Tu m’as brisé.
Le long des pommettes coulent les larmes, une à une, chacune seule dans l’immensité de sa peau pâle. Je suis fait de monts et de vallées, de marbre fissuré et d’argent tamisé. Je suis fait de silence et d'expiration. Je suis fait de courant d’air et de portes claquées.
Tu m’as enfermé dans un royaume de ténèbres et de peur, tu as attaché à mes rafales une corde sévère.
Tu m’as coupé les ailes et tranché la gorge.
Et moi en échange, j’ai embrassé tes lèvres.
Ezra meurt devant moi et moi je meurs avec lui ; je sanglote et hurle silencieusement son nom, je prie déjà pour son âme. Ezra meurt et moi je revis ; parce qu’il est temps de récolter les fruits de ma déchéance, parce qu’enfin, enfin je peux quérir ma vengeance.
Ezra, que ta mort soit la sanctification de Némésis, qu’elle recueille ton âme avec l’amour indifférent de la justice, que tu reviennes dans la paix et l’innocence des premiers nés.Et tremblant je me retourne, tremblant je me cache contre toi Duke.
Raison de ma mort.
Raison de mes peines.
Raison de ma déchéance.
J’étais autrefois un ange, aujourd’hui teinté d’une corruption discrète, qui traçait contre ma peau les caresses suaves de nos dépravations. j’étais autrefois Sa Justice, Son Incarnation, je n’étais plus qu’un instrument parmi tant d'autres ; un nom que tu oublierais plus tard, dont tu ne te souviendras que dans ta rage.
Contre ton torse, je pleure, je sanglote et je m’accroche à toi. J’enterre ma jeunesse passée, j’oublie mes innocences perdues. Il n’y a pas eu d’oraison funèbre pour moi Duke, il n’y a eu que le dédain et le jugement que la folie qui rampait, devenue hors de contrôle.
Fais-le.Enfin, Elles sont là, multiples, présentes, oppressantes.
Tue-le.Contre la chaleur de ton t-shirt, mes larmes coulent d’autant plus, elles cascadent pitoyablement comme une excuse pour m’enfoncer dans tes bras, pour me cacher et te haïr discrètement ; quand je ne t’aurais plus toi, que me restera-t-il ? Je t’attendrais à la sortie de l’enfer, te tendrait la main dans un sourire et dans un rire te dirait : viens. Mais tu ne voudras plus de moi.
Venge-toi.Je serais alors à Elle, je serais sa main invisible, je serais son outil.
Je ne serais que Sa Justice.
Pleine et entière.
Dans ma main, il y a ce stylet que j’ai chaque soir contemplé, imbibé du poison de la Phoneutria. Et c’est en capturant ton regard, qu’enfin je l’enfonce dans ton dos, d’un coup droit et sincère : c’est comme ça que tu tombes dans mes bras, que tu t’effondres sur le sol à l’agonie déjà.
Je t’avais promis Duke. Je te tuerai. Ne m’en veut pas s’il te plait. Je sais que tu ne comprendras pas. Mais la Vengeance ne peut pas attendre ; pas même pour quelques plans.Sur le contour de mes yeux dorés, il n’y a que les reflets d’une décision calculée et la brume des larmes qui cascadent sans s'arrêter. Et ma main, elle, se fait amante et douce, vient caresser ton visage, vient effleurer tes lèvres.
Au-dessus de toi, je ne peux que souffler dans l’angle de ton oreille un
je t’aime étrangement déformé par la rage.
[DUKE] - [AOÛT 2023]