Il est important de concevoir négocier soi-même pour les gros poissons. Tu t'es mis en tête de gérer d'une main de maitre le client d'aujourd'hui, parce que tu sais que les hommes puissants sont versatiles et qu'une seule contrariété peut faire basculer l'affaire. Tu veux éviter, Alastor, de devoir expliquer à tes principaux investisseurs que ta quête de fonds a été infructueuse  - ils sauraient forcément que ce n'est pas le manque d'argent en cause mais l'absence de sang-froid de ta part. Tu joues gros, ça tombe bien tu adores jouer.

Assis sur une table VIP en retrait de la salle, dans une petite pièce climatisée aux murs vitrés, vous avez une vue dégagée sur le casino dans son ensemble. Les parois sont insonorisés, ce qui vous permet de discuter sans être interrompu. Il y a également la possibilité de tirer sur des rideaux si jamais un peu d'intimité est la bienvenue.

Il y a dix minutes, tu as fait signe du doigt à une des serveuses de venir vous dépanner - tu l'as vu du coin de l'oeil disparaitre dans la foule. C'est crispé lorsque celui qui passe la porte en uniforme mal taillé est Pascal Petit. C'est une haute trahison.

Tu fais semblant de rien. Te convaincs que pour une fois, tout se passera bien. Tu veux avoir confiance en lui, croire en ses capacités, voir sa bonne volonté. Mais au fond de toi tu sais qu'au moindre dérapage tu vas l'étriper.

Et ça ne loupe pas !
Pascal renverse le whisky sur les cuisses de ton client. Nerveux, celui-ci se lève d'un coup et le repousse.

ESPECE D'INCOMPETENT ! C'est comme ça qu'on est traité ici ? C'est COMME CA HASTINGS ?!

Agacé par son comportement envers un membre de ton équipe et frustré de l'incapacité chronique de Pascal à juste exister convenablement, tu serres les mâchoires.

Terriblement désolé, rasseyez-vous. Nous pouvons vous offrir la chambre cette nuit, vous vous changerez aux frais de la maison et vous détenderez dans le jaccuzzi de la suite.

Tu tentes de rattraper le coup - si c'est un échec tu jures d'étrangler Pascal sur la table ici-même, aux yeux de tous.
((pour l'exemple))

C'est la deuxième fois que vous m'humiliez Hastings, le deal est annulé et je me tire de votre taudis.

Il ramasse son portable et sort en bousculant Pascal au passage. Une fois parti, tu grondes.

Tu... m'as fait perdre... un gros contrat.

Pascal toujours au sol, tu appuies sur son torse avec ta semelle. De sorte à l'encastrer dans la moquette du Danaé.

Donne moi une bonne raison de te garder parmi nous et de ne pas te tuer ici et maintenant. Tu me dois du fric, tu m'en fais perdre. On va pas s'entendre p'tite merde.

C'en est trop. Pascal Petit ne t'apporte que des problèmes, en plus d'être d'une lenteur affligeante dans le remboursement de ses dettes. Tu ne crains pas la cruauté, et tu sais que si tu dois y avoir recours pour lui remettre les idées en place ; tu le tortureras à sa genèse sans états d'âme. Le poids de ton corps concentré dans ton pied, tu appuies un peu plus sur sa poitrine de sorte à rendre sa respiration difficile. Ta semelle remonte à sa gorge mais tu frôles ta limite - tu ne l'étoufferas pas. Tu veux qu'il parle.

((Qu'il se rappelle que son souffle est en sursis sous ton toit))

Je t'ai posé une question.

Tu bouillonnes, agacé par sa stupidité évidente. Qu'est-ce que tu peux attendre d'un jeune garçon qui n'a, visiblement, jamais été confronté aux vrais problèmes de la vie ? Tu pensais, naivement et à tort, en faire un homme - mais même l'uniforme doré du danaé peine à le glorifier.

Euuuh, euuuh... EUH QUOI ?

C'est de la faute d'Ikal !
Pendant un instant tu bloques, le regard écarquillé de stupeur et de confusion. Une pulsion lancinante te pousserait bien à le croire, mais tu l'as pourtant vu de tes propres yeux - ton réceptionniste, aussi bouffon peut-il être parfois, n'y es pour rien. Tu lâches la prise de ton pied et te penche en avant, si menaçant que la veine de ta tempe menace d'exploser.

Tu te fous de ma gueule ou je rêve ?

Deux questions,
deux questions de trop.

Tu le chopes par le col et le balances avec force sur la table, faisant se renverser les verres et les boissons.

Tu vas pas sortir d'ici vivant.

Sors un couteau de ta ceinture que tu agites comme une menace de dernier recours - peut-être que ses supplications sauront te remettre sur la voie de la raison.

Son hurlement aigu et dramatique manque de te faire lâcher ton couteau. Tu presses le manche qui glisse déjà de tes doigts moites. Le toises avec cruauté, agacé face à sa faiblesse - il a au moins le mérite d'assumer sa lâcheté. Tu ranges l'arme blanche à ta ceinture mais ne lâches pas le garçon pour autant. Il se tortille comme un animal proche de l'abattoir. Le voir aussi aussi pathétique n'arrive pas à t'apaiser.

J'EN AI RIEN À FOUTRE.

Tu pousses un long soupire d'exaspération. Inspires, expires. Tu fermes les yeux pour te calmer puis les rouvres au moment où tu resserres ta prise sur sa gorge. Mais à force de se tortiller, Pascal bascule sur le sol de nouveau, faisant couiner la moquette imbibée de rhum et de whisky.

De ton mieux... ? DE TON MIEUX ? Petit enfoiré de merde, ton mieux c'est le moins pire. Ça reste catastrophique. As-tu seulement une idée d'avec qui je traitais avant que t'arrives faire le pitre ? Est-ce que tu te rends compte, vraiment, de l'enjeu que t'as foutu en l'air ? Je rêve.

Il te parle de sa copine et le couteau jusqu'alors sagement rangé est dressé puis planté dans la table en signe d'avertissement.

Le whisky que t'as gâché. Lèche le sol et peut-être que je te laisse partir. Sois assez misérable et je t'accorderai même un congé.

Sans soldes, faut pas déconner.

La peur est assujetti par ses bas instincts. Tu contemples sa déchéance mais n'y trouves aucun plaisir. Ce n'est ni apaisant, ni amusant. Tu grimaces à le voir se tortiller sous ta poigne, le nez collé à la moquette imbibée d'alcool et de crasse - pour avoir été foulée depuis des années par les chaussures de tous les mafieux de New York City. Tu appuies sur sa nuque et le forces à se cambrer davantage.

Tu discutes les ordres ?

Te penches au-dessus de lui, autant que le permet ta carrure. Tu as mal au genou, terriblement, mais tu prends sur toi pour ne pas laisser la douleur l'emporter sur sa volonté.

Le gosse a l'air sur le point dégobiller, et tu es assez éclairé, Alastor, pour remettre en question la perspective d'une situation qui s'empire. Tu peux supporter l'odeur du whisky mais pas celui du vomi.

Relève-toi.

Le couteau est toujours planté sur la table. Tu libères Pascal et te renfonces dans ton siège.

N'importe qui d'autre aurait subi bien pire. Tu es tellement pathétique que je ne tire aucun plaisir dans le fait de te martyriser. C'est grave.

Tu tends la main.

Resserre moi un verre. Lentement. Je veux voir comment tu t'y prends.

Il y a quelque chose de réel chez Pascal, de palpable. Sa stupidité le rend plus vivant que tu ne l'es, plus intéressant en un sens, car Pascal ne se cache pas ou n'essaie pas de prétendre être quelqu'un d'autre. Tu l'envies, en un sens, que ça ne soit que la peur qui réussisse à le maitriser - s'il n'avait pas peur (il serait encore plus bête qu'il ne l'est) il serait libre d'exister sans limites.

Pour cela tu ne le tueras pas.
Tu le menaceras, encore et encore ; pour que la peur lui apprenne à faire face aux difficultés de la vie.

Ça te rassure, Alastor, de t'ériger en une sorte de mentor contre ton gré. Ça te rend moins monstrueux, moins méchant - ça t'illustre en figure d'autorité. Il est maladroit mais tu l'es aussi.

Tu vois quand tu veux.

Tu portes le verre à tes lèvres mais ne bois pas. Tu le regardes, attendri mais pas doux, amusé mais pas hilare. Tu lui tends le whisky et lui autorises (si ce n'est pas perçu comme un ordre terrifiant) à goûter.

Tiens, bois.

Le rictus placide se mue en cruel.

Tu l'as bien mérité.

À sa question un peu gauche mais perspicace, tu éclates d'un rire bruyant et sincèrement amusé. C'est vrai, il a raison de se méfier, tu es capable du pire et ça t'est déjà arrivé de proposer un verre piégé à ton pire ennemi - de le regarder sans ciller agoniser sur ton tapis. Tu n'as pas cette intention avec Pascal, mais le voir se questionner le fait remonter dans ton estime.

Évidemment que c'est empoisonné.

Tu prends un air grave et croises les bras sur ton torse. Tu le jauges et te délectes de sa mine penaude - le voir se décomposer est un meilleur spectacle que de le voir s'étouffer et baver réellement sous l'effet d'un poison mortel.

Détend-toi, tu serais déjà mort sinon.

Il a l'air d'apprécier. Tu pousses un soupire et hausses les épaules.

Bien. Alors la prochaine fois, évite de le renverser.

Une façon de dire : tu peux disposer.