A peine la porte d'entrée de chez Arden s'était claquée derrière toi que tu avais pressenti senti un regard vif et malsain te scruter de loin. Tu n'as aucune aptitude, pourtant, pour déceler ce genre d'intuition - il semble que ce sont juste la paranoia ambiance et l'angoisse qui te dominent dès lors que tu crains les autres, dès lors que tu les hais et que chacun est une menace potentielle pour venir troubler ta paix.

Tu traverses l'allée étroitre entre les tulipes et les bégonias. Rejoins le chemin et te mets en route ; jusqu'à ce qu'une ombre se mêle à la tienne. Le regard dévie vers le sol, où la silhouette de Sinistra déforme la tienne ; telle une eclipse lunaire elle fait de l'ombre au soleil. Tu étires un petit sourire, peu enclin à la culpabilité de l'avoir écarté de tes pensées ces dernières semaines.

Salut.

Tu ne te retournes pas, immobile. Ne lui offres que la droiture de tes épaule et la pélicule dorée qui illumine ta chevelure. Elle abat sa première carte, la teinte de désespoir. Tu laisses échapper un petit rire cristallin.

Pourquoi ? Tu es jalouse ?

Tu te retournes pour lui faire face, les mains derrière le dos.

Je ne suis pas venu parce que tes pensées sont ailleurs.

Et parce que tu as laissé les tiennes s'abandonner à d'autres linceuls.

Tu m'espionnais ?

Et on ne saurait dire si c'est une conclusion qui te ravit ou une accusation qui la punit.

Il ne s'agit pas d'elle, qu'elle affirme avec conviction. Tu tends l'oreille, intéressé par ce qu'elle a à redire sur tes fréquentations et sur l'érosion progressive de tes ambitions. Tu fronces les sourcils, un peu déçu quant à son propre déni - elle réfrène la torpeur de sa jalousie, alors qu'elle devrait alimenter son coeur et ses maux, devrait porter ses peurs et ses mots.

Tu es jalouse, ça me suffit. Pas la peine de noyer ça derrière des grands discours. Ça ne te sied pas, c'est ridicule.

Tu la préfères à minauder comme le font les femmes amoureuses. C'est ce que tu veux, c'est ce que tu cherches - qu'on t'aime pour ce que tu es ; à savoir un monstre dénué d'empathie. Elle, elle sait, elle comprend.

Aaah...

Tu soupires bruyamment, c'est grotesque. Tu lâches le manche de ton épée et avances de quelques pas vers elle. Tu t'autorises à la toucher - parce qu'elle est tienne, après tout. C'est elle qui le dit.

Tu es trop belle.

Un sourire faussement timide et puis il disparait. Il ne reste que l'intensité de ton regard, qui l'emprisonne dans un jugement impassible.

C'est un choix impossible.

Bref... Qu'est-ce que tu veux, Sini ? Comme tu vois, je suis devenu un homme très occupé...

Tu l'as toujours été.

Dans la jalousie de Sinistra, tu puises une satisfaction primaire et instinctive qui fait grouiller tes entrailles. C'est différent d'avec Arden, c'est un secret que tu chéries à l'abris des regards car tu alimentes le luxe de te sentir désiré. Vilain petit canard avide d'en avoir toujours plus - tu fronces les sourcils lorsqu'elle chasse tes caresses. T'armes d'un rire sardonique et grossier, pour la pousser à se sentir ridicule et honteuse d'oser te repousser.

Tu me comprends... Comme c'est amusant.

Tu penses honnêtement que personne n'en est actuellement capable. Qui pourrait donc avoir le privilège de partager tes pensées, dures et obscènes ? Qui pourrait appréhender les pulsions intrusives que tu te traines ? Tu étouffes, Cecil, avec toi-même. Et c'est déjà bien suffisant.

Poussé ? Serait-ce une jolie manière de me dire que tu vas papillonner ailleurs quand je ne suis pas là pour t'aimer ?

Le regard s'assombrit de cruauté. Tu fermes les yeux quelques secondes, frissonnes sous le frôlement de ses doigts.

Comme tu vois, elle me prend pas mal de temps.

Tu le regretteras Cecil. C'est quand elle se rendre compte à quel point tu es monstrueux que tu reviendras vers Sinistra, comme un enfant meurtri et capricieux - car elle dit vrai, elle est la seule parmi la foule d'ignares qui t'acceptera.

Ne lui fais pas de mal. Elle est amusante.

Tu cherches à deviner le secret qu'elle cache en son sein - pourquoi ne voudrait-elle pas le partager maintenant ?
Enfin, peu importe.

Je ne suis pas d'humeur à jouer aux devinettes, Sinistre.

Tu la chopes par le menton pour la maintenir à hauteur de ton visage - l'approches de quelques centimètres pour que vos lèvres se frôlent.

Si tu joues avec moi, alors je le ferai aussi.

De gentil chat ronronnant au pelage d'or, tu te mues en bête sauvage et cruelle. Tu perds ton sourire et ton assurance pour la dévisager froidement. La jalousie s'empare de toi et consume ta raison pour ne laisser brûler que le feu ardent de la violence. Tu pourrais la frapper, la marquer à jamais pour t'assurer qu'elle porte sur elle le sceau de propriété Warren - mais tu ne frappes pas les femmes ; du moins pas celles qui ne l'ont pas tristement mérité ; ou celles qui se comportent comme des guerrières. Sinistra n'en est pas une ; elle a l'âme des mers dévastées et la compassion d'une vraie mère.

C'est vrai.

Grondes-tu. Il devient de plus en plus compliqué de masquer la frustration. Elle déforme tes traits pour révéler ta monstruosité.
Tes doigts viennent chercher le pendentif que tu portes chaque jour qu'Arès bénit la Guerre, et le sors de sous ton haut pour laisser retomber contre ton torse.

Dommage. J'aurai aimé échanger une dernière valse avec toi.

Tu lui tournes le dos, vexé qu'elle ne te confie pas son secret aujourd'hui.

Si tu ne dis rien tu vas attiser ma curiosité. Toi et moi savons tous les deux jusqu'où je peux aller pour deviner. Tu ferais mieux de cracher ça maintenant.

Elle se montre mesurée envers Arden.
Tu n'en feras pas autant pour son chevalier ;

Je ne serais pas aussi magnanime que toi. Pour l'instant je le laisse tranquille mais ne me contrarie pas.

Parce ce serait tragique pour vous deux qu'elle doive pardonner une énième fois ;
ce que tu ferais par dévotion envers Sinistra.

((Lui ramener la tête de celui qu'elle préfère embrasser plutôt que te pourchasser))