Le chant, à peine étouffé, d’un coup de feu vient rompre la cacophonie absurde de la ville. L’espace d’un instant même le temps semble se figer tandis que l’écho de la mort s’étouffe peu à peu. C’était une légère note, dans cet amas grouillant de bruit. La mélodie infâme du monde des hommes. Et tu te tiens là, silencieuse, adossée au mur, à côté de la porte de l’immeuble. Iris clos, plongée dans le néant de ton être, pour ne pas te confronter à l’essence humaine. Celle-ci même qui t’échappe depuis l’aube des temps, depuis que tes pieds ont foulé cette terre, abandonnée l’Hadès et ses abysses insondables. Pourquoi te dresses-tu ici ? Pourquoi l’avoir accompagnée ? Tu pourrais répondre simplement que c’est ton devoir, mais tu mentirais. Il y avait ce petit quelque chose d’inexplicable, cette étincelle que tu refuses de confesser. Elle avait éveillée quelque chose, elle avait une influence sur toi et c’était étrangement désagréable.
Entourée d’une épaisse fumée grisâtre, tu l’attends elle et sa chevelure enflammée. Un soupir las qui se faufile entre tes lippes, tandis que quelques autres questions t'assaillent, tentant vainement de comprendre la nature humaine. Les liens qui peut unir des êtres assoiffés de sang, ou une femme et une demi-déesse. Sans considération pour l’homme, hormis sa course folle vers le progrès, tu as été témoin de leurs plus bas instints, d’une violence inouïe sous le joug d’esprits guerriers ou de quelconque conquérant, que ce soit d’ascendance divine ou non. Et finalement, ils n’avaient obtenu aucune estime dans ta psychée. Aucune considération. Que le froid de l’hiver.
Egarée dans tes pensées, c’est alors qu’elle surgit. Proie d’une énigmatique rage, d’un chagrin dont tu ne pourrais expliquer la source. Quelques mots à peine perçues, elle te saisit par le col. Tachée par son méfait. Et toujours muette, ton iris détails le carmin qui l’imprègne peu à peu. Laissant finalement transparaître un léger rictus au coin des lèvres, une main se lève, se glisse hors de tes poches pour attraper la cigarette pendue à ta bouche, te libérant de son emprise dans le même élan d’un coup d’épaule. Différence de force conséquente, entre toi qui porte les bienfaits de ta déesse et l’enfant de l’incarnation de la splendeur, de la séduction. La fille d’Aphrodite. Puis tu romps ton silence.
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Je ne te juge pas. > Tu marques une courte pause, crachant lentement l’épaisse brume d’ivoire entre tes lèvres, avant de sortir l’autre main de ta poche, le paquet de cigarette entre tes mains et de lui tendre. <
Tu as fait ce qui te paraît juste. Bien que ça me dépasse. > Car tu es inconnue à la rage, à la rancœur. Que tu es l’hiver. Et aucune note n’est jouée au-dessus de l’autre, symphonie glaciale qui se joue entre tes lèvres. <
Je vais pas te blâmer, ou dévoiler ton petit secret. >
Tu marques une seconde pause, ton iris d’argent allant explorer les alentours, la vie grondante, rugissante. Un florilège grotesque de senteurs et d’agonies diverses et variées. La grosse pomme dans sa splendeur, mais un lieu qui n’est pas sans risque. <
Par contre. Aux yeux de ce monde, ce que tu as fait est un crime. Et ma petite, tu es bien trop jeune pour finir ton existence entre des barreaux. De plus. > Tu l’attrapes par le bras. <
Sortir n’est pas sans risque, tu le sais. Avec le sang qui coule dans tes veines. Tu as dû en entendre parler, non ? Vous êtes le repas favori des monstres. Je suis donc là pour te protéger. C’est mon devoir. >
(c) AMIANTE