La scène est à lui. Pendant que les projecteurs sont braqués sur l’enfant roi, l’enfant terrible observe en silence ; œillade inquisitrice divaguant de l’un à l’autre. C’est presque comme si tu cherchais un traître de plus, incapable de comprendre les raisons de sa trahison.

Cocasse ironie de te tenir à cette place alors que Dionne te voit comme une égérie du mal ; elle te vole la vedette… quelle femme ! Mais quelle femme ! penses-tu. Tu en serais presque jalouse… si tu n’étais pas obsédée par l’idée de ne plus jamais la revoir.

Certes, ce n’est que spéculation, mais c’est une éventualité. David se dit « heureux » et « soulagé » de vous voir sains et saufs ; un rictus mesquin s’esquisse sur tes lippes.

Oh David… mon chou ; quel mensonge éhonté que tu nous sers-là, l’arrière-goût me donne envie de me purger le palais à l’alcool.

Tu n’imagines pas un seul instant qu’il est sincère ; projetant tes propres vices sur lui. Il t’a déjà fait part de ses plans, tu n’es là que pour observer. Tu n’agiras qu’en cas d’absolue nécessité ; à l’abri des regards s’il le faut. La scène qu’il occupe est trop grande, trop éclairée pour toi… elle t’aveugle et t’expose ; quelle horreur !

Les ambres se tournent vers votre nouvel oracle ; David s’érige en figure protectrice, toi… tu tenteras de t’assurer qu’il reste sage et obéissant ; sans quoi il faudra tirer un peu sur sa laisse.

Le fils de Zeus vous offre un choix simple… mais ô combien cornélien. Le devoir avant tout. La responsabilité envers les habitants de l’île… tous, sauf les traitres, qui seront traqués, bannis ou annihilés, tout dépend de quel côté se penche la balance des envies.

Chacun y va de son serment.
Chacun s’engage à sa façon.
Chacun expose ses idées ou ses griefs.
Certains t’attendent au tournant… d’autres s’en fichent éperdument.
David vend l’unité et la cohésion en étendard de votre groupuscule.
Toi tu y vois un nid de vipères.
Et tu te demandes quel poison sera le plus dangereux.

Tu prêtes toi aussi serment ; à ta façon :

─ Je ne bouge pas d’ici… le divertissement est inégalé au sein de l’île. Pour rien au monde je ne voudrais m’en aller. Votre délicieuse compagnie me suffit amplement.

Tes pensées divaguent ; vers l’Ange ; vers Dionne. Les questions fusent et s’éparpillent comme les lumières d’un feu d’artifice, chaque étincelle éphémère, meurt dans ton regard, pour laisser place à une autre.

─ Je serais plus mesurée que Cecil dans mes propos ; j’accorde à Tau le bénéfice du doute ; je pense que chacun mérite de faire ses preuves avant d’être jugé.

Quant aux traitres…

─ Pour ce qui est de Dionne… j’avoue avoir été sidérée par les événements récents et son implication. Je confesse également être assez… hm… comment dire… dubitative ? Cecil. Tu parles de châtiment comme si tu n’attendais que ça. Il n’y a personne ici qui s’interroge sur ses raisons ? Personne qui serait prêt à douter de la véracité des événements ? Vous seriez prêt à l’éliminer, comme ça, sans même un procès ? Sans même lui laisser une chance ?

Et juste comme ça ; tu distilles un effluve de doute dans leurs esprits. Du moins tu l’espères. Avant de châtier, tu veux comprendre… car tu sais mieux que quiconque ceux que certains sont prêts à faire selon certaines circonstances. Ou peut-être que ton obsession pour elle t’aveugle ? Est-ce que pour autant tu es en tort ?

─ Quant à ta proposition Bellamy… un rire amusé s’échappe de tes lèvres. Je ne sais pas. En dépit des interrogatoires et des serments prêtés, il subsistera toujours un nuage de doute. L’exemple de Dionne en est le plus probant… si nombreux nous étions à la considérer comme une figure de proue ; voilà où nous en sommes. Fascinant à quel point les allégeances que nous considérons inébranlables… sont en réalité si fragiles.

Tu en viens à ce qui te tracasse le plus.

─ Le loyalisme à notre cause n’est pas une position absolue ; pas plus qu’elle n’est éternelle. Elle est à notre image : éphémère. Tout peut changer d’un claquement de doigts. Je veux bien donner une chance à ta proposition… mais ne te berce pas d’illusions en pensant que cela dissipera tous les doutes. Seulement ceux dans l'immédiat.

Un soupir aux lèvres, tu conclus :

─ Navrée de me montrer aussi… sceptique à chacune de vos propositions. Je souhaite que tout le monde prenne un peu de recul. J’en débâterai avec plaisir.

Tu laisses le champ libre aux autres… attendant les déclarations de votre leader avec impatience.