maman était morte en été.
tu ne te souviens plus trop quand, trop jeune, trop triste, trop plein de colère.
tu te souviens qu'il faisait beau, que les cours étaient presque finis.
tu te souviens qu'en partant la chaleur s'installait, rendant les nuits dehors encore agréable.

dix ans plus tard, l'été s'installe à nouveau.
la tristesse et la colère de l'époque, celle dont tu ne voulais pouvais te débarrasser, refaisaient surface.

et cette colère était un combustible facilement inflammable.

pouvaient en témoigner les hématomes sur ton corps, les écorchures sur les jointures de tes poings et au visage — tous rendus aux responsables —, mais cela n'allait pas t'empêcher de travailler. ainsi, après quelques rondes, on te poste à l'entrée du labyrinthe jusqu'à la fin de ton shift.

et quel mauvais gardien tu serais si, dans la jeune nuit, tu n'avais pas senti quelqu'un arriver jusqu'à tes côtés pour t'observer ! alors, tu ne t'étonnes pas d'entendre une voix résonner près de toi, tu ne t'étonnes pas de voir un visage familier apparaître devant toi. droit, sur tes gardes, tu relèves simplement le regard pour le fixer dans le sien.

de l'étrangeté de Simca, tu en avais entendu parler, mais il fallait aussi savoir que tu en avais vu des gens bizarres dans ce métier, donc tu gardes une expression assez neutre à ses remarques. tu envoies souvent des fantômes regarder les autres dormir Simca ? cette sorte de familiarité tu te la permets plus facilement avec les égarés, frères et sœurs de peine, d'armes, de rage. j'dois faire gaffe maintenant alors... avec un sourire en coin parce qu'ils sont bien informés, j'suis bien celui que tu cherches.

vous aviez gagnés un peu de respect depuis l'incident avec Bellamy,
mais cela ne voulais pas dire que les insultes et les coups étaient oubliés,
cela ne voulait pas dire que vous resterez sagement tête baissée à attendre qu'une grâce divine vous accorde la même dignité que les autres.

ton visage était impassible mais sa venue avait fait briller tes yeux,
c'était comme si l'étincelle de la révolution s'était allumée et attendait son combustible pour enflammer tes yeux.

hmm... tu marmonnes seulement — ces fantômes avaient bien vu tes nuits encore tourmentées parfois, ils avaient vu tes blessures et la manière dont elles se dessinent sur ton corps, ils avaient peut être même entendus tes pensées ? tu ne savais pas s'ils en étaient capables. mais tu ne démentiras ni ne confirmeras ses propos, si elle savait d'accord et si elle ne savait pas tant mieux.
cela n'avait rien à voir avec la révolution.

tes mains ont un léger mouvement de recul quand elle les prend dans les siennes, plus par la soudaine froideur que tu ressens que par le geste lui-même. mais tu te laisses toucher, laisse Simca prendre tes mains et observer ses écorchures nouvelles - rouges, sombres - et anciennes - légèrement plus blanches que ta peau. tu baisses ton regard sur vos mains que, brièvement, tu remarques si différentes, les tiennes brûlantes, rugueuses, détruites dans les siennes froides, fines, soignées.

tu relèves aussi ton regard, croisant ainsi le sien. et qui te dit que j'sais pas m'battre ? avec un sourire en coin ces coups là tu montres ton visage j'les ai rendus à quelqu'un... à quelques uns même. hier, les autres jours, ce soir peut-être même qui sait, donc l'avantage, c'est que tu n'auras pas d'armes à me fournir - j'ai mes mains. tu serres ses mains dans les tiennes pendant quelques secondes avant de les relâcher — bien que tu as une épée dans un fourreau à ta hanche, ça sera toujours tes mains meurtries que tu choisiras. puis j'suis tenace. la vie te bat, t'abat, mais tu te relèves toujours car tu as la rage de la vaincre j'ai trop d'colère envers eux, tu pointes le ciel, la mine sombre envers celles et ceux qui les représentent - j'veux les tirer de leur piedestale et les remettre à leur place. et cette fois tu pointes le sol.
leur place comme vos égaux.
ou peut-être comme inférieur.e.s ?
cette question viendra après.
là, tu voulais seulement détruire cet ordre archaïque et écraser l'égo de ceux qui le méritaient.

veux-tu t’articuler entre mes doigts ?

tu verrais en elle une figure d’autorité oui, mais une figure imparfaite comme vous tous. et donc une figure dont on devra s’éloigner ou pire qu’on devra éliminer si elle sort du droit chemin, si elle va trop loin sur le chemin sanguinaire qui s’ouvrait à vous. alors tu réponds honnêtement, je suis une piètre marionnette. trop méfiant, trop instable, aimant trop ta liberté.

peux-tu promettre d’être dévoué, Dante ?

et un mauvais fidèle, Simca. tu n’étais plus croyant, tu avais oublié ces habitudes de te prosterner, prier, louer et défendre une figure quelconque, donc tu le ferais mal devant Simca qui se voulait votre guide.

mais je suis prêt à te donner mon corps entier dans le but de renverser l’ordre établi et revendiquer notre juste place dans cette société, mais seulement pour cette cause. tu dis fermement je refuse de verser du sang, égaré ou pas, injustement. ton fort sens de justice, bien que mal mélangé à ta colère innée, était plus fort — tu refusais de subir l’injustice mais aussi, et surtout, de la servir. si tu me promets de mener cette mission à bien et de ne pas t’écarter du droit chemin, je te promets ma fidélité.

pour ce nouvel ordre, je suis prêt à apprendre à me prosterner, à me dévouer, à prier et à avoir foi à nouveau.
pour ce nouvel ordre, j’apprendrais à tenir ces flammes sauvages assez basses pour devenir l’ombre de l’ombre du roi.

son toucher te tend, ayant oublié la sensation des caresses, trop habitué à sentir ta chair se faire frapper sans un bruit sourd que de la sentir frissonner. mais tu la laisses faire, la laisse découvrir le monstre qu’elle allait enchaîner,
qu’elle allait diriger,
et toi tu danseras, mal, désarticulé, entre la rage, la vie et la mort.

tu hoches la tête mais rectifie quelques parties de sa déclaration nos missions… nos valeurs… notre honneur. ferme, tu étais peut-être vigilante solitaire, mais pour cette cause tu savais essentiel l’esprit de groupe. et vu que tu apprendrais à nouveau à avoir foi, il te fallait à nouveau apprendre à penser à un groupe.

ces mots susurrés étaient une promesse d’éradiquer l’injustice de Nausikaa — un rêve que tu pensais inimaginable !
une lueur anime soudainement tes yeux, mais ton visage reste encore impassible, n’en croyant pas tes oreilles et de part ta nature méfiante. ainsi, la regardant droit dans ses yeux mi-clos, tu glisses une main sur son poignet afin de passer son jugement.

ἄκακος —  innocent
te montre Vengeance.

et tu souris, sincère, soulagé En ces termes, je suis des vôtres. tu remontes ta main vers la sienne à ton cou, pour la prendre délicatement et lui offrir un baiser, comme on offrait aux rois pour montrer sa fidélité.

Ainsi je suis vôtre.
Je suis tien.