A la lecture du message, Emon savait.
Il aura fallu une dizaine de minute pour se résoudre à lui répondre. Et une fois cela fait, d'autres minutes, à se masser le front, cherchant une solution.
Mettre la misère à Seraph a un prix.
Et il doit payer, tout de suite.

Arrivé le premier à la boutique, Emon est témoin de son arrivée. C'est la mort qui guide ses pas, jamais il aurait pensé la voir marcher ainsi vers lui. Simca siffle des ordres, qu'il ne comprend d'abord pas : le ton l'a surpris.
Et quand il s'exécute, elle s'engouffre chez lui impatiemment.
Si Seraph est terrifiant par sa carrure et sa force, il ne l'impressionne pas autant que Simca. Ordinairement si douce, si mielleuse, la voilà qui gronde à en faire trembler ses murs. Ses grimaces déforme le visage qu'il connait par cœur. Jamais il n'aurait imaginé ses erreurs capable d'une telle catastrophe.
C'est contre son gré qu'il entre chez lui, qu'il regrette déjà ses décisions. Mais il est prêt à implorer son pardon et à l'écouter déverser sa colère jusqu'à ce qu'elle manque d'insulte à son égard.
Le fils d'Hadès n'a pas besoin de l'observer pour sentir sa colère : elle est palpable, l'oppresse contre la porte.
Et toute la colère de Simca, c'est de sa faute.

Mais quand le ton monte, c'est  là que les épaules de l'ambassadeur cesse de fléchir sous le poids des accusations. Stature  qui se redresse, l'air sombre lui revient alors qu'il ferme la porte doucement. L'ombre se tourne vers son complice, sévère.
Elle se tient devant lui comme jamais auparavant.
Blessée.
Et quand sa voix tremble, Emon se force à rester droit.

- Oui...

Il n'y avait pas à le nier.
Ezra et Simca lui en voudront inévitablement.

- J'ai marié Ezra à Midas Warren.

Emon s'inflige la lourde tâche de soutenir son regard pendant son aveu.
Décision prise trop rapidement, sur un coup de tête, ébranlé par les évènements. Il en a oublié son alliée, pour voir la rage illuminer le regard d'un ex.

- Et maintenant les Spartes n'envahiront plus l'Atè.

Le sinistre lui échappe finalement dans un long soupir.
Malgré cela, il se sent mal.
Son regard se baisse finalement.

- Mais cela n'a rien d'une victoire si cela te fait autant de mal... Je suis désolé, Simca.

On aurait pu dire qu'il n'a pas réfléchi, mais si. C'était une occasion qu'il n'a pas laissé filé. Pour l'Atè, pour la victoire personnelle. A cela, il n'avait pas réfléchi; cet égoïsme qui fait désormais trembler la voix de sa chère Simca.
Emon quitte finalement la porte pour s'approcher d'elle de quelques pas.

- C'était injuste de ma part.

Dur, d'écouter les sanglots qui résonnent à chaque mot prononcé.
Plus dur encore de lire la peine qu'il lui a infligé, et de constater qu'il a brisé d'un bête accord ce qu'il avait de si spécial avec Simca. A agir seul, Emon a désormais peur de perdre sa seule alliée.

Simca... Je me suis précipité.

Est-ce que la colère de Seraph valait les larmes de Simca ?
Il est de toute façon trop tard pour y répondre.

Et tu as raison, encore : j'aurais dû te le dire.

Emon se tait, le sévère revient hanter les traits de son visage, mais ses yeux n'accablent pas Simca; ils sont ailleurs, ne regarde pas quelque chose de précis. Ce n'est autre qu'un regard tourné vers l'intérieur.

- Je ne peux pas me permettre de faire d'autres erreurs de ce genre.

L'atè se lève à peine. Ambrotos balbutie, et s'il va trop vite, comme maintenant, tout s'effondrera.

- Simca, tes conseils sont précieux. Indispensable, même... Si tu ne me déteste pas encore, j'aimerais que tu continues de m'aider comme tu l'as toujours fait. Et cette fois, je me monterai digne de ta confiance.

De nouveaux pas viennent réduire la distance entre eux, avec prudence. Ses yeux viennent chercher son regard, ses mains cherchent la sienne, pour l'y tenir avec douceur.

- Tu es celle en qui j'ai le plus confiance. Je suis désolée de te causer autant de peine...

Dans un soupir, il ferme les yeux, puis son regard se pose sur sa main.

- Dis moi comment je peux la soulager.

C'en est trop, de ces sourires froids qui lui pince le coeur. On ne peut rien y faire, le mal est fait. Elle le lui dit sèchement, car c'est vrai.
Peu importe s'il s'excuse ou se rachète, la peine est  là, elle pèse.
Le temps aidera.
Les promesses tenues aussi, mais la douleur aura toujours existé.

- Ne t'excuse pas, s'il te plait.

Qu'elle s'emporte ! Qu'elle lui rappelle les limites, ce n'est pas grave. C'est ainsi qu'il la préfère, sincère avec lui.

- Tu peux être en colère contre moi.

Dois, même.
Mais il le tait.
Retiens son souffle, et la couve d'un regard toujours autant désolé.

- Et t'emporter, aussi.

C'est si rare.
C'est presque un cadeau.
Hochement de tête, léger, sans la quitter du regard; Emon reste, restera aussi longtemps que sa précieuse alliée le désire. Ses doigts se referment d'avantage sur les siens pour appuyer cette promesse silencieuse, réaffirmer sa présence à ses côtés.

Emon défait avec douceur ses doigts des siens pour oser l'entourer de ses bras avec la même tendresse, pour lui offrir un peu de réconfort, puisse-t-il valoir quoique ce soit de la part de l'auteur de ces larmes imaginaires.
Simca lui donne tant. Il lui faut rendre, au centuple !
Ce n'est pas autant que ses précieux services, que cette admiration non justifiée et pourtant bienvenue. Et le profond respect qu'elle lui inspire, Emon a l'impression de l'avoir souillé avec cet acte impulsif. Ce n'est qu'un maigre début pour payer sa dette.

- Plus jamais, c'est promis.

Sa main se pose sur sa tête et console, caressant lentement ses cheveux.

- Je suis désolé, Simca... Encore, à voix basse, Je te jure que cela n'arrivera plus.