les ombres parlent et ah oui elles ne se taisent jamais, ou presque, et croyez-moi personne ne veut de leur silence (non, c'est un vide étrange, de ceux qui arrivent avant la mort, ceux qu'on ne veut jamais entendre, ou plutôt qu'on ne veut pas
vivre
une dernière fois) mais cette fois-ci elles rient et s'amusent elles ne murmurent plus, elles parlent et moi je suis obligé-e de les entendre, elles disent : ah ! pauvre enfant (elles ne le pensent pas), si seulement iel ne se compliquait pas la vie à créer des histoires ! (elles ne le pensent pas), si seulement iel nous acceptait ! (elles ne le veulent pas vraiment, ça se
sent dans ah, dans tout, dans la manière dont le rien bouge et comment les illusions s'affichent, s'amènent, s'ancrent dans le faux ; et surtout parmi les autres j'entends des choses qui me perturbent, c'est des voix oui ça il n'y a aucun doute, mais étouffées, muselées, presque menottées à une distance de sécurité, là où je ne sais pas trop ce que c'est, sinon quelque chose qu'elles
(oui, elles) ne veulent pas que je sache)
et j'ai continué ma vie comme il le fallait ; avril est passé, et j'ai senti évidemment que la brume avait d'autres potins, d'autres sujets, d'autres amours que moi : je ne leur en veux pas
mais elles me mentent, et elles ne peuvent le nier parce qu'elles m'ont choisi-e et depuis elles sont de ces parents qui soupirent face à leur enfant trop malin-e, trop certain-e, trop grand-e déjà
et alors, j'ai entendu tes mots
ils n'étaient pas hurlés à plein poumons, n'étaient pas remplis de haine de colère ou de rancune, n'étaient pas alarmants comme on en a l'habitude
non, ce n'était que des
appels
à l'aide
à peine parlés
difficiles à entendre tant ils étaient désemparés
presque convaincus qu'il n'y avait rien à faire, que tu en étais déjà
condamné-e
j'ai regardé le vide
(dans un face à face étrange avec elles, la brume, comme on a l'habitude de le faire
je n'ai jamais l'air très intelligent-e, mais elles savent très bien ce que je veux leur dire)
et elles m'ont ouvert le chemin
jusqu'à toi
juste là.
incapable de te rater.
hé je ne suis qu'un-e étranger-e, les yeux cernés et le pull violacé c'est toi qui envoie les appels à l'aide ? le regard calme, prêt-e à tout encaisser
pour le retour de ma tranquillité
pour satisfaire ma curiosité.

le tableau pourrait être beau :
un-e ange
aux cheveux blonds
dont les mèches se mélangent
aux épis de blé pas encore prêts à être moissonnés
iel a les yeux révulsés, ouverts mais qui ne voient rien
un dormeur du val pas encore emmené en hiver
et elles, tout autour, les esprits cogneurs, les moqueuses les vilaines les horribles tourmenteuses.
le corps parle encore, il n'a pas encore les deux trous sur le côté
tant mieux, le rouge n'irait pas au reste des couleurs.
je m'avance, m'accroupis
la supplique est entière, mieux qu'une prière, à rien d'être suicidaire
c'est étrange, non ? ça n'a pas de sens
iel a l'air âgé déjà, tout-e hécate aurait déjà maîtrisé la brume un minimum, et jamais je ne les ai vues si ardemment hanter un étranger
un pincement de jalousie survient
mais non -non, elles me l'ont dit en caressant mes cheveux. elles m'ont choisie.
je fixe le vide, de là où encore on dirait le rien, et pourtant elles ne s'arrêtent pas ah vraiment, quelle est cette histoire-là ? j'ai encore espoir qu'elles écoutent alors je dis : allez, arrêtez, vous vous êtes déjà bien amusées, laissez-lae donc tranquille. vous avez vu son état ? des dizaines de cascades de justifications arrivent d'un coup ah, ah oui bien sûr fait exprès, mhmh, c'est censé vous excusez ? allez, oust, de l'air, mettez-vous derrière moi. et c'est un ordre cette fois-ci
j'attends quelques secondes
et pour celles qui n'ont pas obéit, j'oblige
et je regarde, là, en bas
le visage au linge blanc
voilà qui devrait aider
dans mon dos, ça gigotte ça s'agace ça s'esclaffe
hé bien, ce n'est pas commun, d'être poursuivies par elles comme ça.
et ça demande : qui es-tu ?
mais j'attendrai que tu respires pour te le dire
pour devenir vampire

je regarde
j'observe
elles ne disent rien et en cela ce n'est pas normal
j'aurais préféré qu'elles crient comme elles le font toujours qu'elles rient qu'elles s'esclaffent qu'elles se moquent oh qu'importe, je n'aime pas quand elles restent silencieuses
à chaque fois que ça arrive
c'est mon monde qui bascule, qui s'incline, qui se plie pour continuer de les faire vivre
comme si mon existence ne servait qu'à les divertir, ces dames qui ne disent jamais ce qu'elles veulent, ces harpies oui, ces sirènes aux pieds griffus et aux langues plus violentes encore
je vois les yeux dorés
je n'aime pas ça
je sais que c'est probablement la lumière ou un leg d'un de ces parents divins mais moi ça me fait sentir argenté-e et de toutes les places du podium ce n'est pas celle que je veux ah j'ai envie de les secouer de leur dire, allez ! on s'en va mais je sais
qu'elles ne me suivraient pas
elles me laisseraient seul-e pour ne pas te libérer.
et cette pensée me démange elle est horrible elle hante jusqu'au plus profond de mes os elle s'est installée là où rien ne devrait jamais aller et je crois que le jour où je perdrai mon cœur on n'y trouvera que de cette poussière, ah ! si c'est toi qui me l'enlève, ne la respire jamais, c'est un conseil d'ennemi qui n'a plus rien à perdre
non. c'est moi qui pose les questions. j'ai laissé le silence s'installer comme pour mâturer un grand cru avant de t'interdire d'y goûter, j'ai besoin que tu sois toujours desespéré-e alors moi j'enchaîne les mots ceux qui pourraient continuer à gratter l'intérieur de ta cervelle et dans tout ce qui t'as fait devenir un-e autre
parce que je te connais, non ?
l'ambassadeur-ice
lae premier-e mort-e
évidemment
comment oublier un-e némésis
ces fouineur-euses aux nez bien trop développés.
nom, âge, ascendance, métier. c'est un ordre, cela ne fait aucun doute je n'ai pas le temps il faut que tu sois encore déboussolé-e pour tout me donner pour continuer d'être brisé-e s'il te plaît dis-moi que pas toi aussi les voix elles sont à moi elles m'ont choisies tu peux pas être pareil c'est
pas juste
je peux les faire revenir comme je les ai fait taire.
elles ne m'ont (presque) jamais trahi-e

fais-lui confiance que vous dîtes, de vos bouches sans visages, sans noms à accuser, sans personne à amener au tribunal ; et si vous mentez, que ferais-je de vos conséquences ? j'ai la peau dure
la percer n'est pas une solution
il faut, je crois, rentrer par l'esprit
se laisser aller -donner les vérités comme tu le fais, cassie (qui l'a dit ? toi ou elles ?)
némésis
ça serait si simple
de te déclarer ennemi-e
de poser ma main sur ta joue
en une caresse tendre, satisfaite
parce qu'elle saurait ce qu'elle amènerait :
les pieux dans ta chaire, et le poison qu'ils contiennent
oui ! ça serait si simple, et alors il n'y aurait plus jamais aucune question, tu vois ? je resterai lae préféré-e, lae premier-e, lae seul-e
seul-e
seul-e, seul-e avec les voix, seul-e face à un monde qui ne comprendra jamais, seul-e dans ces fissures de réalité, seul-e à toujours savoir les horribles vérités, seul-e à parler dans un vide qui répond
que m'arrive-t-il ? j'ai toujours écouté les voix
elles savent mieux que moi
c'est ce que je me disais, je crois
mais un jour elles m'ont trahies et depuis je ne suis plus un roi
je ne suis plus qu'humain-e.
quand tu te redresses, la main s'approche
elle soutient l'épaule, glisse jusqu'au dos
ça serait si simple d'éviter le compliqué
d'en arrêter là avant de se piéger dans les sentiments
c'est que je sais déjà, cassie, qu'on ne peut que trop s'aimer, ou pour toujours se détester.
tu es mort-e, oui. je m'en souviens. lae premier-e revenu-e. je souffle
je n'ai pas choisi, c'est mes cœurs qui me l'ont dit : on a décidé déjà
et devant tes cicatrices devant tes cernes devant tous les maux qu'on sait guérir, je ne peux que m'offrir elles sont revenues aussi, après que je sois presque mort-e. voilà des mots qui parlent d'une souffrance difficile à exprimer, d'un monde qui s'écroule, d'une logique qu'on découvre soudainement fausse après y avoir cru toute sa vie ; ça dit : moi je pensais qu'elles seraient toujours là pour moi (le reste on n'a pas besoin de l'écrire)
elles t'ont choisi-e, comme moi -ne me demande pas pourquoi, je ne sais pas, je leur ai demandé mais elles ne disent que ce qu'elles veulent, ou peut-être que ce qu'elles peuvent dans ces faits si simples on y voit l'amour que je leur porte, on y voit les habitudes les temps à nous seul-es la longueur de l'histoire qui nous lie
ah ! on se connaît bien, je crois, et alors, es-tu vraiment étranger-e ? dans tous les cas, tu peux leur dire de la fermer. c'est toi lae patron-ne un sourire puéril sur le visage
de ceux qu'elles ont trop vu sur l'enfant libre que j'ai toujours été tu peux leur dire tout ce que tu veux, elles écoutent et autour de nous, je décide qu'il n'y a plus qu'un fin filet de voix enfin, parfois pas. mais ce n'est pas grave. je t'apprendrai à les bloquer, la main de métal glisse
elle n'a pas sorti les griffes
l'autre, celle de chaire, remonte jusqu'au front
(pas de fièvre)
si tu le veux

ta peau est douce malgré la sueur qui s'y trouve, ou serait-ce la rosée ?
tu ressembles à une fleur récemment éclose, incertaine de ce qu'elle venait de faire, débarrassée des ombres qu'elle se créait seule, sans comprendre que la coupable était la victime
ce n'est pas grave
je caresse ta peau, récolte tes peines
le printemps naît ce soir.
et moi, je suis une cigüe
létal-e que quand on n'y est pas préparé-e
toi, tu es le gui, triomphant bientôt (pour qui ?), précieux et rare, à la vue de toustes et pourtant cachant un poison pareil au mien
j'ai envie de te répondre : je suis toi, un peu
et sûrement est-ce vrai
mh un instant de réflexion il y aurait beaucoup à dire puisque quelques mots ne sauraient être assez parlant pour trente cinq ans de vie et de presque morts, et quand tu tiens ma main j'ai l'impression que pourtant tu comprends déjà, et quand tu tiens ma main se rajoute celle de la brume du rien du tout qui nous lie au-delà de la frontière de nos corps et dans sa présence, dans notre partage, sens-tu mon essence ? peux-tu comprendre mes sentiments tus, mes pensées confuses, mes récits bloqués au fond de la gorge ? solan.
une autre fleur
et bientôt tu verra
les parterres colorés
toutes les possibilités
tu pourra être qui tu veux, cassie
et si tu te perds, ne t'inquiète pas
retrouve ma main. elle te guidera toujours chez nous. il n'est pas trop tard ce sont des mots tendres ; ils parlent de l'espoir, pointent du doigt ce que l'avenir peut apporter, et tout ce qu'on peut aussi aller y chercher maintenant, tu sais.
rien ne te prendra jamais ça
et dans l'intimité que nous laisse les voix
j'ai trouvé une autre famille.