la Bible disait “aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent”. mauvais croyant que tu es, tu rends le mal par le mal et l’injure par l’injure. pourtant à la nouvelle de Tau chez les Grands, un de ceux qui ont aboli l’ancien ordre, ton regard ne s’est pas baissé vers tes semblables mais relevé vers les Cieux. tu avais senti une sorte de fierté en le voyant tout là-haut, mais aussi une sensation d’apaisement - peut-être que le Ciel n’était pas si sourd ?
peut-être que tes ennemis n’étaient plus si barbares ?
peut-être que le sang qui coule n’est pas celui des injustes mais des innocents ?
peut-être que la justice de ta Mère peut s’aligner avec celle des Grands ?

mais le sang avait déjà coulé et innocent ou injuste il avait la même couleur, la même odeur. mais sa couleur carmine, son odeur métallique ne t’étonnaient plus depuis longtemp, continuant ton travail pour les Spartes ravalant ta haine contre eux, serrant les dents quand ils donnaient des ordres, serrant les poings quand ils te regardaient de travers ou lançaient quelque insulte — on ne dresse pas les chiens sauvages en un jour.

tu avais sacrifié tes idéaux sur l’autel que Tau avait dressé mais tu n’en voyais pas le résultat. il te fallait plus de patience.
ce n’était que le début de cette nouvelle ère. patience.

attendant les résultats, tu ne pouvais que t'entraîner sans relâche pour devenir un vrai Sparte. t’entraîner pour te faire accepter mais aussi accepter ce nouveau groupe comme le tien, t’entraîner pour montrer que ta force brute pouvait être aussi puissante que la leur si elle était domptée, t’entraîner pour canaliser cette colère - qui semblait millénaire ! - contre eux, contre les dieux, contre tous. et dans ce domaine, puant la sueur, le sang et la colère, où les voix n’étaient jamais douces, où les corps étaient imposants, dans ce domaine aux allures monstrueuses, oppressantes, tu commençais à te sentir chez toi.
parce qu’il te semblait que tout ça n’était pas si différent de toi.

une fois dans les douches, tu fixes le sol, l’eau quelque peu teintée de rouge coulant dans le drain un long moment avant de te décider à te laver proprement. te regardant dans le miroir légèrement embué, tu remarquais que ta carrure commençait à changer, que ton regard semblait moins flouté par cette rage qui t’était innée, tu quittais peu à peu cette aura adolescente dans laquelle tu t’étais enfermée pour en prendre une plus adulte — peut-être que tout ça n’était pas une si mauvaise chose ? tu secoues la tête avant d’aller t’habiller.

une serviette autour du cou, passant un coin dans tes cheveux pour les sécher, tu émerges des vestiaires-douches dans la grande salle d’entraînement. certains te saluent, d’autres te jeter des regards méchants, mais toi tu ne vois que la silhouette au pas de porte hm ? fronces les sourcils, cette silhouette se révèle familière Tau ? tu appelles depuis l’autre bout de la salle, mais ta voix n’est pas assez forte pour te faire entendre par dessus celles de ceux qui s’entraînent. tu longes le mur pour rejoindre la porte Tau !  avec un sourire, cette fois il devrait t’entendre qu’est c’tu fais ici ? sincèrement étonné de le voir dans ces couloirs puants de sang et de sueur, lui si lumineux, tu avais presque peur que la noirceur des lieux ne déteignent sur lui. tu cherches quelqu’un ? ne pensant pas qu’il aurait besoin de toi.

dire qu’ici n’était pas chez toi c’était dire qu’il te connaissait mal ! dans ce domaine puant le sang, la sueur, la colère, la vengeance bien sûr que tu en aurais les joues rougies — tu as vécu toute ta vie comme ça.

oui, ils sont des hyènes, s’amusant de la violence, de la douleur des autres, oui, ils sont des animaux sauvages mais ayant disciplinés leurs forces brutes, tu ne gagnais pas encore contre eux, tu frappais n’importe comment, n’importe quand, chargeais à l’aveugle jusqu’à ce qu’un poign atterrisse sur un bout de peau. tu te laisses dresser par ces hyènes pour te venger d’années de douleur, pour leur faire goûter leur propre sang, pour t’amuser de leur douleur.
tu deviendras comme eux.
ce n’est pas devenir comme eux s’il s’agit de faire souffrir les puissants.

moi ? étonné, mais je suis à ma place ici tu vois bien !

je- oui enfin- il ne laissait pas la chance de répondre donc tu le laisses finir. tu le regardes, regardes ses yeux fixés sur ton torse, essayant de comprendre ce qu’il y cherchait, le cœur tu l’avais, tu le sentais battre, mais ce n’était pas que du sang qu’il pompait, c’était aussi la noirceur de tes pensées qui le rongeait - Tau ne regarde pas trop longtemps, tu seras déçu de savoir que je suis comme eux -. quand il finit, tu poses une main sur sa tête, viens on parle dehors. main qui glisse pour passer un bras sur ses épaules avant d’ouvrir la marche hors des sous-sols.

ces mots, ces gestes, on aurait dit que tu l’invitais à faire couler vos sangs mais c’était juste l’aura des lieux. tu voulais simplement ne pas attirer les regards sur vous, sur lui, sur toi, bien que certains vous avait déjà remarqués — un Ange tâchant sa sainteté et un Bête qu’on ne voulait pas adopter.

une fois dehors, comme toutes les fois que tu sortais d’ici, tu remarques à quel point la ventilation des sous-sols était à demeurer. tu t’arrêtes à la sortie prenant une bouffée d’air frais, avant de repérer un banc un peu plus loin et reprendre la marche pour vous y installer.

une fois assis, tu laisses passer un instant avant de reprendre la parole. ça t’a choqué tant que ça de me savoir chez les Spartes ? tant que ça que Tau a dû descendre des Cieux, gracier les mortels de Sa présence ? enfin j’peux imaginer, je suis celui qui a toujours craché sur les Olympiens, sur leurs chiens de Spartes qui nous bouffaient dans notre propre quartier juste parce qu’on existait… j’t’ai même incité à la violence et regarde où t’es maintenant ! tu te tournes vers Tau, sourire aux lèvres. et c’est à cause toi que j’ai rejoins les Spartes. comment te penser fâché contre lui quand il est la raison de tes choix ? peut-être que tu étais fâché contre sa passivité, sa naïveté, sa sainte bienveillance, sa foi aveugle, mais elles l’ont porté si loin ! comment rester fâché contre lui ? contre un ami ? tu étais parmi les leaders du Coup, promettant un monde meilleurs pour les demi-dieux, pour les égarés ! quand j’ai vu ça je me suis dis que si c’était toi mon patron, les Spartes ça doit pas être un si mauvais choix. malgré le sang, la sueur, les regards, les insultes les gens d’ici j’les aime toujours pas, j’suis toujours fâché contre eux donc crois pas que j’me tais ! j’me laisse pas faire non plus, j’apprends d’eux pour leurs rendre la pareille, pour venger tous ceux qu’ils ont malmenés. mais ton regard se baisse quand même sur le sol comme embarrassé d’avoir changé, de t’être adoucie en quelque sorte, d’avoir pactisé avec l’ennemi pour te venger.

tu sors un paquet de cigarette et un briquet de ta poche avant d’allumer une cigarette, soufflant la première bouffée de fumée de côté pour ne pas enfumer ton ami. puis tu t’enfonces à nouveau dans le banc. expire quelques nuages de fumées avant de te tourner à nouveau vers ton ami tu aurais préféré me voir chez les païens ? plus sérieux.