il l'a vue pleurer à la télé
et a immédiatement changé la chaine.
penser au travail à la coloc et inversement allait le rendre
fou à lier, fou furieux - à ne savoir où tête donner.
ça arrive trop souvent pourtant, spécifiquement
dans des instants où les malheurs s'abattent.
rhys ne s'est pas demandé comment.

il préfère ne pas lorsqu'il voit libellule entrer
dans son champ de vision. rhys pour ne rien
souligner encore vaque à occupations
comme plier la poussette et venir la ranger
à un endroit moins encombrant de l'entrée

yoo, trop bien ça sur le ton le plus plat,
rien d'alarmant en soi.
c'est pas lui le problème à dire vrai c'est
la mère de la petite poupée, qui l'embrasse
à qui il voit qu'elle parle des fois tout bas - là

il aurait pu s'occuper de n'importe quelle enfant
de n'importe quelle famille et?? pourtant??
il a fallu que ce soit des demi-dieux
et que le daron crève bouffé par des monstres
lloyd n'était pas parti de l'ile pour qu'elle
le hante, lui envoie des signes comme quoi
c'est pas fini entre elle et lui

oui, mon sucre? tu veux j'te porte?
porcelaine, où tout bonnement 'laine
semble reine, les cheveux abimés
par les activités de la journée -
tirés par les barrettes aux milles couleurs.
l'une des évidences c'est qu'elle en était animée,
par bien de nuances dans son portrait - et ça facilitait.
chez les enfants tout est evident, les couleurs
ne sont ternies de non-dits, ou l'hésitation.
on n'y distingue pas la malveillance,
qui noie dans l'achéron.

rhys la prend dans ses bras et lui sourit
regarde moi, regarde moi
avec ton grand sourire là-
le perd pas, il te va si bien-
il lui espère un avenir tout aussi beau
que sa mère est fraiche, et lui en limbo

il tourne son attention envers libellule
à ce moment là. à se dire, peut-être c'était pas
un problème tout ce qui l'agaçait
évidemment qu'un arc-en-ciel d'émotion
ne collerait à une adulte qui a vu la vie défiler
peut-être c'est l'excès de confiance qui
le faisait déchanter - qu'on toucherait
au sujet sans en parler
il espérait voir plus de bleu pourtant
s'interrogeait, curieusement
en son absence

on demande pas vraiment son avis, parce que ça va vite
mais c'est pas grave  parce qu'il est bien payé
et que c'est une des raisons principales qu'il soit,
malgré tout resté
t'entends ta maman? tu vas nous aider toi aussi après
avec ces tons faux, mais mieux pour les enfants car on
articule mieux lorsqu'on y tend attentions, teintes des douceurs
qu'on leur accordent, sans attendre de retour. on vend
le mensonge qu'on crée un havre de paix ou on  
"accepte comme on est"

aux remarques sur sa taille, relevées - marquées
au fer dans la mémoire et sur la peau mais
pas grave pas grave - il lâche
faudrait pas qu'un truc abime ton visage
c'est ça?
laissé allez l'évident que se blesser d'une
hauteur pareille serait l'excès
enfin, pour lui y'a pas à se tracasser
il finira par faire pour elle
parce qu'elle est comme ça
et qu'il pourrait être
pour bien moins
viré

j'ferais au mieux
du haut de ses grosses baskets compensées
à la suivre

il laisse porcelaine descendre, oui m’dame. et s'exécute, les jouets qui toisent le sol, dont ils sont soudainement les maitres. un des problèmes avec les grands appartements c’est qu’il y avait plus d’espace dont il fallait se préoccuper. s’il aurait certainement préféré être plus proche de brooklyn - la liberté de venir et sortir d’ici (à manhattan, qui plus est) avec les clés le bénissait des airs de foyer.

à la coloc c’était pas la même chose. la dérision était encore fondamentale - c’est celle du manque de détail dans laquelle on s’engage, histoire de ne pas creuser le fond et s’heurter de plomb. c’est plus facile d’ainsi appeler chez soi là où ne tombe pas sur ses épaules la responsabilité de prendre soin de tout, tout le temps, décemment.

d’arès je connais qu’un gars mais il a trop la tête dans l’ile pour venir. et celui d’hermes n’a pas encore l'âge pour en sortir.

libellule peut bien décider de ce qu’elle veut ici, ne pas prendre ses piques malgré qu’elle ait été la première à les émettre - on excuse le manque d’intégrité à qui se préoccupe de l’organisation comme lui ne voudrait. il ne sait s’il dirait qu’il l’aime, mais il aime la provoquer autant (qu'essayer de) l’impressionner. la confiance accordée chante bohème aux oreilles, murmure qu’il saurait assurer. un peu d’égard lui suffit à rhys, parce que lorsqu’il la voit faire - être dans son élément (entre autoritaire, ferme, un brin cinglée et décidée) et craint ses réseaux autant qu’il respecte ses systèmes mêmes de fonctionnement.

quelle belle vie s’offre-t-on à choisir le monde qui ira faire le travail pour soi sans se préoccuper de l’image que ça renvoie? (rhys a la main pleine à ranger les quelques jouets dans la boite du salon.) fils d’hestia, d’être part du problème n’a qu’un souffle à proposer.

il pouvait plus échanger de son excentricité avec le père de porcelaine. et c’était mauvais pour lui de parler en mal de qui l’engageait surtout au vu de son métier - les mots courent vite, plus vite qu’ils ne sortent de sa bouche.

maintenant il n’y avait qu’eux.
et dans le cœur de libellule le creux, le manque de bleu.

porcelaine est trop petite qu’il lui explique les tournants qui les giflent dans l’instant. rhys espérait qu’elle n’aurait pas de problèmes pour son père maintenant manquant. comment on explique à un enfant une chose pareille, et encore plus à ses camarades? la jeunesse n’est aussi facile à vivre que certains projettent, elle se dessine dans l'indiscrétion et l’imprudence de la violence. plus grande on lui manquera d’empathie l’air de dire que c’est pas leur faute alors que ça n’a rien avoir avec elleux.

j’m’inquiète pour elle tu sais. et pour toi.

tu sauras t’en sortir. elle sait, il sait.

c’est plus - ça va être rude. ça apportera des problèmes ces histoires auxquelles on ne pense vraiment pas.

ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. la voix vacille vaguement devant la veuve - car ce n'est là un scénario écrit de ses mains où il n'engage que les désirs de qui lui fait les requêtes (et son envie irréparable de ne pas écouter ce qu'on lui dit).

la réalité du présent le dépeint autrement. il ne sera jamais plus qu’un coup de vent dans la vie d’une poupée de cire si on le lui permet. libellule en comparaison, se permettra d’avoir tous les droits sur ce qui sort de son corps parce que le consensus lui omet, dans le portrait d’une victime de circonstances idéale, les horreurs qu’elle n’a pas commis encore (et celles qui ne se divulguent que derrière feutrés par l’intimité de lit et lien conjugal). je ne remets ni ton rôle ni le mien en question. de toute l’ironie, à elle le rôle n’est démuni. il se dérobe des bleus de cœur et l’amour qui en découle dans de la discrétion, dans l’humilité, l’humiliation.

ici, il n’y a plus qu’elle et lui - et devant ce qui n’ira pas chez poupée de porcelaine il n’y aura qu’agacement lorsqu’on ose bousculer l’ordre établi.
rhys aussi ici rien ne dit - permet, car il ne sait de quoi elle est capable - la les mains sur son menton.
devant sa froideur y’a chez lui de l’agacement, libellule est certaine d’être mère à sa façon
s’illustre certainement sainte
comme à la télévision
perfection.
(une statue de marbre dans son
éternelle beauté ne pleure
pas à chaudes larmes, pas plus
que pour le spectacle
d’être femme respectable)

l’histoire n’est racontée que par les survivants après tout - porcelaine n’aura la narrative qu’on voudra lui donner. et lui il restera ici, pour elle - et pour faire ce que libellule ne voudra pas.

je t’en parle, parce qu’il existe dans l’instant par sa présence seulement. parce que contrairement à ce que tu as l’air de penser, ça me regarde. les clés qu’on lui a données dans le cœur d’un chez eux (et d’un chez lui, par extension) n’étaient pas vides de sens. parce que j’ai vu, quand tu pleures. c'est pas pour de vrai. pas de cœur tendre mais de cœur en papier mâché.

cw : mentions de victim doubt

on essaie de lui apprendre - avec la candeur qu’on attribue aux enfants qui ne connaissent pas les histoires de cœurs déchirés - qu’il y a des nuances aux liaisons dont il ne saisit pas les discrétions. il répond avec des banalités qu’il trouve alors appropriées au ridicule des propos. c’est pas choquant. si elle peut s’éviter d’être mise en question, elle se permet - dans un brin de susceptibilité opportuniste. libellule n’existe alors que par les yeux qui en font l’objet de leur désir. j’voulais pas y voir des larmes de crocodile non plus. le souci une fois l’illusion brisée c’est qu’il n’en reste que des morceaux déchirants d’une forme qu’on croyait connaitre. ainsi ici, rhys apprend à voir la silhouette d’une mère pour la nuance des horreurs qu’il lui imagine. y’a des tonnes de façon d’être en deuil qui sont pas autant se donner en cinéma. pesté dans une pudeur presque infecte, de valeurs qu’on projette à la décence, alors qu’il brandit la sincérité que lorsqu’elle l’arrange. oui à travers cette comédie, libellule ne vit que parce que les autres lui permettent. facile la vie dissimulée, pas de raison de faire sens ou de s’expliquer, il connaît - les autres peuvent parler sans avoir la main sur son cœur. les autres peuvent parler sans la heurter dans une supposée monstruosité, parce qu’on ne parle d’elle pour de vrai, jamais.

il l’entend tout de même, la limite, de fait - il ne marche pas là où on l’y défend quand c’est explicite. j’te demanderais pas de te confier, est aux airs des traités de paix. j’suis là j’peux te prendre la main, si tu veux qu’on te rassure. en a t-elle vraiment le besoin? ou seulement l’envie, dans un simulacre de banalité, feindre encore l’intimité pour aspirer le reflet d’amour qu’elle s’imaginait. il n’y en a pas là, non pas d'amour ci-bas, pas plus qu'un professionnalisme glaçant qui attend qu'on lui donne tout pour servir. le doute la concernant le teint légèrement violacé, comme les hématomes d’un corps (coeur) qu’on bat pas assez fort.

à croire le contexte qu’on lui présentait -
veuve aurait raison de ne pas pleurer,
et là des raisons légitimes d’écorcher ses états d’âmes.

rhys ne voit pas la peine de plaindre les morts s’il a fallu subir leur vie.
pourtant le père de porcelaine n’a jamais été pour lui un problème,
lloyd n’y croit que ce qu’il veut, d’autant plus quand libellule se brandit
d’impertinence presque molasse qui rampe à ses pieds,
sans le toucher, à sa culpabilité s'agripper il veut lui rappeler
qu’il ne l’a jamais aimée.

non, c’était précisément pourquoi elle s'affaisse.
libellule l’air d’espérer qu’il fonde de tendresse peut-être
alors qu’elle a du monde qui pleure les larmes
qu’elle s’interdit.

si je pars, tu trouveras quelqu’un. il n’a pas de délusions,
espère si on le remplace c’est par quelqu’un de bon
même si maintenant pour s’occuper de porcelaine
rhys se sait le mieux placé.
je vais rester. pour elle.
pour elles. tu paies bien alors évidemment,
l’air d’un rire, l’air d’un rien, déléguer sera toujours plus efficace.
à libellule permettra la liberté qu’elle n’aura autrement pas
et à porcelaine lui évitera un peu plus d’être l’exutoire de sa mère
et de ses états de nature de demi-déité, aléatoires.
c’est pas sur jusqu’à quand par contre,
et c'est ce qui l'inquiétait
j’essaie de postuler en garderie
depuis une semaine là, à peu près.
si j’suis pris j’sais pas si j’aurais encore le temps. les heures sont
consistantes alors peut-être j’aurais de la marge.

il ne croit pas que tout le monde est fait pour être parent - ni ne croit que tout le monde devrait y avoir le droit. le creux de sa main n’a pas la plus feinte affection, de chaleur, pour quelqu’un dont les imperfections en font un modèle accessible. rhys n’a pas de poignet à saisir, de pulsations à capter, là entre les doigts d'un pouvoir divin ou il ne sait- qu'au-delà de la mort de la tristesse il y a mort d’âme. quand il veut voir les couleurs sont muettes.

fils d’hestia restait confondu encore dans un sens grotesque d'humilité devant la réalité du deuil, la sienne. il n'a pas pleuré lui. il a tremblé à relire des conversations sans queue ni tete, s'est vu surveiller les réseaux pour essayer d'y aspirer la moindre once de bonheur qu'il reste. tout ce qu'il a c'est son cinéma, faire comme s'il n'y avait pas d'absence.

il s’adresse à porcelaine un peu l’air de dire tu m’aides à ranger? avec un baiser à l'arrière du crâne lorsqu’il s’accroupit pour la saisir presque de surprise, elle s’échappe de ses bras en gazouillant un peu. rhys a un rire presque heureux.