ça ne disait rien quelques lettres sur un écran c'était des pixels sans âme et je n'ai pas essayé d'en mettre plus que ça parce que quoi ? je ne suis pas surpris-e pas triste pas même en colère j'ai tout entendu et j'en étais
vide
j'ai trop laissé traîner, je crois, mes sentiments tout éparpillés j'ai dans la gorge au bout des yeux aux creux des joues des restes des bouts érodés contre le temps contre mes cris contre les émotions déjà passées c'est plein de paillettes que j'ai envie de vomir mais que je retiens du bout de la langue, si je souris je crois qu'on en verra les arc-en-ciels
alors j'ai préféré le marbre d'un je veux te voir aux flammes de la matière organique que je pourrais te donner
je ne suis pas déçu-e je crois que je suis
frustré-e
ça n'a pas marché
pas assez ! et il y a alors plus qu'une victime
je m'avance dans le jour et la brume ne me quitte jamais
le restaurant est habituel mais j'ai demandé une salle à l'étage
là-bas il n'y a jamais trop personne
j'arrive lae premier-e
je suis trop en avance
le temps s'écoule le long de mes cernes, elles ont pris les couleurs grises des fumées de l'anthropocène
mes habits sont égaux à eux-mêmes, mais moi j'ai l'air fatigué de celleux qui ne dorment plus assez
tu es une raison de mes insomnies et j'espère que je n'aurais pas à te convaincre que ce n'est pas une mauvaise chose parce qu'on le fait pour un avenir meilleur et j'attends et je n'ai plus le compte des secondes des minutes je ne sais pas le monde tourne et tu n'es pas là
un instant je te trahis en pensant : a-t-il changé d'avis ?
et je m'en veux.

je m'en veux mais pas trop parce que je ne suis pas le monstre le lion je n'ai mangé personne et celleux que j'ai tué ce n'est qu'à cause de leurs propres stupidités et toi si tu a mordu les chaires c'est qu'elles étaient là et je justifie alors les massacres de la pire des façons : sans idées, sans idéaux, sans raison(s)
je m'en veux mais pas trop parce que je t'en veux plus encore et je retiens les chiens de mon esprit ceux qui bavent qui aimeraient te dire TU N'AS PAS LE DROIT de faire échouer mes tests mes expériences mes essais mais c'est injuste c'est pas juste rien n'est bien et je regarde la distance entre nous et je me demande :
qu'est-ce qu'on fait, oliver ?
ce n'est pas parce que tu te caches que tu n'existes plus.
je te vois et je suis injuste encore : je me demande, si ça te fait tant de peine, ces massacres, pourquoi ne t'es-tu pas enchaîné au fond de la mer ? si ça te fait tant de peine, pourquoi ne t'es-tu pas emmuré dans une dalle de béton ? si ça te fait tant de peine, pourquoi tu restes pourquoi tu restes pourquoi tu RESTES ?
je te le dis parce que je t'aime
je te le dis parce que je ne vois pas ton visage mais je sais déjà tout ce que j'y trouverais
je te le dis pas parce que je me lève et je te prends dans mes bras
et alors j'espère que j'enlève tout ce qui ne va plus entre nous -je te dis : sois désolé, mais pas pour moi
je vais bien je te relâche
fauve dans la nature
on voit ce qu'il se passe quand tu es loin de moi
je n'ai pas été blessé-e, et personne de mon entourage n'est mort-e
c'est vrai, oui, mais tu le sais, non, qu'il y a pire que la mort ?
enfin, mon petit ami est un peu mort, dedans. justice. j'imagine que tu reconnais le nom. mes yeux sont vides
je t'en veux pour lui
je t'en veux que tu ne m'aies pas dit
je t'en veux parce que je n'ai pas pu le protéger.
je ne t'ai pas vu, là-bas, mais j'ai entendu parler de toi. dans les foules je ne cherchais que l'ombre de junhao -je savais déjà que tous les monstres m'avaient désertés, qu'iels n'étaient plus elleux-mêmes mais autre chose, ailleurs, innommables. désolé-e que ça n'ait pas fonctionné. cela faisait longtemps, depuis les derniers verres. ça n'a pas dû aider. mon plateau est froid, je n'ai rien mangé ; as-tu le ventre plein ?
je me demande déjà : combien de temps ça va durer ? combien as-tu mangé ? et alors, peut-être, pourrais-je faire un modèle, des prédictions, et alors, peut-être, qu'on touchera enfin au but. as-tu des choses à me dire ?
sur ça, sur tout
sur rien, sur nous.

j'attends
j'attends les mots, les arguments, les avocat-es, les témoins et les témoignages, les ressentis, la vérité, j'attends ce que tu as à me dire, ce que tu as à me dire, ce que tu as à me dire
mais c'est si faible.
c'est un rien, c'est à peine une pensée, ah ! tu es désolé ? juste ça, alors ? RIEN DE PLUS ? DESOLE ? je crois que tu ne te rends pas compte. tu te trompes ! QU'IMPORTE les expérimentations ah oui c'est dommage ça me dérange ça me démange ça me donne envie de trouver comment remonter le temps pour tout effacer MAIS IL A FAILLI MOURIR il était la cible il ne sort plus de chez nous il est le jouet de votre espèce il aurait dû ne pas survivre et il le sait et il le sait et il le dit et il le pense et moi j'ai peur qu'il ne le fasse.
BIEN SÛR QUE CE N'EST PAS MA FAUTE
C'EST LE PRINCIPE DES TESTS
dis-moi quelque chose que je ne sais pas.
évidemment, oui, évidemment j'aurais préféré ne pas faillir ! j'aurais voulu que tout aille bien pour toi, mais dans le sillage de TES échecs tu emportes les morceaux de vie que j'ai semé, que j'ai fait germé, qui me rendent tel-le que je suis : encore sain-e,
pour l'instant.
s'il était décédé- s'il était mort- s'il on lui avait arraché sa deuxième vie-
je ne sais pas ce que j'aurais fait, oliver. mais sûrement rien de bien pour toi, ou pour tous les autres.
tu es égoïste. ne sais-tu pas ? qu'il est temps de deuil ? mais toi, devant moi, tu pleures du sort des tueurs, juste parce que tu en fais partie ; tu t'épanches sur ton pauvre sort -je ne nie pas sa cruauté, son inhumanité, son horreur, mais comment puis-je te plaindre, toi qui n'as donné que trois mots à mes peines ?
désolé pour lui, même pas pour moi
je te regarde d'un regard froid
je n'ai pas envie de parler de comment tu te sens
j'ai envie de te crier dessus
de te dire que là, en cet instant même, je te déteste
j'ai envie ! de te laisser seul, parce que je crois que c'est ce que tu mérites
j'ai envie ! de ne jamais te laisser rentrer sur mon île, parce que comment pourrais-je te croire ?
j'ai envie ! de ne plus jamais te donner une seule goutte de mon sang, car il existe uniquement parce que jun est encore vivant.
ma mâchoire se serre
je me retiens.
je vois. il y a du coupant dans les syllabes
désolé. c'est tout. la déception est lisible
savais-tu avant ? pour l'attaque. il n'y a aucune attente
je devine déjà la réponse
elle ne me plaira pas
la suite, elle, ne sera pas à ton goût.
je trouve ça assez ironique, que tu veuilles tant nous rejoindre à nausikaa, mais que tu es si centré sur tes propres ressentis, sur ta propre pitié envers toi-même. tu ne me donnes rien pour argumenter ton admission. qu'as-tu fait, réellement, pour atteindre ton but ? à part te plaindre de ta nature ? à part prendre les opportunités que l'on t'offre sur un plateau d'argent ? qu'as-tu testé, pour arrêter ce qui te fait soi-disant du mal ? es-tu vraiment prêt à tout ? je m'arrête un instant, te fixe toujours dans les yeux
à ton discours, je ne le crois pas. en as-tu quelque chose à faire, des demi-déités ? tu ne m'as rien demandé à leur propos. tu ne m'as pas dit désolé à moi, si ce n'est pour que je te pardonne d'avoir échoué. tu n'as même pas l'air désolé pour jun. tu excuse tout par ta nature, parce que tu "ne peux rien contenir". je vais te dire la vérité : je pense que c'est une réflexion faible, incomplète, inutile. je crois que tu te plains mais que tu ne fais rien. je le sais parce que je suis monstre aussi
même si pas du même genre que le tien.

il n'y a pas d'incompréhension de mon point de vue : tout est clair !
tout est si clair que j'ai envie de tourner les talons ; je le vois à ta figure décontenancée, à ta manière de baisser le menton comme un enfant qu'on vient de gronder, et pas comme un homme qui sait ce qu'il fait, ce qu'il veut, et qui se donne les moyens d'y arriver
ta rédemption ?? sous quel dieu, quelle déesse ? une rédemption suivie d'excuses pour les prochains vices -ah ! tu inventes de ces choses. je ne critique pas ta monstruosité de nature -ne le sais-tu pas déjà ? ne l'ai-je pas prouvé maintes fois ?-, je critique tes actes qui sont aussi vides que ton courage. en cet instant c'est moi le dieu à qui te demande repentance et je ne te la donne pas ; je te regarde droit dans les yeux, les flammes de ta crinière me vont mieux qu'à toi je n'entends que des apitoiements. ne les as-tu pas assez regardé, pendant toutes ces années ? iels sont terrifiant-es, iels sont fort-es, c'est ce qu'on disait de toi aussi. tu ne t'assimiles à ta famille que pour te dire monstre, et te dissocie dès qu'il s'agit de plus. veux-tu vraiment être libre, oli ? qu'as-tu tenté ? qu'as-tu perdu en faisant cela ? as-tu seulement le droit de te plaindre encore ?
ma gorge est sèche d'avoir trop parlé, je ne déglutis pas parce que je rejette ces souffrances idiotes mondaines banales, la colère me rend injuste -je le suis déjà en temps normal mais je casse des records quand il s'agit des autres
je n'ai jamais été si vocal pour moi
je ne sais pas si c'est parce que je ne crois pas les autres capables de se défendre, ou si parce que ça ne vaut pas la peine d'hurler pour moi.
ça vaut la peine d'hurler pour toi, en tous cas.
tu ne m'as pas répondu. savais-tu ? as-tu pensé à me prévenir ? une seule seconde ? ma joue se contracte et se détend, je joue de la mâchoire dans cet instant qui dira tout de ton égoïsme de trouillard, celui qui ne te sauvera pas plus qu'il ne t'a jamais aidé.

les bégaiements m'agacent quand ils devraient m'envoyer un signal -ils signifient que tu as besoin d'aide, que tu réfléchis, que tu es prêt
mais on sait que c'est faux
je suis dur-e mais c'est parce que je t'ai trop donné déjà
j'ai le cœur creux, j'ai donné tout mon amour à jun et à celleux qui ne te doivent pas leurs saluts
j'entends encore les excuses, je les détestes autant qu'avant, et à la première ombre de prise en compte de tes erreurs, tu retombes dans tes travers : ah ! pauvre petit némée, dernier à être au courant, probablement n'a-t-il su qu'avec un morceau de bras dans la bouche ce qu'il se passait !
je ne peux pas te donner l'empathie que tu oublies de manières fort convenable lorsque cela t'arranges, ah ! ne pas penser à prévenir celleux que tu vas massacrer, celleux dont tu aimerais faire partie ! le fatalisme ne sert à rien. un monstre et un-e demi-déité ne sont pas censé-es être ami-es. et pourtant, on peut.
à moins que ce ne soit pas vrai ? à toi de me dire. nous ne sommes pas une équipe si on se trahit
il n'y a que de l'énervement dans mes yeux, de la haine et de la colère
reviens me voir quand tu sera prêt à agir pour de vrai.
j'étais venu-e pour t'apaiser, mais on dirait que c'est moi qui a besoin d'être rassuré -sur qui tu es, qu'est-ce que tu veux être, ce que tu sera un jour.
je me lève et m'en vais.