ft Ophelia
Oh, Ophelia

Elle s'était réinstallée sur l'île depuis plusieurs jours et y avait de nouveau pris ses marques ; mais l'intimité des grands espaces sauvages lui manquait terriblement. Elle avait parfois l'impression de tourner en rond à la Colonie, puis dans le Domaine des Spartes, comme un animal en cage qui s'ennuie.
Elle s'était imposé une routine épuisante tout les jours pour occuper son esprit agité, chasser la rage inscrite en creux dans ses entrailles ; et partait plusieurs heures par jour explorer l'île en courant.

Elle avait atteint ce jour là le Nord Ouest et ses falaises mystérieuses, qui lui rappelaient un peu les zones montagneuses du centre des Etats-Unis où elle avait passé des années à se perdre. Elle courrait avec en ligne de mire, le phare qui s'allongeait à mesure qu'elle s'en approchait. L'air marin lui fouettait le visage et la fraîcheur du large lui faisait oublier la transpiration dégoulinante ; elle courrait à perdre haleine et ça la soulageait terriblement.

Arrivée au pied du phare, elle arrêtait enfin sa course et reprenait son souffle face à la mer, épuisée mais ravie. L'immensité de l'eau, parsemée de vagues qui s'écrasaient en contre bas contre la falaise à vif, l'appelait. S'approchant, elle songeait un instant à se jeter, pour s'enfoncer dans les vagues froides, même en été. Nager dans les courants, lutter et se laisser emporter par la force des éléments, en espérant être ramenée sur la plage au gré des vagues.

Mais elle chassait aussi tôt cette pensée de son esprit, et se laissait finalement tomber dans l'herbe fraîche ; elle aimait profondément le silence assourdissant du vent, des vagues qui s'écrasent, des oiseaux dans le ciel. S'allongeant pour contempler le ciel, elle sentait ses paupières se clore ; mais au loin, un bruit de pas, dans le phare certainement. Elle n'était pas seule, mais préférait ignorer cette présence pour le moment. Par réflexe néanmoins, elle effleura du bout des doigts la dague accrochée à sa cuisse.

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