Le pas plus lourd qui tance la terre d’un rythme désaccordé, déjà ses pas sont trop résonnant dans l’amphithéâtre vide de tout art. Aujourd’hui encore, Apollon ne serait pas remercié pour le don de ses Muses et celle-ci resterait bien loin de Nausikaa.

Son visage revêt les traces de fatigue qu’il sera impossible d’effacer, cédant peut-être un peu la place à la placide détermination qu’il arborait parfois.

Ce qui dénotait pourtant restait son sourire, qui se fit plus large à l’entente de la voix de Précieux. Entrer dans son bureau n’avait aucune saveur autre que la cigarette qui lui donnait envie de grimacer.

Il le salua en silence et pris même le temps de lui décrocher un véritable sourire amical, qu’il savait que Précieux ne rendrait jamais, pas même sur son lit de mort.

Je vois. A vrai dire, non, David ne voyait pas les raisons de ce continuel amusement, de la saveur qu’ils retiraient à le voir subir les contraintes d’une vie de dirigeant. As-tu juste eu envie de me dire cela ? Il y avait toujours ce sourire jovial au lèvre, terriblement sincère, qui ne disparaît pas même sous l’ombre de Précieux. Car si c’est le cas, tu comprendras que je dois y aller.

Il avait certainement d’autres erreurs à rattraper.

En tout cas, je suis heureux que tu ailles bien.

Mhm. D’accord L’échange sordide avait le goût rance des souvenirs mal vieillis. Il eut l’impression d’être confronté à un supérieur acerbe, dont la nourriture se composait des tristesses de ses salariés. Il ne tirait aucun plaisir du travail accompli ou des résultats, comme une hyène se contentant de ronger les os abîmés des exploités.

David se tint debout peut-être un peu laborieusement, le souffle coupé par la douleur remontant contre sa colonne vertébrale. Les mains tombant du corps, il attendit.  Encore une fois, Précieux ne le déçu pas.

La diatribe ne réussit qu’à peine à le divertir de la main sur son torse, qu’il eut envie de couper dans l’instant. Le contact le rebutait, encore plus lorsqu’il s’agissait ainsi d’y forcer une familiarité outrancière. Il se détacha de lui avec la détermination des amants en peine avant d’expirer.

Le sourire, lui, ne s’était pas fané. Non, c’est en écoutant tes chants de sirènes que je sais que tu as repris tes aises, cela me réconforte, certaines choses sont pérennes. Sa constance à juger ce qu’il ne pouvait changer, lui qui s’était résolu à haïr le monde entier.

Il s’assit avec la délicatesse des invités à des funérailles, observant Précieux portant les pâleurs des cadavres. Tu manques de sommeil.

Il n’avait pas encore relevé les insultes, il savait cela insupportable. Eh bien, les prochaines discussions politiques devront se prendre en fin de semaine tu sais. Tu dois t’en souvenir, de comment cela fonctionne quand même. D’ailleurs, j’y pense, Seraph sera probablement invité dans le cadre des questions sur la sécurité de l’île… Il semblait perdu dans ses pensées, reléguant Précieux à ce qu’il était vraiment : un détail parmi le décor si grand. Comme quoi, il ne faut pas perdre espoir, tout fini par arriver n’est-ce pas ? Puisque tu as perdu le fil de la politique et que tu te raccroches aux branches, peut-être pourrais-tu demander à Bellamy ? Il a plutôt bien repris la suite de ton travail !

David n’avait cessé de sourire.

De ces mots il esquisse des parades et des ripostes, se glisse juste sous les côtes pour venir percer le poumon. Précieux dégonflé d’orgueil n’offrait que les vagues contour d’un homme, à peine de quoi composer quelques palabres avant d’abandonner son souvenir dans les décombres d’un grenier. Il y resterait vestige d’une époque d’antan et se contenterait de prendre la poussière.

C’est le sourire toujours candide qu’il dénote les contusions, qu’il voit le sang saigner là ou la lame à transpercer le bouclier. Il ne savoure aucun de ces jeux, mais malgré son amour - et Ô Dieux, qu’il apprécie Précieux - il ne pouvait laisser ce fantôme hanter ces peines.

La gorge soudainement pressée de sa poigne, il profite de leur proximité pour plonger dans ses prunelles claires, y lit un ciel grisâtre enfermé sous une atmosphère empoisonnée. Fais le. Tue moi. Presque une supplique, voilà que David ne se dégage pas, au contraire vient juste sortir ce canif, ce ridicule canif qui avait perforé son intestin et vint le tendre à Précieux avec la même douceur qu’il aurait embrassé le front d’un enfant.

Peut-être alors que tu auras joué leur jeu, qui sait, mais regarde déjà je te donne l’arme du crime, la même qui avant hier était dans mon dis. Toi qui aime les tragédies, regarde ce que tu pourrais faire, tuer le dictateur, finalement perforé son coeur ; enfin enfin enfin tu pourrais laver ton honneur, n’est-ce pas ce que tu veux Précieux ?

Il pose le canif sur sa propre cuisse, en parfait équilibre.

Tue moi et n’en parlons plus.

(tw ; transphobie, agression)

Le couteau te rappelle tant de souvenirs, David.
Le visage de Précieux se brouille et porte celui de tes agresseurs ; qu’il te rappelle le métal brûlant sur tes hanches. Tu n’es plus dans le bureau mais dans le salon de votre colocation. Ô David, n’as-tu pas oublié combien il est parfois dangereux d’être sthealth

Soudainement, tu es sur le sol du salon, et tes vêtements sont autant en lambeau que le reste de tes souvenirs
Il ne reste plus que l’odeur de chair brûlée.
Que la douleur sur tes hanches.
Que la marque sur ta peau.

Cet impérissable souvenir.

Le ciel dans ses prunelles se couvrent sous le reflet de la lame ; Précieux à le poid de la mort et l’odeur de l’alcool, répandant un millésime que David avait appris à craindre. Le ciel se voile de fantôme, éteignant les lumières splendides, faisant de David un simple homme plutôt que le parangon des tyrans. Soudainement, il n’a plus la verve assassine, plus l’envie terrible d’ouvrir précieux en deux et de faire de ses tripes un mets interdit.

Ah. Le souffle s’esquisse de ses lèvres, oint le sourire sporadique que tu as réussi à lui arracher. De ses mains attachées à la chaise, aux muscles tendus sous les poltergeists hurlant dans ses veines, David semble soudainement bien désintéressé de Précieux. Il a dans ses méninges des monstres bien pires qu’un énième lâche. Je pensais… non je devrais cesser de penser à toi, je comprends, je me contenterai de te sourire alors. Peut-être. Je crois ?

Il hausse précautionneusement ses épaules, mais ce sont ces hanches qui lui font mal, si mal, tu sais Précieux, le métal brûlant des chevalières marque la carnation pour toujours. Aucun moyen de revenir en arrière. C’est dommage quand même, oui c’est dommage, tu écrivais mieux les pièces de théâtre, avant.

L’Odieu s’éloigne enfin de quelques pas et avec lui l’ombre des mauvais, les contours des couteaux. David expire posément. Le regard coulant contre le dos offert,  l’encolure de Précieux était composée de défaite, tout juste bonne à porter sa tête et à emplir ses chemises d’un corps assez vivant.

Précieux Le prénom est succinct, léger entre ses lèvres, une offrande soudaine d’une attention aiguisée. Dans son dos se délayent toutes les années d’écoutes, toutes les bienveillances putrides qu’il avait toujours rejetées. David se complaisait à exister dans le regard des autres, à en accepter la tendre étiquette planter à même la chair.

Le nom prononcé, les ombres partent et découvrent le ciel pour le rendre brillant.
Dans les profondeurs se distinguaient encore les monstres.

Il te faudrait bien plus que quelques lianes et un couteau pour marquer David de ta présence.
Tu risquais sinon de n’être qu'éphémère.

Il se relève finalement, arrachant les lianes comme si elles n’étaient rien, juste une ombre à peine un tourment.

Fais moi penser à toi alors, car tu ne fais que te détourner dès que l’ombre d’un autre me recouvre, sans même réussir à faire germer quelques rougeurs le long de mon être.

Il est finalement derrière lui, gigantesque à en éteindre le soleil qui brûle derrière les carreaux de la fenêtre.

Fait en sorte de te décider Précieux, sinon je passerai le pas de cette porte et comme avant je continuerai à te sourire et à te porter une affection que tu refuses, ce qui me laisse indifférent car tu ne peux choisir qui t’aime et te déteste.

David lui obéit, se tait immédiatement. Il n’est plus qu’un acteur dans l’attente du prochain ordre, de la prochaine demande. Il aime peut-être ce jeu, de voir Précieux l’appeler et le repousser, de lui faire mordre la poussière pour mieux tenter de le l’élever.

La question lui fait cependant hausser un sourcil, éclater de rire franchement, projetant des gouttes de sang en pluie éparse, sanctifiant l’espace de leurs échanges aussi hideux que leurs faces. Tu déformes les mots pour les convenir à ton image, pour pouvoir te cacher dans tes excès de victime. Tu ne me rends pas indifférent, Précieux Martin, mais ta volonté de m’éloigner, de me fuir, elle, ne me fait rien.

Il attrape une main, en serre le poignet et dans un souffle aérien peut-être se confie : je continuerai de sourire et de t’apprécier, et toi, toi seul continuera de repousser, tu vois, tu es au commande, toi seul fait en sorte de couper les fils, de limer les ponts et de rendre tout cela infertile.

Si proche de lui, David murmure les mots de défis. Alors, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même. Maintenant je m’en vais.

Et c’est ce qu’il fait, il recule, le forçant à se détacher de lui. Et si tu veux me voir Précieux, alors dis moi. Car je veux bien toujours te voir, je veux même te le dire encore pour que tu le comprennes. Tu vois, il ne tient qu’à toi de pouvoir observer ma déchéance.