Silencieuse, elle fend l’air, tranche le vide. Meurtrière, elle caresse l’écorce de quelques arbres, atteint sa cible. Le souffle qui se relâche, l’arc que tu abaisses. Des gestes parfaitement millimétrés. Une routine quotidienne, dès que tu poses pieds à Nausikaa, dès l’aube, alors que les premiers faisceaux du soleil transpercent à peine les cieux d’azur. Une quête de perfection obsolète, inanimée de réelle passion, une simple habitude, comme pour combler le vide. Ce néant qui t’habite et te menace sans cesse. Iris terne qui s’élève vers la voûte éthérée, en quête d’un quelconque murmure, un quelconque éclat qui ferait naître un brasier en toi. Mais nulle réponse. Soupir las, le poids d’une éternité qui pèsent sur tes larges épaules. Sur ta carne d’ivoire, malgré la tendresse de l’astre solaire qui la caresse. Les marques de tes racines, longtemps tu. La fragrance infâme des Hadès qui hante encore quelques éclats de souvenir, qui te berce de cauchemars.
Dans un élan vif, tu saisis une flèches entre tes doigts, relevant ton arc avant de le bander avec le carreau. C’est alors qu’un vague écho, l’éclat d’une branche qui se brise entre des pieds mal habiles vient rompre ta concentration. Par réflexe, ton regard fait volte-face vers l’origine du bruit, immédiatement suivi de ton arme. Tes sens, aux aguets, parcourent le paysage. L’instinct qui agit, méfiance naturelle, développer au fil des siècles, dans un monde en perpétuel changement. Esprit sauvage, fuyant la folie humaine et la fureur d’antiques adversaires oubliés. Bien que tu ne portes pas l'étendard de l’héroïsme, toi qui est née des ténèbres, enfant d’un fleuve infernal. Mais là était le prix du serment passé auprès de ta déesse.
Puis une silhouette familière se dessine non loin, mêlée à une effluve des plus coutumières. Tu reconnais la petite et tu baisses ton arc, comprenant que ton instant de paix s’achevait dès maintenant, que tu n’avais plus qu’à capituler face à l’enfant. Tendre rictus, ponctuer de ton habituelle impudence, se dessine au coin des lèvres, alors que tu abandonnes ton arme au sol, les mains nouvellement libres qui se glissent dans une poche pour en attraper ton paquet de cigarettes. Tandis que le reste de ton corps s’écrase brutalement au sol, en position assise, tu portes une cigarette aux lippes, l’invitant à te rejoindre.
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Hé ben, plutôt matinale. Et habile enquêtrice, ma petite, c’est pas tout le monde qui sait où venir m’enquiquiner à cette heure-ci >
(c) AMIANTE