Tu commences à faire tes affaires. Le mariage est prévu pour dans quelques semaines à peine - c'est trop rapide pour l'appréhender, pourtant l'attente est difficile à supporter. Tu ne sais pas ce qui est pire : la pression de la réalité ou le fait que tu pourrais tout plaquer - si tu le voulais. Quitter cette île pour t'installer dans une pièce miséreuse à new york. Galérer mais être libre. Galérer et continuer d'être triste.

EZRA !

À l'entendre, tu te replis sur toi-même. T'as même pas eu le courage d'annoncer ton futur mariage à ta meilleure amie. La seule qui aurait pu l'entendre ; ou plutôt la seule qui a la légitimité de te hurler dessus parce que tu as fait la plus grosse des conneries.

Alyss...

Le souffle coupé, tu n'as pas encore le temps de dégainer ;
des arguments qu'elle aura déjà condamné.

Je sais... Je sais que je suis le dernier des abrutis.

Mais comment lui expliquer ?
Sèchement, tu attrapes son poignet pour lui faire lâcher la prise à ton col. Tu roules sur le côté et te relèves. T'éloignes d'elle, c'est à toi d'imposer de la distance maintenant que la limite est franchie.

J'ai pas trop eu le choix. C'est comme ça. C'est pas grave.

Tu lui tournes le dos, plus froid.
Plus fort.
((mais pas fier))

Tu devais mettre fin à tout ça ! Tu détournes le regard, la bouche tordue en une grimace disgracieuse. Tu as honte - comment lui avouer que ce soir là tu as échoué ? Il avait suffit de quelques mots (menaces) de la part de Midas pour te récupérer. Il t'avait convaincu sans réellement te persuader que tout pouvait continuer, sans que rien ne change ; même si ses sentiments sont absents au même titre que les tiens sont bafoués. Vous pouviez brûler la fièvre ensemble sans la faire monter.

Arrête s'il te plait, en rajoute pas.

Et malgré tout, incapable de la repousser lorsqu'elle envahit de force ton espace. Elle t'enlace et tu lèves une main pour caresser la sienne, puis la laisses retomber mollement le long de ton corps.

Non... Non ! Tu ne comprends pas !

S'il venait à périr ;
c'est toi qui en mourrait.

C'est tellement plus compliqué que ça.

Simca a juré que c'était lui qui te voulait, tu n'oses pas lui demander, à Midas - de peur qu'il soit mauvais menteur.

C'est Midas qui a demandé. Il veut que ça soit sérieux.

C'est ridicule, putain. Tu t'entends et c'est ridicule !

Grâce à ça, les Spartes vont arrêter les descentes dans l'Até. On sera alliés, un truc comme ça.

C’était pas aussi compliqué quand tu as voulu arrêter avec moi. C'est un coup en traitre mais Alyss le sait très bien. Tu as mal au coeur et elle décide d'en rajouter une énième couche - parce qu'elle est comme ça, hein ? Elle refuse d'être la seule à souffrir. Tu la comprends Ezra, toi aussi tu caresses la folie dès que tu coules et que personne n'a de vie à t'offrir, ni l'énergie pour te hisser - pour te sauver des abysses.

T'es cruelle.

Parce que pour une fois, t'aimerais que ça soit un peu sa faute à elle. Tu serres les dents, encaisses ses vociférations comme un enfant coupable face à sa génitrice, à bout face à l'immensité de son éducation foirée. Tu es un cas désespéré et
tu le s a i s

MAIS J'EN SAIS RIEN PUTAIN !

Tu exploses.

On a parlé ! Enfin surtout lui ! Et .. je sais pas ! Je me suis rendu compte que j'avais pas vraiment envie ? C'est toi qui m'a mis ça dans la tête et... Et merde je sais pas ! Je sais pas... C'est Simca qui m'a demandé, c'est important pour elle. Et pour Emon. Pour Midas et son frère aussi...

Elle s'éloigne de toi et tu perds pied, alerté par le flux incohérent de pensées irrationnelles, qu'elle gamberge à voix haute.

Alyss ! NON ! Pas ça, pas encore, s'il te plait...

Tu portes une main à ton front, le regard plus sauvage, plus cruel, plus injuste. Toi aussi tu deviens absurde.

Est-ce que... est-ce que t'es jalouse ? C'est la raison de ta colère ?

Et pour toi dans tout ça ?
La question, elle te frappe en plein coeur.
Tu baisses un instant les yeux, la poitrine s'affole et l'âme devient folle. Ils t'ont toujours accueilli Ezra, et pourtant de trop tu t'es toujours senti. On te répète à longueur de temps avec pitié et suffisance ; ça va aller Ez', tu vaux plus que ça mais dès que tu demandes plus que ça tu ne récoltes que des soupires et de la fausse bienveillance. Tu sais que tu les déranges, tu entends les murmures gênés qu'ils essaient pourtant de te cacher. Et cette fois tu en as marre d'être triste et d'attendre le bon moment.

Tu saisis le bon moment.
Et c'est maintenant, avec Midas.
Tu t'en persuades pour ne pas regretter ;
et finir seul quoi que tu fasses.

Tu n'as pas à avoir peur Alyss ! JE suis un grand garçon ! JE peux prendre soin de moi sans ton aide !

Ça te heurte profondément qu'elle te pense aussi faible et aussi misérable - en outre, ça te fait mal qu'elle soit aussi lucide sur ta vérité.

Un con
un inconscient
un lâche

C'est ce que tu penses ?

Tu te fermes, vexé mais surtout blessé. Assumer que tu aies pu faire une erreur t'angoisse. Tu ne peux plus retourner en arrière. Du moins c'est ce qu'on t'a donné comme impression - c'est fait, c'est fait. Simca lui a promis ta main et tu as dit bon bah d'accord sans rechigner. Comme un grand garçon. Comme un bon garçon.

Parfait.

Tu lui désignes la porte.

Sors de chez moi s'il te plait. Reviens quand tu seras capable d'être sincèrement contente pour moi.

La voix de Midas qui a déjà fait son bout de chemin dans ton esprit ;
ta mémoire marqué de ses desseins malveillants- il n'a jamais aimé ton amie.

A chaque fois qu'elle ouvre la bouche, c'est pour t'assaillir de nouveaux reproches - d'assiéger d'un bon sens qu'elle est la seule à proclamer ; parce qu'elle est ta seule véritable amie. Ça te crève d'avoir à le repousser. Et si elle n'était pas aussi bien intentionné qu'elle se tue à essayer de prouver ? Après tout, Midas a raison. Quelle amie digne de ce nom t'impose un traumatisme pareil ? Tu te revois au passé, à genoux dans une marre de sang, au milieu de cet appartement, à la supplier de survivre.

Alors tu oses, oui.
Lui demander de partir pour vous protéger vos égos blessés. Même si l'imaginer tourner le dos pour claquer la porte te donne littéralement envie de crever. Tu espères que Midas se trompe - tu n'arrives même plus à y voir clair.

Qu'est-ce que-

C'est vers toi qu'elle fonce. Elle te pousse et tu recules, indigné. Ravales la colère générée par la frustration.

EH ! T'es... COMPLÈTEMENT... FOLLE ! Et hystérique !

Tu sais avoir dépassé la limite. Tes yeux se gorgent de larmes, tu résistes pour ne pas les laisser couler. Renifles, sourcils froncés, tu prends sur toi Ezra, comme à chaque fois.

Dé-désolé. Je voulais pas dire ça...

Tu te plaques au mur le plus proche, aliéné.

Et j'aurai du te prévenir moi-même... Je savais pas comment. Pour éviter ça, justement.