déplace dans ta poitrine. Le torse plaqué à sa jambe, comme un chien couché à ses pieds, tu cajoles sa cuisses et enfonces une énième fois tes ongles dans sa chair. Perdu, tu as les yeux rouverts.
Sur le désordre de ton salon derrière lui, à hauteur de la table basse. Tu cognes ton front contre le haut de son genou tremblotant et soupires.

Chambre ?

Tu ne veux pas lui laisser l'occasion de fuir alors tu reformules pour ne pas que ça sonne comme une interrogation (même si pour de vrai, tu demandes).

Chambre.

Contre sa poitrine brulante qui se soulève à chaque respiration, tu cales ta tête. Tu as mal partout, mais c'est une douleur qui s'accepte car elle fait suite au plaisir, fougueux et libérateur. Tu as le sourire béat des anges qui viennent de jouir ; les boucles blondes pervertissent le chérubin et ton visage lissé par la sueur le transforme en démon tentateur. Tu déposes quelques baisers chauds sur le torse de Swan, joues lascivement avec ses poils. Tu ne t'autorises pas plus d'affection - cela pourrait lea rendre mal à l'aise, et tu n'es toi-même pas un grand démonstratif. Il n'empêche que la proximité te berce.

Puis Swan s'éloigne. Iel se tourne de l'autre côté du lit, semble blessé ou brisé - tu ne saurais pas dire car c'est la honte et la peur qui t'habitent en réponse à cette vérité.

Leslie ?

Tu fixes le plafond, essuies la transpiration qui coule de ta cuisse et réponds d'un ton plus agressif que tu ne voulais vraiment. Tu crains qu'il te rejette alors que tu ne crois pas t'y être attaché.

((tant que ça))

Quoi ?

Iel te demande si iel peut revenir.
Tu bloques un peu, fronces les sourcils - un peu confus.
Iel n'est pas encore parti !

Bah oui.

Ça pulse dans tes veines comme une évidence. Swan aura toujours une place dans ce lit - parce que c'est toi qui l'y a invité et que c'est ellui qui a accepté.
En soit, ce n'est pas à ellui d'en redemander.

Tu te redresses sur un coude pour l'observer. Caresses le creux de ses côtés jusqu'à sa hanche.

C'était bien ?

Vous n'étiez pas très bavards de nature, ce qui pouvait rendre l'échange mystérieux et malaisant, d'un point de vue extérieur. Mais toi, ça ne te dérange pas de ne pas trop parler. Les gens se font des idées sur ton handicap - ils assument que ça doit être frustrant parfois, le silence forcé. Mais il ne l'est jamais en réalité. Tu fais parti de ces gens qui pensent sincèrement que l'absence de mots vaut mieux qu'une longue tirade superflue. Le langage du corps et les micro-expressions sont une manière de communiquer. On peut parfois plus en dire et plus trahir avec sa bouche qu'avec ce qu'il en sort. L'apathie de Swan ne te vexe pas.

Ouai, pareil.

Tu frisonnes au passage de ses doigts, contient un rire nerveux quand iel effleure le creux de tes côtes - tu es chatouilleux. Tu décides, pour t'amuser, de lea pincer sans y mettre de force, à des endroits stratégiques du corps où les caresses font à la fois rire et pleurer.

Swan !

Tu l'appelles. Dans le clair obscur de la chambre, tu as besoin de lea voir. Tu grimpes sur ellui et bloques ses bras sur les draps. Le sourire mesquin trahit la complicité que tu cherches désespérément à gagner. Tu as aimé couché avec, mais tu aimerais avoir le privilège qu'iel réserve peut-être à d'autres mecs.

Tu veux qu'iel le dise à ses amis ;
C'était plus que ça. Il était un peu con mais j'ai bien ris.

Il te vient durant le jeu de mains (jeu de vilains) que tu n'avais plus vraiment envie de jouer finalement. Derrière la fausse innocence qu'ont les enfants (et vous n'en êtes plus) se cachent des desseins plus pervers et concupiscents. Tu lae veux, tu veux sentir Swan t'embrasser, recouvrir chaque parcelle de ta peau - tu veux l'entendre souffler, gronder, exprimer son désir. Oui, c'est ça ! Tu veux te sentir désirer.

Tu es trop vrai et impulsif pour ne pas t'inquiéter de la responsabilité que tu lui apposes, sans vraiment que ça soit conscient. Tu ne vas pas au devant, habituellement, de l'étreinte et des chaleurs. Tu les accueilles quand elles viennent - c'est déjà bien.

Retourné par les prises efficaces de Swan, tu t'enfonces dans le matelas, le regard pétillant et l'estomac gazouillant. Peut-être bien que c'est juste les besoins primaires qui t'embêtent, une excitation toute bête ! Merde alors, tu te vois rougir. C'est cringe.

AH ! Défi ? Même pas peur ! Un jour...

Je te batterai.
Mais à un tout autre jeu - ça Swan l'ignore sûrement mais tu t'en souviendras. Et tu lui diras.

À sa question inattendu, tu fronces les sourcils.

Le refaire ?

Et quand tu comprends la teneur de sa proposition, tu pousses sur tes genoux pour atteindre sa bouche ; l'embrasser pour seule réponse.