Enfin installé-e, enfin un peu de paix – momentanée, tu en es bien conscient-e, mais tout de même ! – pour pouvoir essayer d’apprendre à maîtriser de nouvelles techniques. Tu ne peux pas rester sans rien faire. C’est un fait. Aussi viens-tu de terminer de t’installer dans ton shop et de décorer le tout – c’est toi, comme un-e grand-e qui a peint tes murs ! –, tu es claqué-e mais tu ne rêves que de mettre les pieds dans la bibliothèque en quête de bouquins sur l’art.

C’est donc, totalement, ce que tu viens faire, ce jour. Tu cours pour faire le trajet entre chez toi et la bibliothèque. Histoire de te défaire d’un peu de trop plein d’énergie dont tu souffres. Mais cela ne veut pas dire que tu n’es pas à deux doigts de sautiller lorsque tu franchis la porte d’entrée. Et te retiens de très peu de lâcher un « bonjour ! » sonore. Te rappelant au dernier moment du lieu dans lequel tu viens de pénétrer et que la règle principale, comme au musée, c’est le silence.

Alors, tu observes, à droite, à gauche, avant de te faufiler dans une rangée au hasard à la recherche de ton bonheur. Mais la vérité, c’est que tu ne sais pas exactement toi-même ce que tu cherches.

C’est ainsi que tu finis par te diriger vers le comptoir où tu penses trouver quelqu’un qui travaille ici. Une jeune femme semble relativement disponible. Donc tu fonces, sourire aux lèvres et entame le dialogue.

« Bonjour ! Je suis désolé-e de vous déranger, j’aurais voulu savoir si vous auriez des livres sur le thème de l’art, si vous sauriez à peu près quoi me recommander en sachant que je ne cherche rien de précis si ce ne sont des ouvrages avec des thèmes différents les uns des autres et euh… Bah. De quoi m’inspirer. Me donner envie. Enfin, je crois que c’est comme ça que je peux dire ? Et euh… »

Et euh enfin tu poses le regard, plus attentivement, sur la demoiselle. Avant que ton cerveau ne se mette en route. Le neurone actif, l’air un peu agard, un instant, tu finis par oser.

« … on se serait pas rencontré au camp, déjà ? »

Les rouages qui s’activent. Tu penses la connaître. Mais pas certain-e que vous ayez été si proches ? Et puis, d’ici à ce que elle reconnaisse ta tronche de cake, parce que t’as quand même vachement changé depuis le camp. Entre les oreilles, les cheveux et la poitrine qui a disparu, t’es très clairement pas la même personne qu’avant. Y a que ton nom et tes yeux, qui aident.

Soit tu t’es totalement planté-e – ce qui n’est pas du tout impossible – soit elle ne te remet pas. Mais dans tous les cas… bon. Juste histoire d’être certain-e, tu n’hésites pas à donner ton prénom.

« Eury ! Enfin. Eurydyce. Eurydyce Lloyd. J’ai… bah. Squatté slash grandi chez les Hermès. »

Tu la suis, en essayant de contenir ton trop plein d’énergie, sagement. Avant de fixer les tranches des livres, venir en caresser une pour saisir l’œuvre et commencer à le feuilleter.

« J’peux comprendre qu’on me remette pas. J’ai pas mal changé. Et puis, j’suis parti-e un petit moment. Fin, récemment. Avant ça… bon. J’ai passé mon temps à pas mal préparer mon départ donc. Eh. Et puis, de toute façon, je suis personne. »

Tu relèves le museau vers elle, lui offrant un sourire radieux. Solaire. Et pas un poil désolé de l’embêter. De lui prendre du temps. Et de parler, peut-être dans le vide. Tu es comme ça. Tu saurais même faire la conversation à un muet.

« Après, peut-être que je me trompe ! Ma mémoire est pas infaillible. Mais du coup, si jamais j’me trompe bah… Enchanté-e ! Je m’appelle Eurydyce ! J’viens de revenir à Nausikaa. J’étais parti-e à NYC pour me former et me peaufiner dans l’art du tatouage ! »

On peut lire la fierté sur tes traits. Avant que tu ne replonge ton nez dans l’œuvre que tu as saisi histoire de voir si ce serait un bouquin qui pourrait t’intéresser.

Tu restes planté-e là, à l’observer, attendant de voir si tes révélations font tilt. Ou non. Mais… visiblement… tu as tapé juste. Et d’un coup, elle semble s’ouvrir. Un peu. Tu souris, fier-e. Avant de rire, doucement et venir te gratter la nuque.

« Eh. T’excuse pas. J’ai… beaucoup changé. Et j’en suis conscient-e ! J’ai un peu passé ces dernières années à … tout faire pour pouvoir être qui je suis. Qui je me sens être. Et euh… bah. Apprendre le tatouage. Bref. J’ai pas beaucoup été là. »

Tu marques une pause, un instant, pour respirer. Te contenir.

« Et puis, de tête on a jamais été suuuper proche – c’est pas un reproche, hein ! Juste un constat pour dire que… bah. T’as pas à être désolé quoi ! »

Enfin, tu ricanes, te sentant un peu idiot-e, avant d’observer le livre, en penchant la tête sur le côté. Curieux-se. Ce n’est pas un sujet artistique que tu maîtrise très bien. Voire pas du tout, d’ailleurs.

« Eh ! Super suggestion ! J’avoue que j’ai jamais pris la peine, encore, de fouiller de ce côté de la planète ! »

Tu lâches, enjoué-e. Avant de t’approcher, réduisant la distance entre vous afin d’observer l’ouvrage et commencer à le feuilleter, curieux.

« … je vais peut-être te poser des questions stupides mais … du coup. Comment on emprunte un bouquin, ici ? J’ai jamais fait. Faut créer un compte ? Quelque chose du genre ? Parce que j’ai pas. »

Nouvelle pause. Tu fixes le livre. Puis les autres qui sont rangés sur les étagères.

« … t’as d’autres trucs sur lesquels je pourrais m’appuyer pour l’inspi ? »

Tu souris à sa réponse, avant d’hocher du chef. Elle a bien raison et tu penses bien pareil, tiens ! Toutefois, ton attention se reporte de nouveau aux œuvres. Tu penches la tête sur le côté, attentif-ve. Intrigué-e, également.

« Honnêtement, je pense que je vais prendre tout ce que je peux prendre pour feuilleter bien tranquillement avec un café glacé chez moi. »

Tu finis par décréter, doucement. Tu sens déjà que tu vas hyper focus et créer un batch de flashs. Oh. Tu as hâte. Aussi et surtout hâte de les encrer sur quelqu’un. Que tes bébés trouvent preneurs. Mais bon. Chaque chose en son temps, tu viens d’arriver, faut te faire une réputation.

Ca cogite dans ta caboche, tes doigts jouent sur les couvertures, avant que tes mots ne t’échappent plus vite que tu n’as réfléchi à la chose.

« Tu connaîtrais pas des gens qui voudraient se faire tatouer, à tout hasard ? »

Puis tilter que la question est peut-être un peu idiote. Voire carrément idiote. Tu déglutis. Fais la moue. Lève le visage au ciel avant de chercher à faire craquer ta nuque. Bref, t’es infoutu-e de rester immobile.

« Oublie. Question con. En revanche… tu crois que y a moyen de déposer des flyers pour que je me fasse de la pub ? Ce serait autorisé ? Pas forcer les gens à le prendre, hein, juste les poser dans un coin – p’t’être sur le comptoir ? »

Tu parles trop. Et pour dire de la merde. Tu te gratte la nuque de ta main de libre.

« … désolé-e. Je. Euh. Laisse tomber ça. Je pense trop et c’est pas des bonnes idées. Mais… euh. Bah. Tu deviens quoi depuis le camp ? Ça fait longtemps que tu fais … ça ? Ce métier ? C’est… bibliothécaire c’est ça ? »

Tu te sens vraiment stupide, tiens. Mais tu souris.

Oh. Elle… veut un tatouage. Oh. Ça y est, tu ne peux plus t’empêcher de trépigner. Tu sautilles d’un pied à l’autre, peinant à te contenir, alors que tu as juste envie d’exulter. Mais rien n’est fait, encore.

« T’as déjà une idée de ce que tu veux ? Pourquoi tu passerais pas à mon shop, quand tu auras une occasion, pour qu’on discute projet ensemble ? Même… si c’est qu’un croquis. »

Même si, bon. Soyons honnête, tu aurais vraiment envie que ça se conclu et encrer sa peau, toutefois… bon. Ca reste un truc personnel, il faut aimer le style de l’artiste à qui on confie son corps, et être sûr-e qu’on veut porter ça et… bref. Y a beaucoup de facteurs et tu comprendrais totalement que ça ne clique pas entre vous. C’est le jeu, après tout.

Du reste…

« Bah si ça te dérange pas, j’passerai en déposer dans la semaine ! Le temps de les imprimer et tout… »

En revanche, tu hausses un sourcil à sa dernière réponse. Avant de rire, sans le vouloir.

« Woah ! Ca fait classe, dit comme ça : « j’ai rejoint les olympiens » ! »

Tu ne juges pas. Tu trouves juste que la phrase pue la classe. Et ça te fait marrer. Par contre, ça te rend un peu curieux-se, tout de même.

« Mais ça consiste en quoi, de faire partie des olympiens ? Fin. J’veux dire, j’me suis jamais intéressé-e à la question, mais du coup vous vous retrouvez dans un endroit tenu secret pour parler de trucs top secrets ? Comme les francs-maçons ? »

Tu ris, encore. En vrai, on t’en a peut-être déjà parlé. Tu ne sais plus. Tu t’en fiches, peut-être. Tu feras jamais partie d’un club select’, de toute façon. T’es visiblement pas assez bien pour que ton géniteur te reconnaisse, alors un groupe de demi-dieux quel qu’il soit… bon. Bref. Hein.

Tu préfères parler tattoo, au final. Et puis, en prime, si ça se trouve, elle va pas vouloir en parler plus que ça. Et tu respectes. T'as juste... comme d'hab. Parlé plus vite que tu ne réfléchis.

C’est super intéressant, de l’entendre en parler. Même si c’est plutôt dans les grandes lignes. Mais en même temps, t’as pas besoin d’en savoir plus. Pas besoin de détails. De toute façon, tu ne les retiendrai pas. T’as trop de choses en tête pour devoir, en prime, te souvenir d’un groupuscule dont tu n’as trop rien à faire, directement.

« Hmm. Je vois. »

Tu marques un temps, alors que ton esprit s’active. Que tes sourcils se froncent, discrètement, pour se détendre, que ton front se plisse un peu, que ton visage prend un petit air renfrogné un court instant, juste le temps de réussir à mettre dans l’ordre tout ça.

« J’suis peut-être un peu naïf-ve… mais… j’pensais pas tant qu’il y avait une si grosse différence entre les dieux ? Enfin. Je veux dire… »

C’est complexe à mettre des mots correctement sur ce que tu penses. C’est juste que… peut-être que n’ayant pas été revendiqué-e, tu… as fini par grandir sans prêter attention à qui est enfant de qui. Enfin. Presque. Parce que tu as quand même passé un long moment à essayer d’être au moins reconnu-e par tes adelphes – non officiels de par ton statut – à défaut de l’être par ton géniteur.

« Laisse tomber, je sais plus m’exprimer. Mais du coup, si toi tu en es heureuse, alors je suppose que c’est cool en effet ! »

Tu termines, doucement, en lui offrant un sourire chaleureux et bienveillant.

« Ca doit être cool, de se sentir appartenir à quelque chose… »

Tu susurres. Confie, peut-être un peu. Si on y prête attention, on doit pouvoir distinguer une pointe de tristesse et de déception dans ton regard. Mais c’est très bref, ça disparaît très rapidement et tu te ressaisis très vite.

« Perso, ça me brancherait pas d’en faire partie ! J’ai trop de trucs à faire, trop de trucs à penser, ça serait chaaaaud si je devais m’en rajouter ! Mais c’est grave cool de savoir qu’y a des gens qui se soucient du bien être de tout le monde ici, hein ? »

Tu la laisses faire son taff, avant de récupérer les bouquins et les prendre dans tes bras. T’avais pas prévu, visiblement, de prendre quoi que ce soit en venant ici et du coup, t’as pas prévu de sac. Du typiquement toi, quoi. Pas surprenant.

Tu l’écoutes, attentif-ve. Notant les informations. Avant de hocher du chef.

« Oh. »

Tu lâches, simplement, pour commencer, avant de pencher la tête sur le côté et l’observer. Tu réfléchis à quand tu étais au camp, puis quand tu as un peu grandi. Mais définitivement… tu ne t’imaginais vraiment pas que ça… soit à ce point. Tu as l’impression d’être totalement déconnecté-e de la réalité, d’un coup.

« … je vais peut-être poser une question idiote. Excuse moi si ça peut être mal perçu, c’est pas le but. Mais… pourquoi, du coup, les enfants d’Hecate sont mal vus ? J’ai du mal à comprendre. »

Tu demandes, le plus honnêtement possible. Vraiment, cela te semble totalement lunaire. Mais bon. C’est peut-être juste toi qui est lunaire.

Et puis, quant au reste… eh. Tu as eu quelques informations, mais tu es passé-e à autre chose. Ton attention a été capté par autre chose que les Olympiens. Ou même que les livres que tu tiens dans tes bras.

« Tu fumes ? Je t’offre une clope ? Qu’on continue cette conversation à l’extérieur histoire de pas déranger le silence des lieux ? J’voudrais pas qu’on me tombe sur le coin du museau… »

Tu ricanes, sincère, souriant-e, toujours.