Seeds of (self) destruction

Ça n’avait duré qu’une demi-seconde,
qu’un flash,
qu’une image vague sous son regard.
Les paperasses face à lui qui, l’espace d’une vision, deviennent la large porte du Gardien, ouverte sur la rentrée d’un traqueur amoché et du corps endormi entre ses bras. Un temps trop court pour savoir l’enfant en vie, mais c’est un questionnement qui ne saurait même traverser son attention.
Quand la Porte disparaît et que les mots sur les feuilles reprennent leur juste place, l’agitation le prend à la gorge. Le poing se serre contre la garde de son épée, il lui semble sentir chauffer le métal à travers le cuir comme en réponse à ses tourmentes.

Un geste du bras pour faire éclater sa rage, et volent tout autour de lui les pages promises à son Ambassadrice comme volent les feuilles pourpres de l’automne.

Il abandonne son bureau, ses missions et son calme pour rejoindre le côté d’un camarade, dévale dans ses appartements comme une tempête et ordonne d’une voix rauque.

La Grande Porte. Maintenant.

Et se dessinent les traits d’un portail qu’il traverse sans qu’aucun ne prenne le temps des explications ou des adieux. Elles n’étaient pas si rares, les urgences des miliciens, mais personne n’avait besoin de savoir qu’il s’agissait d’une légère transgression pour ses lubies personnelles.

Son corps apparaît à l’orée de la forêt, une colère ardente au bout des doigts mais un sérieux glacé pour maquiller sa colère. L’enfant a déjà été remis à la nymphe et les autorités compétentes -dont il ne saurait faire partie en cet instant- arriveront sous peu.
Il n’aura, depuis sa vision, jamais lâché son arme, comme pour se raccrocher à cette partie de lui qui restera immuable pour l’éternité.

Tu es lamentable.

Ce sont les mots qu’il crache de toute sa hauteur sur lui, observant avec le dédain au bord des cils le sang qui tâche ses loques et les entailles sur sa peau suintant encore de sa faiblesse. Il vient attraper son col pour le redresser, qu’il soit au moins à sa hauteur pour affronter ses fureurs.

Tu le fais exprès, pas vrai ? C’est pour me provoquer ? Est-ce qu’il faut que je t’enchaîne dans un sous-sol pour avoir la paix ?

Tel le chien qu’il était, finalement.