Avant d'aller à l'hôpital voir ta soeur (même si elle ne t'avait pas encore répondu), tu avais décidé de passer chez elle dans un premier temps pour lui ramener un vase et des fleurs. Une délicate attention (parait-il) avorté par une silhouette blonde à l'allure spectrale. Tu reconnaitrais Alyss entre mille ! Ton coeur se serre et tu t'emploies à l'esquiver. Elle s'accroche à tes vêtements pour te trainer, puis te plaquer contre le mur crade d'une ruelle nauséabonde de l'Atè. Tu ravales ta salive lorsqu'elle crie et tu te tasses un instant, impressionné par sa force. Vous vous êtes tellement éloigné que tu avais presque fini par oublier.

Ouai bah... Considère que je le SUIS !

Tu es toujours mortellement en colère. Elle avait osé coucher avec Midas. AVEC MIDAS ! Ça te rendait fou. L'hypocrisie d'Alyss dévoilée au grand jour.

Parce que toi tu l'es pour moi, laisse-moi passer. Laisse-moi je te dis, je dois aller voir Simca à la clinique !

Difficile de justifier ta présence dans l'Até alors que la clinique se situe de l'autre côté.

J'ai plus envie de te parler.

Plutôt crever que d'admettre les torrents de larmes versés à pour elle, tard le soir, quand Midas dort déjà - plutôt crever que d'admettre qu'elle te manque et que sa trahison t'a blessé comme jamais personne ne l'avait fait.

Tu encaisses la gifle et ta tête se tourne avec l'élan. Tu te mords la joue au passage et le sang se répand dans ta bouche. Lèves une main hésitante pour te frotter la joue, tu la regardes comme un chien hargneux qui vient juste d'être mis en laisse ou gronder par sa maitresse. Elle a osé te frapper ? Tu peines à conscientiser sa légitimité, trop choqué mais surtout trop soumis pour riposter. La colère revient par vague... elle vous immerge et tu te noies.

Tss.

Tu baisses les yeux un instants puis les relèves, chargés de nostalgie et de haine.
Elle sort son portable - tu as compté les jours depuis que tu l'as bloqué. Trois semaines. Trois semaines que ça te hante.

((C'était nécessaire))

Tu te BATS pour MOI ?!

Tu la repousses brusquement.

Et t'avais besoin de baiser MON mec pour ça ? Ah et n'essaie même pas de me sortir les grands discours, comme quoi tu voulais m'ouvrir les yeux... En fait oui, je les ai grand ouvert. Tu voulais te le taper en fait, c'est ça ? Depuis le début, c'est ce que tu voulais ?

T'es à deux doigts de chialer, ça te fout en l'air de te mettre dans cet état. Surtout que lui ne le mérite pas - que vous vous déchiriez pour lui. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle t'abandonne, puis te trahisse ?

À me dire de le quitter... pour lui sauter dessus dès que j'ai le dos tourné...

Tu croyais le détester (Midas) et la haïr (Alyss) mais tout compte fait tu les méprises tous les deux. Tous les deux à te forcer insidieusement à choisir un camp alors qu'ils ont collaboré tous les deux à te faire mal. Tous les deux pour t'ouvrir les yeux sur l'autre alors qu'ils sont TOUS LES DEUX pourris jusqu'à la moelle. Tellement décevants - ce n'est pas toi qu'ils cherchent à protéger c'est l'autre qu'ils cherchent à descendre, à souiller à tes yeux.

((ça c'est une belle réussite))
de tous les deux.

T'as couché avec lui ?

Tu trembles mais ta voix est calme. Ton regard s'assombrit à mesure que le brouillard embrase tes iris d'un halo gris.

Réponds à la question : tu as couché avec lui, oui ou non ?

Et parce que c'est bien le cas, tu ne comprends pas pourquoi elle cherche à se dérober à ton jugement.

Tu t'es fait ça toi-même.

Tu la toises avec sévérité. Pour la première fois, tu sembles savoir ce que tu fais - tu t'enfonces un pieu dans le coeur pour la sacrifier. Que sa trahison soit sanctifiée.

Ne rejette pas sur Midas ta propre responsabilité. Et ne me fais pas pleurer, tu savais qu'il voulait me faire mal et pourtant tu l'as fait. T'es allé au bout. Tu l'as LAISSÉ FAIRE !

Et ça y est, les larmes coulent. Tu es tellement en colère. D'une voix plus enrayée, tu déclares :

Parce qu'il ne m'aurait pas laissé faire. Et tu le sais.

Tu exploses.

TU LE SAIS ET TU M'AS ABANDONNÉ !

Pointes le sol du doigt, alors que tu te rapproches d'elle ; l'accules contre le mur.

Il me fait déjà mal mais et toi ? Fallait que t'en rajoutes ? T'es vraiment une amie à chier Alyss. A CHIER !

Tu m'as tourné le dos quand j'avais le plus besoin de toi.

Tu comprends ses intentions mais tu ne les acceptes pas. Pire, tu les rejettes ! Ça te passe au-dessus de la tête. Encore une fois, ils sont tous pareil. Tu pensais Alyss différente mais non. Elle aussi, elle choisit la facilité, celle de t'infantiliser et te penser incapable de prendre tes propres décisions. Tu as dit oui, putain. Tu as dit oui et tu dois assumer.

Tu te fous de ma gueule Alyss ? Excuse-moi mais qui vit avec lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Toi ou moi ? Tu pensais me prouver quoi ? Que c'était un connard ?

Tu contractes la mâchoire. Tu es tellement frustré, tellement blessé - que tu ressembles à Midas.
Tu veux faire mal pour te venger.

Tu sais ce qu'il m'a dit avant d'aller te sauter ? Je cite : je vais te faire mal comme tu m'as fait mal. Mais en fait, c'est toi qui m'a le plus blessé. Tu lui as donné les armes.

Il suffirait que tu partes.
Encore et encore.

Ça marche, la prochaine fois que je suis marié à un pervers narcissique je t'appelle, t'ouvres les cuisses et c'est réglé.

Tu baisses la tête, plaques une main à ton front fiévreux.

Désolé, putain... ça me fout en l'air. T'étais ma meilleure amie. Celle sur qui je pouvais compter, celle pour qui j'aurai pu...

Quoi ?
Tout quitter ?
Ahah, la bonne blague.

Je pense qu'il faudrait revoir nos priorités. Pour notre bien à tous les deux.

Tu n'as plus d'arguments à asséner à Alyss. Plus rien ne te soulage. C'était évident il y a quelques semaines mais face à elle c'est juste éprouvant. Tu ne sais plus quoi dire, tu ne sais plus quoi faire. La voir aussi mal t'assomme de remords mais très vite tu l'imagines à soupirer dans les bras de Midas, encore et encore. Ça te tue qu'elle ait osé faire ça. Ça te tue d'exister au milieu d'eux quand tu préférerais être juste : mort.

Ça doit être ça, ouai. Ezrael, trop con. Comme d'habitude.

Trop con pour l'épouser ;
Trop con pour oser protester ;
Trop con pour rester ;
Trop con pour pardonner.

J'en ai assez d'être le gentil garçon qui me laisse marcher dessus sans rien dire. On veut m'ouvrir les yeux, on veut me faire comprendre des choses. On veut me punir. Mais punir de quoi, au juste ? Tu voulais me punir de quoi Alyss ?!

Elle s'écroule mais tu martèles, le visage ravagé par les larmes.

Qu'est-ce que je t'ai fait Alyss ?!

Il a suffit d'un garçon pour s'effondre la relation.

C'est parce que je l'ai choisi lui, t'as cru que je te laissais de côté ?

Elle ne comprend pas en quoi ça ne t'a pas aidé mais c'est toi qui ne comprend pas - comment ça aurait pu. Tu es fatigué de votre discussion, de la voir se perdre en justifications. Aucune ne sera assez solide pour réparer ce gouffre béant qu'elle a creusé. Tu l'y as sûrement aidé. Parce que toi aussi, tu es parti. Enlevé par Midas le Sparte fort et résolu, enlevé à l'autel comme une princesse que personne n'a jamais voulu.

Tu aurais mieux fait de venir au mariage, de répondre à mes messages, de t'inquiéter pour moi.

Tu l'avais appelé plusieurs fois ;
elle n'avait pas répondu.

Non.

Tu n'as plus besoin de son aide ! Tu encaisseras les coups comme le font ceux qui choisissent de rester. Et quand tu seras assez fort, c'est toi qui t'occupera de te venger.

Et si je n'ai pas envie d'être libre ?

Mais juste d'être aimé.

Tu ramasses ton téléphone tombé par terre. Il se met à vibrer - sûrement qu'il veut savoir où tu es.
((Quel imbécile))

Je dois y aller. Je dois encore passer voir tout le monde à l'hopital.