La lune guide leur pas, s'écrase et illumine dans les sillons de la terre comme l'astre tout puissant d'une nuit (d'une vie) - et rappelle aux chasseresses d'Artemis pour quoi et pour qui elles se battent encore. Le festival passé, les guerrières ont été rappelées par leur cheffe dans la vallée de Yosemite, au pied du Half Dome.

Sur un pic de roche permettant de surplomber une petite clairière de terre battue, carrefour de croisement pour la plupart des animaux vivant dans la réserve, gît le trône improvisé d'Artemis. Quelques chasseresses sont déjà installées, en tailleur, et méditent ; d'autres s'amusent nonchalamment à tracer des formes dans la poussière. La plupart se reposent d'avoir installé le camp et créé un feu pour l'arrivée de leur déesse.

Les multiples chocs de sabots près du dôme granitique et le soupire bruyant d'une monture préviennent de l'arrivée imminente d'Artemis, à dos de biche. L'animal semble un peu épuisé, mais pas par le poids de la déesse, qui ne pèse presque rien, mais par le caractère effréné de sa course. Dès lors qu'Artemis descend, elle caresse les muscles de l'animal et dépose un baiser sur sa tête, une main compatissante lustrant son poil brillant. Merci avait-elle dit, dans son langage.

À sa suite, le reste des chasseresses arrivent à pied. Elles étaient venus en courant pour la plupart. D'un regard aussi gris et froid que l'astre qui les gouverne, Artemis compte les filles et étire un vague sourire rassuré.

Vous êtes au complet.

Elle se tourne naturellement vers son ambassadrice à Nausikaa et hoche la tête. Elles s'étaient naturellement contacté dès que l'attaque du festival avait été recensée.

Vous ne bénéficiez pas de la bénédiction d'Hébé, ainsi je suis soulagée de voir qu'il ne vous ai rien arrivé.

Artemis, sous son apparence de jeune fille, est comme une mère pour la plupart d'entre elles. Une mentor, une cheffe, une soeur, une déesse - mais surtout une mère. Le guide éternel.

Je n'aurai pas supporté que vous mourriez pour eux.

Elle grimpe habilement sur le pic rocheux qui a été décerné avant son arrivé comme son trône et s'installe en tailleur. Ses longs cheveux noirs lisses tombent de chaque côté de son visage et l'encadre avec grâce.

Dow Lintang, de ce que je sais ; tu étais sur place. Tu as combattu.

Mais elle ne dit pas vaincu.

Lorsque les chasseresses s'expliquent tour à tour à Artemis, une biche s'est approchée lentement mais sereine près de la déesse. Elle a tendu son cou gracile de sorte à ce qu'Artemis puisse l'effleurer du doigt. L'animal, béni par le toucher sacré de la Lune personnifié, se prosterne à sa manière, d'un hochement de tête subtile et retourne brouter de l'herbe, à quelques mètres d'elles toutes. Son faon, tout juste né il y a quelques jours, se déplace maladroitement jusqu'à sa mère en piaulant.

Les monstres doivent être scellés, comme ils l'étaient jadis. La magie ancienne a disparu des pratiques - les nouveaux descendants des Dieux se sont oubliés, galvaudés par une paix artificielle, cachés derrière une muraille qui compromet leur vraie nature.

Artemis rend son verdict. De toute façon, elle n'a que peu d'estime pour les graines de Dieux - elle préfère ses filles, ses chéries, ses combattantes de prestige ! Elles, au moins, connaissent le sens du mot guerre et embrasent avec détermination et inflexibilité ses conséquences directes.

Mais je vois tout cela, Dow Lintang. N'oublie pas qui vient me chuchoter à l'oreille ! Je ne vous laisse jamais vraiment seules. Enfin... suffisamment, je l'admets.

La parole est laissée à Dorian et Amanda, qui confirment les allégations supposées par Dow Lintang et Mahaut. Artemis ne réagit pas sur le coup, elle laisse la petite dernière s'exprimer. Une des plus jeunes mais qui compte parmi les favorites d'Artemis - avoir réussi à rallier trois filles des trois grands Dieux est une vengeance à l'égard de ses frères qu'elle porte à son coeur.

Relève-toi Kian. Personne ici ne te reproche de ne pas avoir cherché à participer à cette hérésie. N'oublions pas que les pertes ne sont pas qu'humaines. Des animaux ont été blessés durant l'affrontement et un espace naturel a été saccagé.

Artemis semble être préoccupée. Elle se redresse, accroupi sur le rocher et glisse deux doigts entre ses lèvres. Dans cette position, elle a l'air plus humaine (plus sauvage) que déesse - et en cela, elle a l'air plus déesse qu'à l'usage. Elle siffle.

Autour d'elles, les fourrés s'agitent.

Je vais partir en chasse. En septembre. Je ne vais pas donner de nouvelles pendant quelques semaines... Et non, je ne souhaite pas que vous m'accompagniez. Je comprends, et j'entends, que ces graines de Dieux sont plus importants pour vous que ce que vous ne voulez me dire. Mais je veux vous faire un présent, avant mon départ.

Elle saute de son rocher et attérit les deux pieds nus bien ancrés dans la poussière. Elle se déplace, féline, effleure Kian d'une caresse sous le menton.

Pour vous protéger et surtout pour garder le lien, je vous demande de vous unir à un familier. Cherchez, trouvez, dans cette réserve naturelle il y en a des milliers. Vous saurez quand c'est le bon, il vous choisira. Je vous bénierai tous les deux et une connexion se développera entre vous deux. Vous pourrez lui parler, et il vous répondra. Je serais toujours là, mes filles, mes guerrières... à travers lui.