Tu as reçu ton lot de visite. Beaucoup d'attendue, certaine moins. Celle de Cassiopée fait, tu dois te l'avouer, partie de cette seconde catégorie.

— Tu connais Leslie ?

Tu hausses un sourcil. Une partie de toi inquiète qu'on sache ton cœur incertain et versatile, balançant, capricieux, entre deux personnes que tu es bien incapable de départager. Non, que tu ne veux pas départager. Alors que l'une n'est ni plus ni moins que la femme de ta vie et que l'autre est bien trop jeune, bien trop nouveau, pour que tu aies l'audace et la folie de dire qu'il est de ta vie l'homme.

Ton regard se pose sur Cassiopée. Tu as souvenir d'une personne sur laquelle tu avais pouvoir et droit. Aujourd'hui, l'être qui franchit la porte se montre plus indépendant et détaché. Normal, as-tu envie de conclure : tu l'as délaissé. Il est dur, cependant, de constater que tu n'es plus le héro de grand monde, maintenant.

— Il faut parfois céder au raisonnable pour être libre de ne plus l'être ensuite.

Tu hausses les épaules, lui fait signe d'approcher en lui désignant la chaise postée non loin de ton lit.

— Je suis prêt, parle-moi donc, tant que ce n'est pas de médicament ou de visite médicale, ça devrait m'être supportable.

— N'a-t-il jamais été autre chose que le centre de nos conversations, Cassiopée ?

Tu tournes la tête vers lui, un sourire glacé, un peu pincé aux lèvres. Tu n'aimes pas le sujet de cette conversation, comme-ci Duke n'occupait pas déjà toutes tes nuits bercées de cauchemars. Mais tu n'as jamais su dire non. Tu n'as jamais su accepté d'avouer tes faiblesses, d'avouer la peur. Non, tu préfères la masquer en un jeu morbide, un amour terrible. Tu sais comment tu t'es battu, devant Cassie.

— Ne tourne pas autour du pot, tu es déçu.

Tu lèves les doigts vers lui. Tu aimerais reprendre l'ascendant. Tu n'aimes pas quand les gens autrefois avenant te regarde ainsi, te parle ainsi. Tu glisses des doigts audacieux contre sa joue avant de soudainement les retirer et d'agiter les doigts.

— Tu avais une poussière.

Non. Mais tu es prêt à jeter le malaise pour qu'il te respecte. Tu as déjà troublé Cassie une fois, tu peux le troubler à nouveau.

— Je t'ai déjà raconté notre histoire, la dernière fois. L'Hydre me chasse depuis mon enfance, Duke me considère comme sa proie, son jouet. Mais cet imbécile m'a ramené chez lui et nous n'étions pas seuls. Il n'est pas toujours très malin, vois-tu.

Tu souris, tournes un regard implacable vers lui. La vérité, tu la balances cruellement, froidement.

— Kastiel est mort car Kastiel n'était personne.

Et qu'importe la façon dont il le prendra, tu poursuis.

— Les monstres sont des carnivores. Et pour certains, le plaisir de la chasse est ce qui donne du goût au repas. Plus ton ennemi reconnaît ton existence, plus tu t'assures de lui survivre. Alors un conseil, Cassiopée, fait tomber amoureux les monstres, c'est ce qui te permettra de les tuer.

— Je t'accorde que je suis très doué pour faire miroiter les choses.

Tu t'englobes de rêve et de paraître jusqu'au bout de tes ongles et dieu que ça t'a servie. La perfection en guise d'armure pour être le héros et le martyr chéri. Mais Cassiopée avait été déçue. Quelque part ça te vexe. Constater qu'il ne répond plus à tes gestes te vexe. Et c'est drôle comme ce que tu ne peux pas posséder t'indiffère. Cassie aurait pu être un ami, maintenant qu'il est indépendant, tu n'y vois plus que l'ombre d'un instrument. Tu lui demandes un verre d'eau. En attendant qu'il te serve, tu portes ton regard le dehors.

— Oh, non, je ne vais rien laisser passer, Cassiopée.

Tu tournes la tête vers lui, t'empares du verre d'eau sans le moindre merci.

— Je suis en guerre et je ne me contenterais pas d'une simple victoire. Ce que je veux : c'est l'humiliation. J'ai mes plans.

Tu plisses les yeux.

— Et si tu es ici devant moi c'est que tu penses pouvoir m'y aider, n'est-ce pas ? Alors vas-y, je t'écoute.

Tu descends ton verre le pose contre la table de chevet à côté du lit.

— Dit ce que tu as à dire, arrêtons de tourner autour du pot puisque tu n'es plus disposé à te laisser espérer.