i am doing my best to breathe in and out

(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

winnie apportait des fleurs pour chaque visite. il en changeait selon ses humeurs, inconscient des significations et des sens cachés, dans les pétales ou dans ses pensées, décidait d'un bouquet plutôt qu'un autre selon les couleurs, les nuages, l'odeur de la terre, l'heure du jour. et ses sentiments, évidemment, ceux-là dont il ne connaissait pas le tempérament, dont il ignorait tous les rougeoiements, dans un bataclan de pressentiments qu'il écartait d'un coup de vent, de rien, de main.
mais voilà, là, maintenant, il avait été pris de court. ah, la maison de junhao n'était pas si loin, et il serait à peine quelques minutes en retard s'il partait maintenant -le sac rempli de tout ce qu'il lui fallait, sauf de fleurs. la matinée avait été remplie de réunions, et il entendait encore son rainphone sonner, d'appels, de messages et de mails, mais il ne pouvait plus leur donner d'attention, maintenant. après celui de ce matin, plus rien ne semblait vraiment plus important. jun, c'était un grand frère comme ethel l'était : par les faits, pas tant les actes ; et à la nouvelle de sa maladie soudaine, winnie s'était bien sûr inquiété -avait laissé des médicaments sur le pas de la porte, avait commandé des nouilles à livrer chez lui, avait envoyé des messages pour s'assurer que tout allait bien (ou, au moins, pas si mal).
ah ! c'était lui qui spammait, alors, avant ? dans le présent, le mode silencieux est enclenché, et winnie en vient à la conclusion : il fallait partir, et tant pis. il lui donnerait des fleurs en plastique, celles de ses barrettes.
il arrive essoufflé, mais à peine pas à l'heure, toque à l'entrée qu'il connaît bien, enlève déjà son sac pour préparer l'embrassade qu'il donnait à chaque nouvelle rencontre avec ses adelphes. il avait hâte de le voir. la porte s'ouvre, et sa bouche aussi : jun ! d'une bonne humeur évidente, même pas besoin de regarder pour savoir qu'il sourit (on entend le soleil). j'espère que tu vas mieux ! mais cette idée, là -aaaah j'ai trop hâte, ça va être trop bien, tu verra ! il s'avance, tend déjà le bras (le piège ?). qu'est-ce qui l'attendait, maintenant ?

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

l'exclamation l'accueille comme il le faut -on aurait dit, à une autre époque, qu'il aurait eu une haie d'honneur, le chant de fidèles, et qu'on lui aurait envoyé des couronnes de fleurs qu'il aurait mis en riant, lui, l'enfant des soleils (pas le vrai soleil, non, mais ceux qu'il faisait sortir de nos poitrines, dont on ignorait parfois même l'existence, et qui nous montrait alors encore tous les possibles). l'accolade est douce, toujours, pleine de chaleur et d'affection, ah -d'amour ! puisque c'était bien de cela qu'il s'agissait avant quoi que ce soit d'autre.
winnie rit face à l'aveu, mais il comprend -lui aussi, il avait fait ça sur un coup de tête, et quelques années après, il y était encore. il avait ajouté le rouge plus tard, avait testé quelques autres couleurs, mais il revenait toujours au blanc -il y avait quelque chose dans cette teinte-là de rassurant qu'il ne savait pas expliquer. une chose qui faisait sens, qui était le plus logique des choix. AHAHAHAH le rire tonitruant s'arrête enfin. tu veux lui envoyer un message ? pour dire que tu l'avais prévenue avant de passer à l'acte. la malice s'invite dans son sourire ; winnie blaguait parfois, mais jamais méchamment.
il rentre en laissant sa main sur l'épaule de son aîné. elle était à sa place, et n'en glisse pas. mais bien sûr ! avec plaisir. tu sais où tu veux te mettre ? j'ai emmené tout ce qu'il faut, y compris des serviettes pour tout protéger, eeeeeeeet un vieux tshirt. il lâche enfin junhao pour fouiller dans son sac, et lui tendre le fameux bout de tissu (un peu mal plié, taché de partout, qui visiblement en avait vu beaucoup). tiens, enfile ça, et installe-toi. ils auraient tout le temps de discuter plus tard, quand il faudra attendre que le décolorant agisse.
il entend les oiseaux, et il a l'impression d'être au printemps.

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

une surprise, qu'il dit, et winnie sait déjà que c'est une mauvaise idée : il le sait bien, lui aussi il a fait sans demander, sans prévenir, et il s'en est mordu les doigts ; s'il a rit avant, ce n'est pas du futur malheur de justice : c'est que des cheveux, ce n'est pas si grave que ça, et que de toutes manières son management ne devrait pas avoir son mot à dire, mais c'est plutôt qu'il apprendra. oui, il comprendra que quand on est là-bas, sur le devant de la scène, les autres dépendent de nous, et nos erreurs ne nous appartiennent plus ; si cela peut sembler dramatique, c'est que winnie sait déjà tous les articles qui seront écrits, comme quand lui avait opté pour ce blanc-là, et le rouge qui l'accompagnait.
alors winnie ne dit rien, sourit encore un peu, comme s'il était le grand frère entre eux deux -et peut-être qu'il l'était, parce que winnie (petit winnie) n'avait certes jamais vécu d'atrocités, mais il avait grandit très vite quand même, et avait pris sa vie en main comme peu le font. ah ! c'était peut-être pour ça qu'il avait la tête sur les épaules, et qu'il arrivait à maîtriser ses émotions sans pour autant les étouffer : il était serein. il l'était aussi pour teindre les cheveux de justice, alors même qu'il n'avait pas fait ça lui-même depuis, oh ! une éternité.
sans attendre, la salle de bain les accueille, et winnie y place des journaux de protection sur le sol et une serviette sur le tabouret. enfin, il glisse les mains sur les épaules de son frère (avec une autre serviette) : ils y étaient. non, non, il vaut même mieux ne pas les laver 48h avant, mais écoute on fera aller. winnie s'invite dans l'espace vital de junhao et clippe la serviette pour qu'elle ne bouge pas de son emplacement, que rien ne vienne le tâcher -lui ou le reste. qu'il soit immaculé.
sans cérémonie, winnie vole la brosse visible et commence à démêler les longs cheveux, aussi soyeux que le permettait la génétique de la famille. il s'applique, s'assure de ne pas tirer, alors qu'il passe doucement les doigts entre les mèches en même temps. oui ! lundi, mercredi et samedi soirs, maintenant, et une grosse aprem le dimanche. avec les conseils, j'ai dû réduire, et même là, il faudrait que je repense un peu mon emploi du temps. les cernes étaient légers, mais pour un enfant de niké, cela voulait dire qu'ils étaient déjà trop présents. mercredi live cuisine ! on va faire un menu thaï, j'ai super hâte du mango sticky rice. il continue de brosser. et toi ? tu as pu te reposer ? s'il savait.

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

oh, tu peux ! avec plaisir. tu sais, àl est déjà venu, une fois. tout le monde l'a adoré. même si personne a cru que c'était mon frère. enfin, demi-frère, j'imagine, si on veut être exact, mais moi je ne fais pas la différence. il présenterait chacun de ses adelphes comme tels -parce que c'est ce qu'iels étaient, toustes. et bien sûr, ne t'inquiètes pas, avec plaisir. winnie le refera la prochaine fois, et celle d'après encore.
c'était comme s'il avait deviné la question qui suivrait quelques secondes plus tard -veiller sur les autres, et encore plus sur ses adelphes, voilà ce qu'il faisait de son temps libre. si certain-es le plaindrait, lui n'y trouvait rien d'autres que de la paix. ah, oui, peut-être fatiguait-il, et peut-être que pour le moment, il avait encore la vie facile -il ne savait pas ce qui l'attendait dans 6 mois, et des responsabilités qu'il endosserait en plus de sa vie déjà bien fournie. mais c'était là que winnie trouvait son bonheur : dans celui des autres.
alors il les réalisait, ces miracles là, ou plutôt il donnait un coup de pouce à celleux qui ne croyaient pas pouvoir y arriver. rien n'était plus beau que de voir des sourires, ou d'enterrer des larmes dans le passé. winnie se savait idéaliste, et l'on pouvait critiquer son état d'esprit -mais à elleux, il disait : et vous ?
demandait-il ce que ces autres faisaient, ou ce pourquoi iels voudraient de l'aide ? la question sera sans réponse.
en attendant, il fouille dans le sac -sort un bol qui a vu passer des millénaires, une spatule toute aussi fatiguée, et des bouteilles à n'en plus finir. il regarde rapidement les instructions, déjà confiant : il les connaît, maintenant. après avoir enfilé les gants, il mélange la poudre décolorante et l'oxydant. il faudrait faire un test d'allergie, mais ils n'ont pas le loisir d'attendre 48h -winnie se contente de laisser un point de produit derrière l'oreille de justice, et il attendra dix minutes. bien sûr ! bien sûr que j'ai le temps. la musculation, c'est un hobby, tu sais. et puis, même mon métier. il sort de la vaseline de son sac et commence à en appliquer sur tout le pourtour du cuir chevelu pour protéger tout débordement. si je ne le monétisais pas, je crois que je le ferais quand même. tiens, tu vois ? j'adore cuisiner. ah, peut-être aurait-il dû amener des cookies.
et toi ? ça va, avec la montée en popularité qui s'amorce ? il fixe les endroits où il applique le produit, consciencieux. tu sais, si tu as besoin de conseils, n'hésite pas. moi ou d'autres. comme tu sais, on est pas mal à être connus parmi les adelphes. winnie rit. ah, la bande de tricheur-euses.

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre, alors winnie reprend patiemment la brosse pour continuer de démêler les cheveux déjà doux, parfaitement lisses, d'une résistance sans pareil. il le savait bien (il avait les mêmes), et pourtant il continuait tranquillement. c'était presque comme si son subconscient savait, et qu'il offrait ces gestes de réconfort par réflexe. par instinct. comme il le faisait si souvent avec ses mots, vrais mais pas moins d'une douceur parfois au bord de l'overdose. oh, oui ! ça serait trop bien. je t'ai jamais vu en direct, je crois ? pffff, c'est indigne. d'eux, oui, de cette famille que winnie voulait si proche, qu'il essaie de rattraper par tous les bouts et de recoller ce qui n'arrivait plus à continuer ; il se fatiguait à nouer des liens qui n'étaient pas fait pour exister, à mélanger eau et huile comme si sa simple présence et ses envies allaient réécrire la physique -il aurait aimé, oui, mais rien ne semblait pouvoir venir à bout des amertumes entre justice et henriette, et rien ne semblait intéresser pascal dans cette famille probablement trop "reloue", et cela faisait mal à winnie, qui se sentait alors coupable de ne pas profiter de celleux qui étaient là.
et junhao l'était.
alors, winnie lui brossait les cheveux. au fond, il n'en voulait pas aux autres. qui était-il, pour imposer ce genre de choses ? leurs liens de sang n'était que divin, et les mythes racontaient bien à quel point ces familles-là ne duraient jamais très longtemps. dans le silence de cette salle de bain à la lumière électrique, winnie décida que ce n'était pas si mal. qu'il pouvait être fier de son travail.
il se penche, sors l'aluminium et des ciseaux. il n'arrivait jamais à couper droit la fine feuille de métal. quand jun se met à parler, son frère le regarde à travers le miroir -ils étaient 4 : les deux hommes, et les deux alter ego. winnie voit le doigt qui quitte la bouche.
et il comprend. il comprend le stress au fil des mots qui s'aligne sur cette corde à linge jusqu'à ne former qu'une goutte de pensée incomplète, mais suffisamment lourde pour partir -pour arriver droit dans la tête de winnie.
oui, bien sûr, winnie sait. quand les hobbies deviennent trop sérieux, et qu'on n'arrive plus vraiment à retrouver ce qu'on aimait dedans. quand on se rappelle à l'époque, que ça semblait milles fois mieux avant et qu'on ne réfléchissait pas à deux fois avant de publier tout ça. quand les attentes étaient moins grandes, et qu'on était certains de vouloir faire ça pour la vie. quand ça prend trop d'ampleur, que ça fait peur. quand on ne sait plus trop ce que ça veut dire, quand on essaie toujours de faire mieux, quand on devient effrayé de ce qu'on peut bien faire dans cette vie-là -quand tout devient trop grand, et que l'on devient plus petit encore. la seule chose à laquelle winnie n'avait jamais donné trop de temps, c'était à quoi penserait les autres. ça, ça ne l'avait jamais intéressé plus qu'à un niveau social -celui de comprendre-, et alors c'était probablement à cause de ça qu'il avait encore la tête sur les épaules après cinq longues années. son seul ennemi, au fond, c'était lui. mmmh. oui. rien ne m'en empêcherais, en réalité. je n'ai pas vraiment besoin de travailler, et maintenant avec le conseil en plus, ça semblerait presque normal. il pose le rouleau de métal dans une musique étrangement mélodieuse de feuille qui se froisse. et parfois je fais des pauses. il y a des moments où c'est nécessaire. pas que pour moi. en fait, probablement que je les prends plus pour mon équipe, ahaha, mais c'est un bon indicateur. je sais que j'ai tendance à en faire trop. et que je ne sais jamais vraiment quand m'arrêter. et, c'est souvent quand je m'arrête que les doutes viennent. ou quand je reprends, et que ça a l'air bizarre. que ça fait moins de sens. que j'ai envie d'arrêter une heure après le début du stream, que les commentaires m'agacent plus que d'habitude. je ne sais pas s'il y a de réponse à ça. il enlève d'un coup de serviette le petit point de produit : la peau est normale, il n'y a pas d'allergie. il replace la protection, découpe deux bandes d'aluminium. parfois, il faut forcer ; parfois, il faut se laisser le temps. je crois que je ne suis pas encore assez sage pour faire la différence. je parle aux gens. les gens savent mieux que moi, parfois. enfin, souvent, quand il s'agit de moi. il attache les cheveux de jun pour ne laisser qu'une seule mèche s'en échapper, bientôt mise sur son lit de métal. le pinceau plonge dans le produit, le mélange encore un peu, et ça commence : il applique, du haut vers le bas. ah. impossible de retourner en arrière. mais je n'en ai jamais été dégoûté. je crois que c'est aussi parce que j'en ai été privé en arrivant au camp. je ne sais pas trop comment dire, mais -je sais que c'est mon truc. la mèche est recouverte, alors winnie plie la feuille dans un bruit de craquements. mais j'ai un ami -j'ai un ami qui déteste ce qu'il a pourtant viscéralement besoin de faire. j'essaie de l'aider mais, souvent, les mots manquent. à vrai dire, je ne suis pas certain de pouvoir faire quelque chose. à part rester. jacinthe et ses violences se brisaient aux moindres tendresses. le dieu laissait alors place à un reste d'homme -pas grand chose. c'était peut-être ça, quelqu'un qui aurait dû arrêter.
pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? il devait savoir, pour pouvoir te dire de continuer ou de t'arrêter.

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

intense ! il n'en doute pas ; il a déjà vu les différences entre les rencontres par proxy et celles en présence. il a aimé prendre des photos, à vrai dire il avait mal aux joues de sourire et n'arrivait même pas à arrêter cette torture voulue, et il avait aimé aussi entendre tous ces gens-là de vive voix. il n'en avait pas l'habitude. on lui avait dit ah, t'es plus grand que ce que je pensais ou t'es vraiment drôle en fait ou quand je rentre je te regarde et ça va mieux et s'il gardait toutes les confessions bien au chaud quelque part dans l'armoire de son cœur, c'était, comme le disait justice, intense. et winnie aimait le calme, malgré ce qu'on pourrait deviner de ses rires-tempêtes. il évitait depuis de trop être présent dehors ; c'était là aussi l'intérêt de nausikaa : la plupart du temps, il n'y avait que lui, un ordinateur, et une maison face à la mer. matériellement, il ne lui en fallait pas beaucoup plus. c'était étrange, que d'être si publique et de se terrer dans une tranquillité relative ; d'aimer les gens mais de s'en éloigner avec regret. ce genre de show, c'était trop pour lui. il n'aimait pas des attentions aussi puissantes.
mais il imaginait junhao, dans ses jolis costumes de scène, et évidemment il ne voyait qu'une star presque destinée à être là-bas. winnie se demandait parfois, comme on le fait en refermant un livre pour enfant, si les gens deviennent étoile lorsqu'un astre leur accorde un vœu. lui ne savait pas s'il y croyait : y avait-il des kami dans l'espace, en dehors du soleil et de son frère lune ? y avait-il des kaguya-sama qui descendaient des cieux ?
désormais, tout lui semblait possible.
alors winnie sourit à entendre son adelphe ; il ne voit pas le fantôme qui passe sur son visage un seul instant. il n'entend pas le hoquet, il est trop concentré sur ses cheveux pour voir le début de larme -pourquoi regarderait-il, de toutes manières, alors que jun semble si enthousiaste ? et pourtant, winnie fronce des sourcils. moi, sage ? tu parles ! il ne pouvait voir que toutes les erreurs qu'il faisait, et alors, un vrai sage saurait les juger avec perspective, en voyant l'image globale ; winnie n'avait de cette sagesse-là que de se dire qu'il essayait de faire de son mieux, encore incertain si c'était vraiment tout ce qu'il pouvait faire. mais, plus tard, avec ses grands frères à ses côtés, peut-être qu'il pourrait devenir ça : quelqu'un de bien. de mieux encore.
et quand jun répond, il voit une manière de l'être déjà. parce que voilà : jamais deux sans trois. ce n'est pas ce que j'ai dit. non, jamais ; winnie n'imposait jamais de réponse, si ce n'était l'action -et même là, elle pouvait se trouver être l'attente. c'était les autres qui décidaient, toujours, et c'était sûrement là ce qui rendait ses conseils si justes. j'ai dit que c'est une option, et que souvent je trouve que je suis le pire pour choisir laquelle suivre. le sermon n'en est pas vraiment un ; il garde le calme sur le visage, un sourire tranquille l'accompagne.
winnie ne dira rien sur jacinthe ; il laissera ses commentaires bien loin d'ici, parce que cela ne concerne que jacinthe et lui (parce que cela a un goût d'échec qu'il n'aime pas). merci. mais il n'est pas question de lui. une petite tape sur l'épaule, comme pour dire à jun de se redresser, de se replacer, de se concentrer. mmh ? il ne posera pas d'autres questions, ou du moins pas de suite. c'était à jun de décider s'il voulait lui parler, winnie préférait croire qu'il pouvait encore le faire sans que son frère ne le pique de plein d'interrogations trop simples pour avoir des réponses faciles.
l'aluminium avait renfermé la mèche pour quelques minutes, il fallait en amasser encore un peu avant de l'ouvrir.

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

winnie le sage, et plus l'ourson. ah, il aurait grandi déjà, semblerait-il, mais jamais trop ; il gardera en lui ces phrases simples qu'il dit sans trop y penser, ou alors en y réfléchissant absurdement longtemps, et il les lâchera comme des fleurs mais elles se transforment en d'autres choses. il ne sait quelles graines il sème. alors, peut-être qu'un jour grandira une dionée. et, peut-être, qu'elle lui mangera le cœur.
non, non, pas le pire tout court, le pire pour prendre soin de moi. c'était là un mensonge dont il ne connaissait pas la nature ; winnie était réglé comme une horloge, et dormait précisément le nombre d'heures qu'il le lui fallait, et mangeait largement assez, et relâchait la pression dans les matinées à suer, et se préparait des soirées rien qu'à son nom, mais ! mais il était vrai, ce mensonge, en un point : winnie avait du mal à s'arrêter. à comprendre ses limites, à accepter les pauses dans ses travails si prenants ; il ne voulait pas retarder tout ce qui pouvait être créé, et il continuait de façonner de ses mains des choses pour faire rire et sourire sans se rendre compte des taillades qui s'accumulaient sur ses paumes. c'était de cela qu'il voulait parler. si on lui laissait le choix, winnie déciderait toujours de travailler. c'est bien de le savoir, je crois. enfin, tu vois ! je le sais et pourtant, j'en doute encore. winnie n'était étranger qu'à un seul homme, et c'était lui-même.
winnie attend la suite de la phrase. il laisse l'espace pour que jun puisse parler, puisqu'il semblerait que cela le pèse -winnie ne va pas imaginer d'autres scénario que ce que son frère lui a confié. il prend cela au sérieux, évidemment, mais il n'avait pas idée de la profondeur du mal-être de son adelphe, et d'à combien ses mots n'avaient de sens pour un homme qui avait perdu sa boussole. il joue avec des mèches, que le temps coule, qu'il permette aux cheveux de s'éclaircir en même temps que les pensées de junhao. pourtant, rien n'en sors.
il reste vide, et le fantôme devient un peu plus transparent encore.
ahahah, si je mets des talons, peut-être ! il s'imaginait en costume de scène comme jun, le soir de ce concert en direct, la même coupe de cheveux mais incapable de garder pour lui cet air charmant et mystérieux, ce sourire en demi-coin -non, winnie brillerait de joie d'être là, et alors il n'y aurait aucun doute sur qui était encore le plus innocent.
les mains s'affairent, défont l'aluminium. regarde ! woah, ça a super bien déteint, merci niké ! viens, faut le rincer, et après j'attaque tout le reste de la tête -c'était juste un test pour voir. il remonte un bol d'eau, trempe la fameuse mèche dedans avant de s'attaquer au reste. son pinceau passe de ses doigts au bol, et le rouleau d'aluminium danse, et il enchaîne les répétitions de la manière la plus soignée possible. mais, après un moment, il n'arrive pas à penser à autre chose qu'à cette phrase en suspend. tu voulais dire quelque chose, avant ? on en a encore pour un moment.

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(octobre 2022 ; titres par Natalie Díaz, de "American Arithmetic", Postcolonial Love Poem)

à ces mots ligne de nage, personne ne s'accrochera. winnie n'en veut pas à son frère -d'ailleurs, peut-être même ne l'a-t-il même pas remarqué. c'est incertain, parce que l'ambassadeur a parfois des éclairs d'instinct qui lui permette de tout savoir, dans une vérité absolue étrange qu'il ne remet pas en question -mais pas ici. pas ici, parce que pourquoi douter ? son adelphe lui disait tout.
ou du moins il le pensait.
il pense, aussi, ne pas forcément être le plus disponible des frères. le plus accessible, encore moins. au-delà de sa stature imposante, il y a le mythe, celui qui n'existait pas pendant leurs enfances et qui a grandi avec lui pourtant, jusqu'à parfois l'avaler ; pour combien était-il passé de yoshito à winnie ? pour beaucoup, sûrement, puisqu'on ne l'appelait plus que comme cela. lui n'y voyait pas de différence : après tout, il ne croyait pas jouer de rôle devant sa caméra. et, pourtant, winnie, jusque dans son nom, n'était fait que de belles choses. ses pensées, elles, l'appellaient par son prénom, le vrai.
une fois que tu sais, tu t'en rappelles quand ça arrive. et, petit à petit, tu essaies de voir pour changer ça. enfin, moi je fais comme ça. je crois que ça fonctionne. je dis aussi aux autres de m'aider. nadeshiko doit m'engueuler si je ne fais pas ma sieste de l'après-midi, par exemple. c'était sûrement ça, ce qui lui permettait d'évoluer : se donner aux gens qui l'aiment, qui l'aiment vraiment, et qui ne lui veulent que du bien. nadeshiko, malgré leurs différences d'opinions, restait leur sœur, et en cela elle voulait le voir briller -gagner. ah ! elle le souhaitait à toustes les niké, de toutes manières, et alors à junhao aussi. peut-être, oui, fallait-il demander aux autres de l'aimer à sa place, au moins pour un temps, pour qu'il sache comment ça fait que de choisir d'arrêter non pas par nécessité mais par réflexion engagée.
winnie n'avait pas compris la métaphore qu'il était en train de filer de ses doigts. les cheveux, pour lui, n'étaient qu'un accessoire drôle, amusant. pourtant, il repeignait les paysages de junhao, lui offrait un canvas blanc. il peint, encore et encore, sur le métal ; crée une symphonie à chaque coup. cela coupait la conversation entre eux. winnie avait ri (lui, plus petit, oui), puis souri (l'émerveillement était joli), et il s'était tu, concentré sur sa tâche. il ne regarde pas le miroir. il en crée un sur son crâne à la place. celui-là peut-il refléter les pensées ? ah. j'imagine, oui. c'est quelque chose, d'être en direct, devant tant de monde. c'est étrange, non ? cette sensation de devoir faire le show, de faire toujours plus et mieux, alors que pourtant les gens ne viennent que pour toi, pour vous, et qu'iels ne demandent rien de plus que ce que l'on sait déjà faire. il referme une papillote. je stressais beaucoup avant. maintenant plus trop. je ne sais pas vraiment pourquoi. l'habitude, j'imagine ? ça doit aussi aider, que mon public est sous forme de pixel. c'est moins impressionnant. il voit -la masse noire de monde, qui bouge comme une mer un soir d'orage, remuant au rythme des notes et des mots. oui, cela n'était pas pour lui. et tant mieux. ça serait pour jun, alors. j'ai fini. il faut laisser poser -normalement 30 minutes, mais pour nous, je pense qu'on peut déjà regarder d'ici 10. il se penche, se lave les mains dans le lavabo, les yeux vers le bas lui aussi.